Israël en guerre - Jour 393

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Maire arabe vs. député arabe : un conflit d’intérêts ?

L'attaque du maire de Nazareth contre le député Ayman Odeh semble être un affrontement entre le pragmatisme et la belligérance. Mais il s'agit de bien plus que cela

Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

Des membres de la Liste arabe unie rencontrent le président israélien Reuven Rivlin à la résidence du président à Jérusalem, le 22 mars 2015 (Crédit photo: Yonatan Sindel / Flash90)
Des membres de la Liste arabe unie rencontrent le président israélien Reuven Rivlin à la résidence du président à Jérusalem, le 22 mars 2015 (Crédit photo: Yonatan Sindel / Flash90)

La plupart des Israéliens ayant vu dimanche le maire de Nazareth Ali Salem interrompre une interview en direct sur la Deuxième chaîne avec Ayman Odeh le leader de la Liste arabe unie, lui reprochant de « détruire la ville » en effrayant les visiteurs juifs, ont interprété l’incident comme un affrontement entre une approche d’un leadership arabe local pragmatique et modéré et celle d’un extrémiste intransigeant.

L’interview de Salem au micro de la radio militaire, dans laquelle il a accusé les députés arabes de « détruire notre avenir » et de « détruire la coexistence » entre Arabes et Juifs en Israël, a confirmé cette impression.

Il est vrai que les hausses dans la violence israélo-palestinienne ont souvent suscité un débat interne entre les dirigeants arabes israéliens sur la meilleure façon de réagir, opposant souvent les maires – dont la préoccupation première est le bien-être economique et général de leurs administrés – aux parlementaires généralement idéologues.

Mais alors que la minorité arabe d’Israël se prépare à une grève nationale mardi, les dirigeants locaux et les élus ont confié au Times of Israel que l’écart entre les dirigeants arabes nationaux et régionaux sur la meilleure stratégie actuelle est pratiquement inexistante.

« La décision de faire grève a été adoptée hier à l’unanimité par le Haut Comité de suivi [pour les Arabes en Israël], ce qui, je pense, en dit long », a déclaré la deputée Aida Touma-Sliman, qui appartient au parti socialiste Hadash de Odeh.

« Cela inclut des représentants des autorités locales, qui étaient présents à la réunion … la décision de la grève a obtenu un soutien total. »

« Demain, nous verrons si la grève est suivie par le public arabe », a-t-elle ajouté.

« Il est vrai que le travail des chefs des conseils régionaux est de veiller à la vie au jour le jour de la population, alors que nous autres, députés, traitons des questions politiques. Mais le secret de la réussite dans nos combats publics en tant qu’Arabes a résidé jusqu’à présent dans la coordination entre les deux. Cette coordination a toujours existé, à différents niveaux ».

Touma-Sliman a critiqué l’attaque à la télévision du maire Ali Salem contre Ayman Odeh, disant qu’il aurait dû exprimer ses griefs avec plus de respect.

La deputée de la Liste iste arabe unie Aida Touma-Sliman à la Knesset, le 3 juin 2015 (Crédit photo: Hadas Parush / Flash90)
La deputée de la Liste iste arabe unie Aida Touma-Sliman à la Knesset, le 3 juin 2015 (Crédit photo: Hadas Parush / Flash90)

« L’homme a harangué [Odeh], » a-t-elle dit. « c’était le moyen le moins respectable pour transmettre un message. Ce coup de gueule ne représente que lui. »

Pour Riad Kabha – directeur du Centre judéo-arabe pour la paix à Givat Haviva et ancien chef du Conseil local de Basma au sud-est de Haifa – les motifs de Salem pour attaquer Odeh étaient loin d’être purement idéologiques.

L’animosité entre les deux remonte aux élections municipales à Nazareth il y a deux ans, lorsque Salem et son parti Nasirati se sont presentés contre le maire sortant Ramez Jaraisy, un membre du parti Hadash de Odeh.

