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Mandeblit : Entraver les conseillers juridiques « écraserait » la démocratie

L'ex-procureur général avertit que le projet de loi proposé érodera la capacité des conseillers à agir en tant que gardiens et à empêcher que des actes illégaux soient commis

L'ancien Procureur général, Avichaï Mandelblit, lors d'une conférence de l'Association of Corporate Counsel, à Tel Aviv, le 29 juin 2021. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)
L'ancien Procureur général, Avichaï Mandelblit, lors d'une conférence de l'Association of Corporate Counsel, à Tel Aviv, le 29 juin 2021. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

L’ancien procureur général Avichaï Mandelblit, un critique virulent de l’effort actuel du gouvernement pour réformer radicalement le système judiciaire, s’est insurgé lundi contre un plan de la coalition visant à faire avancer l’un des projets de loi clé et controversé du paquet de réformes lorsque la Knesset se réunira pour sa session d’été à la fin du mois.

Dans une interview accordée à la Douzième chaîne, Mandelblit a déclaré que le projet de loi de la coalition radicale visant à limiter considérablement le pouvoir des conseillers juridiques du ministère « écraserait la première ligne de défense de la démocratie israélienne ».

« Le devoir des conseillers juridiques du service public est d’abord et avant tout envers l’État d’Israël et non pas personnellement envers le ministre », a déclaré Mandelblit, affirmant que la législation proposée éroderait la capacité des conseillers à agir en tant que gardien et à empêcher que des actes illégaux ne soient commis.

Mandelblit, qui a été nommé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu avant de déposer un acte d’accusation criminel a son encontre, a critiqué à plusieurs reprises la réforme du système judiciaire du gouvernement Netanyahu et a déclaré que si les projets proposés étaient adoptés, « Israël cesserait d’être une démocratie ».

Selon un reportage de la Douzième chaîne diffusé dimanche, la coalition a l’intention de présenter bientôt la version la plus extrémiste du projet de loi sur les conseillers juridiques, qui transformerait les conseillers juridiques et leurs postes d’autorités professionnelles en postes discrétionnaires. Le projet de loi permettrait aux ministres de nommer – et de licencier – leurs propres conseillers juridiques, et de rendre les positions des conseillers juridiques non contraignantes pour les ministres et le cabinet.

Actuellement, le conseiller juridique de chaque ministère est placé sous l’égide du procureur général, afin de préserver son indépendance de toute influence politique, et ses positions sont contraignantes pour les ministères. Les partisans de la réforme s’agacent souvent de l’intervention de la procureure générale et des conseillers juridiques ministériels, qui, selon eux, argumentent trop facilement et annulent fréquemment les initiatives politiques des ministres élus, puisque leurs positions écrites sont contraignantes pour le gouvernement.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le secrétaire de cabinet de l’époque Avichaï Mandelblit lors de la réunion hebdomadaire de cabinet au Bureau du Premier ministre, à Jérusalem, le 9 juin 2013. (Crédit : Marc Israel Sellem/POOL/FLASH90)

Les opposants aux projets du gouvernement visant à remanier le système judiciaire ont prévenu que la réduction de l’indépendance des conseillers juridiques des ministères mettrait en péril un contrôle important du pouvoir exécutif.

Le reportage de dimanche a souligné que la coalition cherchera à faire passer ce projet de loi sans tenir compte des négociations en cours avec l’opposition pour tenter de parvenir à un compromis sur la réforme du système judiciaire. Bien que Netanyahu ait suspendu le processus législatif à la fin du mois dernier pour permettre un dialogue avec l’opposition, plusieurs membres de la coalition ont indiqué qu’il pourrait reprendre dans les semaines à venir même si les pourparlers échouaient.

La Douzième chaîne a noté que la législation, si elle était adoptée, permettrait à Netanyahu de démettre de ses fonctions la conseillère juridique du Bureau du Premier ministre, Shlomit Barnea Farago, qui s’est opposée à lui en raison des dépenses excessives et de la restitution des cadeaux de l’État.

