Netanyahu évoque un harcèlement des élus au nom de la démocratie
Les élus du Likud exigent une sécurité renforcée et l'interdiction de manifester près de chez eux
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’en est pris lundi aux manifestants opposés aux efforts de son gouvernement visant à réformer le système judiciaire, et les a accusé de systématiquement harceler des législateurs de la coalition lors d’événements publics.
Les propos de Netanyahu interviennent un jour après que le député de HaTzionout HaDatit, Simcha Rothman, l’un des architectes du projet de refonte, a été contraint par des manifestants anti-gouvernementaux de quitter un événement à Tel Aviv. Netanyahu a mentionné plusieurs autres incidents au cours desquels des manifestants opposés à la refonte ont interrompu des événements auxquels participaient des législateurs de la coalition.
« Au nom de la démocratie, au nom de la liberté d’expression, ils ont empêché Simcha Rothman de s’exprimer à l’université de Tel-Aviv », a déclaré Netanyahu dans un discours à la Knesset.
Énumérant quelques incidents qui ont eu lieu ces derniers mois, Netanyahu a mentionné « Avi Dichter a été frappé, Nir Barkat a été attaqué, Boaz Bismuth a été expulsé d’une synagogue pendant Yom HaShoah ».
« Est-ce légal d’aller voir un représentant de la population et de le chasser, de le menacer et de restreindre sa liberté de mouvement dans un espace public ? C’est très grave », a déclaré Netanyahu.
Netanyahu a également accusé les manifestants de constamment changer leur message – que ce soit pour s’opposer au budget de l’État ou au projet controversé du gouvernement de redistribution des taxes foncières des localités les plus riches vers les plus pauvres – et a déclaré qu’ils le faisaient pour s’assurer « qu’il n’y ait pas un seul moment de paix ».
שמחה רוטמן מגיע לאוניברסיטת תל-אביב. pic.twitter.com/kBmpYjT0Bu
— Ben Caspit בן כספית (@BenCaspit) May 28, 2023
Netanyahu a indiqué que des membres de son parti avaient décrit les attaques et les menaces dont ils avaient fait l’objet.
Répondant à Netanyahu lors de la séance plénière, le chef de l’opposition Yair Lapid a rappelé que les membres du gouvernement précédent, qu’il dirigeait dans le cadre d’un accord de partage du pouvoir avec Naftali Bennett, avaient fait l’objet d’un harcèlement similaire et avaient aussi été régulièrement chahutés.
« Vous parlez d’incitation à la violence ? » a demandé Lapid. « Où étiez-vous lorsque des balles ont été envoyées au fils et à la femme de Bennett ? … Vous parlez de députés harcelés ? Ignorez-vous ce qui s’est passé devant le domicile de [l’ancien député de Yamina] Nir Orbach ? Qu’avez-vous fait pendant un an et demi si ce n’est inciter de manière vicieuse à la violence ? »
Lors d’une réunion de faction du Likud à huis clos lundi, les législateurs ont déclaré que leur sécurité devait être renforcée car ils étaient régulièrement accostés par des manifestants lors d’événements, indique le site d’information Ynet. Le Premier ministre a déclaré qu’il allait étudier la question, selon le rapport.
Le ministre des Sciences et de la Technologie, Ofir Akunis, aurait déclaré à la réunion que ses voisins voulaient l’expulser de son quartier de Tel Aviv : « Ils ont mis une note sur la vitre de ma voiture qui disait ‘Vous n’êtes pas le bienvenu ici' ».
La députée Keti Shitrit a affirmé qu’elle avait fait appel au ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir à ce sujet, mais qu’il n’avait pas agi.
Les députés Yuli Edelstein, Moshe Saada et Hanoch Milwidsky se sont également plaints d’avoir été menacés par des manifestants.
Dans un reportage distinct diffusé par la Douzième chaîne, les législateurs du parti au pouvoir ont suggéré d’adopter une loi interdisant les manifestations devant les domiciles des fonctionnaires, invoquant les perturbations régulières de leur vie quotidienne.
