Retour sur la 15e manifestation de grande ampleur contre la refonte judiciaire
Les organisateurs de la manifestation ont promis de continuer jusqu'à ce que le projet de refonte soit abandonné ; Itamar Ben Gvir était présent à la contre-manifestation à Netanya
Des centaines de milliers de personnes se sont à nouveau rassemblées samedi contre les projets controversés du gouvernement destinés à remanier le système judiciaire, un jour après que l’agence de notation Moody’s a abaissé les perspectives économiques d’Israël de « positives » à « stables », en raison du paquet de réformes de la coalition.
Les manifestants se rassemblent depuis plus de trois mois contre les projets de la coalition radicale visant à modifier le système judiciaire, notamment en plaçant la plupart des nominations judiciaires sous le contrôle du gouvernement et en limitant considérablement les pouvoirs de contrôle de la Haute Cour de justice.
Bien que le processus législatif ait été suspendu pour permettre un dialogue avec l’opposition, plusieurs membres de la coalition ont indiqué qu’il pourrait reprendre dans les semaines à venir même si les pourparlers échouaient.
Des manifestations contre la réforme ont eu lieu dans 150 endroits à travers le pays. Selon les estimations, 150 000 personnes ont participé au rassemblement principal, à Tel Aviv, et des dizaines de milliers d’autres ailleurs. Les organisateurs de la manifestation ont affirmé que 400 000 personnes avaient participé à la manifestation dans tout le pays, bien que ce chiffre n’ait pas pu être vérifié. Ils ont promis de « continuer à manifester par centaines de milliers jusqu’à ce que le coup d’État judiciaire soit complètement abandonné ».
Pendant ce temps, l’organisation de droite Im Tirtzu a organisé des contre-manifestations en faveur de la réforme dans 12 endroits du pays, mais elles n’ont pas attiré de grandes foules.
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a participé à l’un de ces rassemblements dans la ville côtière de Netanya.
« Nous sommes pour une réforme ! Pour les soldats de Tsahal ! Pour l’État d’Israël », a-t-il déclaré à la foule.
בן גביר נואם בנתניה
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La Treizième chaine a rapporté qu’une foule de 150 contre-manifestants a assisté au rassemblement en faveur de la réforme judiciaire à Netanya, contre une foule de 24 000 opposants à la législation, citant la société CrowdSolutions.
La police a renforcé sa présence dans la ville côtière, anticipant d’éventuelles échauffourées entre les deux manifestations rivales.
Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a critiqué la présence de Ben Gvir à la manifestation dans son discours aux manifestants opposés à la réforme.
« Montrez-moi un endroit dans le monde où le gouvernement manifeste contre son propre peuple. Dans quel pays démocratique du monde, à part Israël, Itamar Ben Gvir peut-il être ministre ? », a demandé Lapid à la foule. « Vous savez pourquoi il est ici ? Parce qu’il a peur de vous. »
À Tel Aviv, la police avait prévu que les manifestants tenteraient de bloquer l’autoroute Ayalon après la manifestation et a interrompu la circulation de sa propre initiative. Des dizaines de manifestants sont effectivement descendus sur l’autoroute à deux reprises, mais ils ont été dispersés par des officiers de la garde montée et un canon à eau. Sept manifestants ont été arrêtés, dont un homme qui a allumé un feu au milieu de la route.
איילון עכשיו pic.twitter.com/SweOPXDPGI
— Asslan Khalil (@KhalilAsslan) April 15, 2023
Avant les manifestations, les organisateurs ont déclaré dans un communiqué que tout changement dans le mode de sélection des juges du pays, comme le souhaite le gouvernement, « amorcera un processus qui transformera l’État d’Israël en une dictature messianique ».
« Les millions de personnes qui ont participé aux manifestations jusqu’à aujourd’hui s’opposeront à la destruction de l’État d’Israël et aux valeurs de la Déclaration d’Indépendance. Nous appelons les chefs de l’opposition à ne pas laisser le temps s’étirer et à annoncer une date cible pour un accord général avant Yom HaAtsmaout [le jour de l’Indépendance] », ont déclaré les organisateurs.
« La lenteur entraînera la destruction de l’économie et de l’armée, ainsi que des divisions au sein de la nation », peut-on lire dans la déclaration.
À Netanya, Lapid a averti les manifestants que le gouvernement était « au sommet de son parcours de destruction de l’économie et de la démocratie du pays ».
« Les mauvais gouvernements et les gouvernements anti-démocratiques ne s’arrêtent pas d’eux-mêmes. Ils ne s’arrêtent que si suffisamment de citoyens bons, positifs et patriotes se drapent dans le drapeau et sortent dans les rues », a-t-il déclaré.