Dans son interview de lundi, Mandelblit a expliqué qu’il y avait eu des versions antérieures de ce projet de loi spécifique qui avaient été repoussées. Il a déclaré qu’une version « radicale » du projet de loi datant d’environ cinq ans avait suscité l’intervention des anciens juges en chef Aharon Barak, Elyakim Rubinstein et Meïr Shamgar, qui étaient « venus à la Knesset » pour « combattre le projet de loi », une période que Mandelblit a qualifiée « d’événement déterminant » au cours de son mandat de procureur général.

Mandelblit a également fait référence à un précédent projet de loi privé du député Amir Ohana (Likud), actuellement président de la Knesset, qui aurait mandaté un conseiller juridique du ministère pour « agir afin de mettre en œuvre les instructions d’un ministre » et aurait obligé le conseiller à « remplir son devoir fondamental de sauvegarde et de protection des intérêts de l’État ». Une autre proposition, celle de l’ancienne ministre de la Justice Ayelet Shaked, que Mandelblit a décrite comme complètement différente mais « pas nécessairement bonne non plus », aurait donné plus de « poids à l’échelon politique », tandis que les protections seraient restées en place. Ce projet n’avait pas non plus progressé.

Le projet de loi dans sa forme actuelle, a averti Mandelblit, incitera les conseillers juridiques des ministères à être « personnellement loyaux » envers les ministres qu’ils servent et les conseillers ne seront pas tenus de signaler toute activité douteuse au procureur général.

Les propositions actuelles pourraient conduire à de « graves dysfonctionnements », a-t-il déclaré, car « 80 ou 90 % des décisions sont prises au niveau du ministère et non au niveau du gouvernement. Tant que [le conseiller juridique] n’avertit pas [la procureure générale] d’un comportement [apparemment illicite], personne ne saura qu’il y a quelque chose d’illégal ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Justice Yariv Levin, à la Knesset, le 27 mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Selon la proposition de la coalition, qui n’a pas encore été rendue publique, si un conseiller juridique avertit la procureure générale qu’il est soupçonné d’avoir commis des actes répréhensibles, « le ministre le renverra tout simplement. C’est ce qui va se passer, et c’est quelque chose qui met grandement en danger l’État de droit dans l’État d’Israël et la protection de l’État… en tant que démocratie libérale ».

Une telle conduite permettrait d’aboutir à une situation où il n’y aurait « plus de mandat [fixe] pour un conseiller juridique. [Ils seront nommés pour une durée indéterminée et dès que le ministre changera, le conseiller juridique changera également ».

« Les niveaux de protection de la démocratie dans l’État d’Israël ne sont pas parmi les meilleurs. Nous n’avons pas de constitution, nous n’avons pas deux chambres du Parlement, nous n’avons pas de système de gouvernement fédéral et régional », a expliqué Mandelblit. Aux yeux des fondateurs de l’État, les « deux lignes de défense » étaient le bureau de la procureure générale et la Haute Cour de justice.

Mandelblit a déclaré que le projet de loi sur les conseillers juridiques n’est pas moins dangereux que les efforts visant à limiter les pouvoirs de la Cour et à placer la plupart des nominations judiciaires sous contrôle politique.

« Il est possible que, dans une large mesure, ce soit plus grave parce que la plupart des affaires ne parviennent pas à la Cour suprême mais sont classées au sein des ministères. Si les conseillers juridiques ne sont pas en mesure d’agir de manière indépendante, l’État de droit et les valeurs libérales et démocratiques sont menacés. »

La procureure générale Gali Baharav-Miara a prévenu que l’actuel paquet de réformes de la coalition donnerait au gouvernement un pouvoir pratiquement illimité, sans fournir aucune protection institutionnelle pour les droits individuels.

Ces projets ont suscité de vives critiques de la part de l’opinion publique et ont donné lieu à des manifestations de masse au cours des 15 semaines qui ont suivi leur présentation.

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