Cette suggestion, sur laquelle Netanyahu a promis de se pencher, a été émise par le député Danny Danon.
« Les députés du Likud ne peuvent plus se déplacer sans se faire escorter par des représentants des mouvements de protestation », aurait déclaré Tally Gotliv.
Le député Yuli Edelstein aurait déclaré : « Je n’ai pas vite peur, mais je ne sais pas comment j’aurais survécu à cette situation si je n’avais pas été protégé grâce à ma position ».
Toujours selon le même reportage, Netanyahu aurait répondu : « N’arrêtez rien [de vos activités], et nous n’arrêterons pas non plus. Je vous parle en connaissance de cause. Soit dit en passant, ils n’ont pas de limite géographique – ils arrivent jusqu’à Londres, jusqu’à Rome, partout ». Netanyahu, lors de ses voyages à l’étranger, a été accueilli par des centaines de manifestants munis de pancartes pro-démocratie, notamment dans ces deux capitales européennes.
Dimanche, des centaines de manifestants, parmi lesquels des étudiants et des professeurs d’université, ont empêché Rothman de pénétrer dans un bâtiment où une table ronde sur le projet de réforme judiciaire devait avoir lieu.
Le service de sécurité a fini par se frayer un chemin, permettant à Rothman, président de la Commission constitutionnelle de la Knesset, de pénétrer dans les lieux.
Ses propos, lors de la table ronde, ont été constamment interrompus par des manifestants qui criaient « Démocratie » et traitaient Rothman de fasciste.
Le député HaTzionout HaDatit a répliqué : « Vos arguments sont de faible poids. Vous êtes incapables de contrer mes arguments sur le plan intellectuel, c’est pour ça que vous criez ? »
Il a accusé les manifestants d’être responsables des répercussions économiques, affirmant : « Ce n’est pas la réforme judiciaire qui nuit à l’économie, mais bien ceux qui crient au loup. »
Empêché de prendre pleinement part au panel, Rothman a été raccompagné hors du bâtiment sous escorte policière et placé à bord d’un véhicule de sécurité du campus qui l’a conduit à son véhicule, lequel avait entre-temps été recouvert d’autocollants anti-gouvernement par les manifestants.
Le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, a écrit une lettre aux directeurs d’universités lundi, à la suite des protestations suscitées par l’intervention de Rothman, les accusant d’avoir encouragé une « grave atteinte à la liberté d’expression dans le monde universitaire ».
« Vous avez agi de manière extrêmement politique pour réduire au silence tout un camp parce qu’il a des avis différents des votres », a-t-il déclaré, et il les a exhortés à « changer de voie ».
« Le fait que vous ayez mis le monde universitaire dans cette situation fâcheuse ne me surprend pas. Je regrette qu’il n’y ait pas de véritable liberté d’expression dans le monde académique. D’un côté, vous vous battez pour protéger la liberté d’expression de l’extrême gauche, tout en réduisant violemment au silence, dans les salles d’université, l’autre côté de l’échiquier politique », a-t-il écrit.
Après avoir fait passer à la hâte à la Knesset une série de projets de loi liés à la réforme, et à deux doigts de les faire adopter, Netanyahu a annoncé fin mars une pause afin de permettre des pourparlers de compromis visant à parvenir à un accord général. Les négociations sont en cours mais n’ont pas encore abouti.
Le Premier ministre a déclaré lors de la réunion de la faction du Likud lundi que la réforme n’était « pas morte ». Selon un représentant du Likud, Netanyahu aurait néanmoins dit à ses collègues du parti lors de la réunion de la faction que le Likud devait faire tous les efforts possibles dans les discussions en cours avec l’opposition afin de parvenir à des accords qui soient acceptés par le plus grand nombre.
Samedi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à travers le pays contre les projets de réforme du système judiciaire, pour la 21e semaine consécutive.
Carrie Keller-Lynn a contribué à cet article.