נתניה אמרה לא לדיקטטורה! שום שר פיתות או ליצן טיקטוק יצליח לשנות את זה. pic.twitter.com/Fmy3fkd7wZ
— קומי ישראל ???????? (@kumiiisrael) April 15, 2023
La députée Tally Gotliv (Likud) a déclaré aux contre-manifestants que « la gauche a perdu la tête, la gauche a trahi l’État d’Israël ».
« La gauche a oublié les valeurs les plus fondamentales de la nation d’Israël et d’un État juif et démocratique », a-t-elle déclaré.
יכולה לעזור לדיסטל בהסברה, לא? או לסמוטריץ. pic.twitter.com/YE96a3uF3Y
— Ben Caspit בן כספית (@BenCaspit) April 15, 2023
Gotliv a également été filmée en train de parler avec un homme, apparemment un journaliste international, pour lui expliquer dans un anglais approximatif que l’ancien président américain Barack Obama avait payé le site d’information israélien Walla pour qu’il publie des articles contre Netanyahu.
ח״כ טלי גוטליב הערב בנתניה: ״השמאל בגד במדינת ישראל״.
אנו קוראים למשטרת ישראל לפתוח בחקירה כנגד הסתה והתרת דמינו. pic.twitter.com/dJKrUO0Hdg
— קומי ישראל ???????? (@kumiiisrael) April 15, 2023
À Tel Aviv, Dan Halutz, ancien chef d’état-major de Tsahal, a exhorté les chefs de l’opposition à se retirer des négociations avec le gouvernement en vue d’un compromis législatif.
L’ancien chef militaire a critiqué Netanyahu, déclarant que sa conférence de presse du début de la semaine était une « honte ».
Dans ce discours, le Premier ministre a imputé à l’opposition et au gouvernement précédent la responsabilité des récents problèmes de sécurité, notamment les tirs de roquettes en provenance du Liban, de la Syrie et de la Bande de Gaza, ainsi qu’une série d’attentats terroristes palestiniens meurtriers.
« Derrière le podium se tenait un homme stressé et déconcentré. Il n’a pas réussi à dire un seul mot de vérité, à part ‘citoyens d’Israël’ – et même sur ce point, nous devons vérifier ce qu’il voulait dire », a déclaré Halutz.
« Vous nous avez demandé de croire en vos promesses… Vous avez promis d’écraser le [groupe terroriste palestinien du] Hamas. L’avez-vous tenue ? Bien sûr que non. Vous avez promis de réduire le coût de la vie. Cela s’est-il produit ? Non. Vous aviez promis de résoudre la crise du logement. Vous aviez promis de réduire les taux d’intérêt des prêts immobiliers, l’avez-vous fait ? Rien ne s’est passé, parce qu’il n’y a pas de lien entre ce que vous dites et ce que vous faites », a-t-il déclaré.
Plus tôt dans la ville, un groupe a protesté contre le projet de former une garde nationale sous la direction de Ben Gvir, se déguisant en officiers de la « milice » pour la troisième semaine consécutive. Les critiques ont affirmé que cette force pourrait s’apparenter à une milice privée du ministre.
Une poignée de partisans pro-réforme ont organisé une contre-manifestation alors que des milliers de personnes manifestaient contre les propositions devant la résidence présidentielle à Jérusalem.
Les partisans du gouvernement ont crié aux manifestants anti-réforme : « Bolcheviks, retournez d’où vous venez ».
Lors du rassemblement contre la réforme judiciaire, la foule a crié « honte », tandis que les organisateurs s’en prenaient au ministre de la Justice, Yariv Levin, au président de la commission de la Constitution, le Droit et la Justice, Simcha Rothman, les deux principaux instigateurs de la réforme, et à Ben Gvir.
Dans la ville d’Eilat, au sud du pays, un homme de 24 ans a été arrêté pour être interrogé après avoir jeté un verre sur des manifestants anti-réforme.
Les organisateurs des manifestations ont continué à exprimer leur scepticisme à l’égard des négociations entre les partis Yesh Atid et HaMahane HaMamlahti d’une part, et la coalition au pouvoir d’autre part, sous les auspices du président Isaac Herzog. Ils prétendent que les négociations sont une ruse pour étouffer le mouvement de protestation et faire avancer la législation en douceur.
Les opposants craignent que le projet de loi sur la sélection des juges, qui en était à ses deux derniers votes à la Knesset avant l’annonce du gel, ne soit soumis à l’approbation finale du plénum du Parlement à tout moment, une fois que la Knesset aura terminé ses congés de Pessah à la fin du mois.
Ils affirment que ce projet portera profondément atteinte au caractère démocratique d’Israël en bouleversant son système d’équilibre des pouvoirs, en accordant presque tous les pouvoirs à la coalition et en laissant les droits individuels sans protection et les minorités sans défense. Les partisans assurent qu’il s’agit d’une réforme indispensable pour mettre un frein à l’activisme de la Haute Cour.