« Il existe une tension encore entre eux », a dit Kabha. « [Hadash] reste dans l’opposition [à Nazareth], et quand ils ont organisé une manifestation samedi, ils n’ont pas invité Nasirati ni le maire Ali Salem. »

Le maire de Nazareth, Ali Salam (Crédit photo: Flash90)
Le maire de Nazareth, Ali Salam (Crédit photo: Flash90)

Selon Kabha, les maires et les dirigeants municipaux arabes n’ont pas exprimé une position claire contre la récente vague de violence – comme ils l’avaient fait l’été dernier lors de l’opération Bordure protectrice – parce qu’ « ils ne peuvent pas s’opposer à la protestation quand elle concerne al-Aqsa. »

La mosquée al-Aqsa, dans la Vieille Ville de Jérusalem, « réunit tout le monde en signe de protestation, » a-t-il expliqué, indiquant que les maires arabes étaient plus énergiques l’été dernier pour empêcher les manifestants de bloquer les grands axes et de saccager les biens publics. « [Cette fois] ils ne peuvent pas tenir tête contre les jeunes bloquant les routes et jetant des pierres. Al-Aqsa est une question très sensible. »

Le soi-disant danger à la mosquée figurait en bonne place dans le communiqué publié dimanche par le Haut Comité de suivi – l’organisation representative des Arabes israéliens – en vue de la grève générale et des manifestations de masse prévues mardi.

‘Al-Aqsa réunit tout le monde en signe de protestation’

« Le Haut Comité de suivi condamne la recrudescence sans précédent et la politique raciste du gouvernement d’occupation, dirigée par un groupe d’extrémistes obsédés. Il condamne les tentatives actuelles de diviser la mosquée al-Aqsa bénie dans le temps et l’espace ».

Le gouvernement israélien a démenti à maintes reprises d’avoir l’intention de changer le statu quo au mont du Temple, qui abrite la mosquée al-Aqsa et qui est le site le plus saint dans le judaïsme et le troisième lieu saint de l’islam. En vertu des règles actuelles, les Juifs peuvent se rendre sur le site à certaines heures, mais n’ont pas le droit d’y prier.

Mais pour la députée Touma-Sliman, une chrétienne d’Akko, la grève de mardi se joue beaucoup plus autour de la détérioration du sentiment de la sécurité personnelle des Arabes ces derniers jours que sur le caractère sacré d’al-Aqsa.

« La population arabe soutient clairement une lutte respectable pour la sécurité personnelle, » dit-elle.

« Ces derniers jours, ce sentiment de sécurité a été mis à mal par des attaques de racistes juifs contre des Arabes. Plus grave encore, cependant, la police et le Premier ministre [sic] demandent aux citoyens de porter des armes, ce qui peut poser un réel danger pour la vie des Arabes. »

Le maire de Jérusalem, Nir Barkat, a appelé les citoyens titulaires de permis de port d’armes à porter des armes.

Des membres du parti Hadash de la Liste arabe unie manifestent contre le gouvernement à Nazareth, le 10 octobre 2015 (Crédit photo: Basel Awidat / Flash90)
Des membres du parti Hadash de la Liste arabe unie manifestent contre le gouvernement à Nazareth, le 10 octobre 2015 (Crédit photo: Basel Awidat / Flash90)

Même si les citoyens arabes ne craignent pas, en général, pour leur vie dans les rues juives d’Israël, beaucoup signalent actuellement une hausse dans les agressions raciales ces derniers jours.

Kabha, l’ancien chef du conseil local, a dit qu’il avait rencontré lundi matin un groupe de travailleurs arabes journaliers rentrant tôt du travail d’un chantier de construction à Zichron Yaakov.

« Je leur ai demandé, ‘Qu’est-il arrivé ?’ Ils répondirent : ‘Chaque écolier qui passait par là nous jetait une pierre et nous insultait. Alors, pourquoi devrions-nous rester et travailler ?’. La situation est très inconfortable pour les deux parties. »

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