Marlena Spieler, auteure prolifique de livres de cuisine juive, est décédée à 74 ans
Née aux USA, elle avait remporté de nombreux prix, passé un an en Israël et dit de ses grands-parents, qui parlaient yiddish, qu'ils « avaient fui des choses terribles » en Europe
JTA — Dans un essai rédigé en juin dernier, Marlena Spieler évoquait avec exubérance le quartier dans lequel vivait son grand-père, à San Francisco.
« C’était un sorte de petit shtetl à San Francisco, avec ses charcuteries pleines de barils de cornichons, ses librairies qui vendaient livres saints et objets rituels, ses boutiques de meubles de seconde main et de bric-à-brac, et puis il y avait ma boutique favorite : l’Ukraine Bakery, où nous achetions des petits pains au pavot. Ca sentait délicieusement bon, un vrai paradis pour les amateurs de boulangerie. Des femmes pleines de farine m’attrapaient et m’embrassaient, me pinçaient les joues et me fourraient des biscuits dans les mains et les poches quand je venais avec papa. »
On lit ça comme les mémoires de quelqu’un qui allait devenir écrivain culinaire et nourrissait un profond amour pour cet endroit. Et c’est exactement ça.
Spieler a tenu la rubrique culinaire Roving Feast du San Francisco Chronicle de 2000 à 2010 et publié, seule ou avec d’autres, plus de 70 livres de cuisine, parmi lesquels The Jewish Heritage Cookbook (2001) et The Complete Guide to Traditional Jewish Cooking (2011).
« Elle parcourait le monde et rapportait de merveilleuses histoires de nourriture et d’aventures. Elle les reliait à ce que nous mangions et vivions ici, en Californie du Nord », confie Miriam Morgan, ex-rédactrice en chef culinaire, au Chronicle.
« Ses recettes étaient pleines de vie, toujours très appréciées des lecteurs. »
Spieler est décédée le 6 juillet à son domicile près de Londres, au Royaume-Uni. Elle avait 74 ans.
La nouvelle de sa mort a donné lieu à une série d’hommages sur les réseaux sociaux.
« C’est l’une des personnes qui m’ont donné le goût de la nourriture, des saveurs et des cultures, ce qui m’a conduite à travailler dans le secteur alimentaire », a écrit Jo Aspin, nièce par alliance et consultante en marketing pour les restaurants.
« Quand je pense à elle, je me rappelle toutes ces choses délicieuses que nous avons goûtées ensemble et son rire, son rire », a écrit Steve Sando, fondateur de Rancho Gordo, marque de spécialités de haricots. « Sa fantaisie rebutait les gens un peu pédants. Mais ils sont nombreux, ceux qui adoraient lire ses chroniques. Le monde était plus beau avec elle. »
Spieler avait remporté de nombreux prix et sa mémoire a été saluée en Californie, où elle est née et a grandi, comme en Angleterre, où elle s’est installée dans les années 1990 et où elle a connus on mari, Alan McLaughlan. Elle a remporté un James Beard Award en 1992 pour From Pantry to Table: Creative Cooking from the Well-Stocked Kitchen, et reçu deux fois le Guild of Food Writers Award, prestigieux prix du Royaume-Uni. Enfin, elle a remporté l’International Cookbook Award pour son livre Feeding Friends publié en 2000.
En 2007, elle publiait Yummy Potatoes et l’année suivante, elle était invitée et ambassadrice de la conférence des Nations Unies pour l’Année internationale de la pomme de terre au Pérou.
Elle a également été traiteur et illustratrice de livres et a publié son bulletin Substack quasiment jusqu’à sa mort.
Spieler, née à Sacramento, le 16 avril 1949, disait que ses grands-parents, qui parlaient le yiddish, avaient « réchappé à des choses terribles » en Europe. La deuxième épouse de son grand-père était issue d’une famille active au sein de la communauté juive de Harbin, en Chine.
Spieler a étudié au California College of the Arts puis à Oakland. Elle a vécu en Israël pendant un an et travaillé comme illustratrice en Grèce. c’est là qu’un éditeur s’intéresse de plus près aux plats qu’elle dessine. Le livre de recettes qui suit (sans ses dessins) lance sa carrière de rédactrice culinaire, animatrice et chroniqueuse.
What a horrible way to start the day.
I'm sure you've heard, but we lost Marlena Spieler, one of the sweetest people around. 1/5 pic.twitter.com/xUWTbJAicJ— Steve Sando (@RanchoGordo) July 7, 2023
En 2011, elle perd l’odorat et le goût suite à une blessure à la tête lors d’un accident de voiture. Elle décrit son lent rétablissement dans un essai publié dans les colonnes du New York Times, et notamment du goût « d’un sandwich à la sardine de chez Saltie, à Brooklyn, qui m’a presque fait pleurer de plaisir, comme la pêche bien mûre que j’ai mangée dans la rue ». Un ami lui fait alors remarquer : « Même avec les problèmes que vous avez eus, personne ne sait parler des saveurs comme vous le faites. »
Dans The Complete Guide to Traditional Jewish Cooking, Spieler revient sur l’histoire d’un plat de base au Royaume-Uni – le fish and chips – et plus précisément à ses racines, qui plongent dans l’East End juif de Londres et avant cela, aux premiers Juifs séfarades venus en Angleterre après l’expulsion des Juifs au 13ème siècle. L’ouvrage fait également la part belle aux recettes d’Europe de l’Est, de l’Ouest, du Moyen-Orient, d’Inde et d’Amérique latine.
Spieler avait célébré la diversité culinaire dans une récente chronique à propos de Pessah : « Pessah est une fête au cours de laquelle les Juifs du monde entier … apportent leurs traditions à table. Cela illustre parfaitement ce que je pense, à savoir que nous sommes tous différents mais que nous ne faisons qu’un.
Elle laisse dans la peine son époux Alan, leur fille, un petit-fils et une belle-fille.