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New York : Des maires israéliens à la rencontre de la diversité des Juifs US

Lors d'un voyage d'une semaine dans la ville, 30 leaders locaux - notamment le maire de la ville arabe d'Umm al-Fahm - se sont livrés à un échange culturel avec la Diaspora

La délégation de maires et de responsables municipaux israéliens qui s'est rendue à New York du 11 au 18 octobre 2021. (Crédit : Ohad Kab)
La délégation de maires et de responsables municipaux israéliens qui s'est rendue à New York du 11 au 18 octobre 2021. (Crédit : Ohad Kab)

NEW YORK — Lors de son arrivée à New York, le 11 octobre, le chef du Conseil régional de Hébron Yochai Damri n’avait pas pleinement compris les inquiétudes suscitées par les difficultés connues dans la relation entretenue entre les Juifs américains et Israël qui avaient été exprimées par les leaders communautaires des deux côtés du globe, ces dernières années. Mais après avoir rencontré les responsables juifs locaux, il note que « pour la première fois, j’ai bien compris les choses ».

Pendant des années, une rupture entre la Diaspora et la communauté juive israélienne a semblé s’élargir, certains pointant un doigt accusateur en direction de l’ex-Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu – qui a été accusé d’avoir été à l’origine de l’aliénation des courants non-orthodoxes du judaïsme en Israël comme à l’étranger. Contrairement à Israël, la majorité des Juifs aux États-Unis ne s’identifient pas au courant orthodoxe.

Il y a, au cœur d’une grande partie de ce conflit, la mainmise du Grand rabbinat orthodoxe sur les affaires religieuses au sein de l’État juif et la décision controversée prise par Netanyahu de geler l’installation d’un espace de prière égalitaire au mur Occidental – en plus du refus continu opposé par le rabbinat de reconnaître les conversions non-orthodoxes.

Pour ne rien arranger, il y a eu aussi la relation étroite tissée entre Netanyahu et l’administration Trump qui a provoqué l’ire de la communauté juive américaine, qui penche largement à gauche de l’échiquier politique, ainsi que le traitement réservé par Israël aux Palestiniens.

Damri a fait partie d’un groupe de 30 maires et autres responsables locaux israéliens qui se sont récemment rendus à New York pour un séjour d’une semaine, dans le cadre d’un programme visant à tenter de régler les désaccords en s’ouvrant à la communauté juive américaine dans toute sa diversité. Le voyage avait été organisé par l’Organisation sioniste mondiale (WZO) et Kolot, un groupe dont l’objectif est « de renforcer les valeurs morales d’Israël en tant qu’État juif ».

Avant le voyage, jamais Damri n’avait eu l’occasion d’échanger avec un rabbin réformé, a-t-il confié au Times of Israel alors qu’il se trouvait au centre communautaire juif de Manhattan.

« Nous n’avons pas été d’accord sur tout », a dit Damri, évoquant ses échanges, « mais j’ai pu comprendre les divers positionnements ».

En tant que dirigeant du conseil régional de Har Hebron en Cisjordanie, Damri est originaire d’un milieu qui serait considéré par un grand nombre comme particulièrement conservateur. Tandis que les Juifs de tous les courants se rendent régulièrement en Israël et que les mouvements progressistes du judaïsme existent également au sein de l’État juif, ces communautés sont d’une taille modeste si on les compare aux communautés orthodoxes et elles ne sont pas considérées comme appartenant au paysage religieux dominant du pays.

Même si la Knesset a connu de nombreux rabbins parmi ses députés – issus des partis ultra-orthodoxes – le parlementaire Travailliste Gilad Kariv a été le tout premier rabbin du mouvement réformé à devenir membre du Parlement israélien suite aux élections du printemps dernier. Et pendant son court mandat, il a d’ores et déjà dû affronter moultes difficultés posées par les politiciens ultra-orthodoxes, qui sont allées jusqu’au boycott.

Horizons élargis

Organisation fondée en 1997, Kolot offrait initialement des sessions d’études de la Torah à des personnalités déterminantes de la société israélienne – et le groupe aura été l’un des tous premiers à proposer une étude pluraliste de la Torah en Israël. Aujourd’hui, il se concentre sur le changement social en familiarisant les responsables locaux aux textes juifs et aux principes d’éthique que ces leaders sont susceptibles d’utiliser au cours de leur processus quotidien de prise de décision.

Kolot offre de tels programmes non seulement aux fonctionnaires mais aux individus issus de la communauté des affaires, du secteur de l’éducation et autres à ceux qui cherchent à relever des défis divers à travers l’étude juive. Selon le site internet de l’organisation, le processus d’apprentissage ne permet pas seulement « la Team building« , fameuse construction de l’esprit d’équipe, mais « contribue également au développement personnel de chaque participant ».

Kolot est financé par des donateurs privés et les participants à ses programmes payent également une contribution.

Avant leur séjour à New York, les maires et les responsables municipaux s’étaient régulièrement rencontrés au sein de l’État juif dans le cadre de leur programme Kolot qui s’étend sur un an. Pendant les sessions d’étude de la Torah, ils avaient évoqué les difficultés qu’ils devaient affronter dans leurs positions respectives et cherché une orientation susceptible de résoudre ces difficultés dans les écritures juives.

Le point culminant de ce programme aura été ce voyage dans la Grande Pomme qui a duré une semaine, du 11 au 18 octobre.

La directrice-générale de Kolot, Nella Feldsher. (Crédit : Danielle Ziri)

« Nous nous efforçons de leur faire découvrir le judaïsme et le monde juif », commente la directrice-générale de Kolot, Nella Feldsher. « Le monde Juif, ce n’est pas seulement Israël et c’est ce que de nombreux Israéliens ne comprennent pas ».

« Ce sont des maires qui prennent des décisions majeures mais quand on prend des décisions, il faut savoir prendre en compte un plus grand nombre d’éléments que ceux auxquels on est exposé en Israël uniquement », continue-t-elle. « Il faudra un certain temps pour que les participants assimilent vraiment ce qu’ils ont appris pendant ce séjour, mais nous savons que nous avons élargi leurs horizons et qu’aujourd’hui, ils vont penser à beaucoup de choses auxquelles ils ne pensaient pas auparavant ».

Le monde Juif, ce n’est pas seulement Israël et c’est ce que de nombreux Israéliens ne comprennent pas

Pour Damri, l’expérience a été « très intense ». Pendant toute la semaine, aux côtés de ses homologues de localités situées dans tout l’État juif, il a eu l’occasion d’échanger avec des rabbins issus de tous les courants, avec des groupes juifs aux sensibilités politiques diverses et avec des responsables juifs élus.

La maire d’Or Yehuda, Liat Shochat. (Crédit : Photo by Ohad Kab)

« Je comprends que les rabbins du courant réformé tentent de préserver le judaïsme ici et qu’ils ont le sentiment que si l’identité juive n’est pas exactement celle de la halakha [loi juive], qu’elle est plus culturelle, il faut néanmoins savoir la préserver », explique Damri.

« D’un autre côté, je comprends très bien la partie orthodoxe qui déclare : ‘Je n’ai pas de problème avec l’acceptation d’autrui parce que nous sommes tous frères, mais ce qui m’ennuie, c’est d’aller à la synagogue en voiture à Shabbat, d’entendre de la musique et de voir des hommes et des femmes assis ensemble pendant les offices, et d’entendre que tout cela est considéré comme halakhique« .

« C’est à cela que le conflit se résume mais, en fin de compte, nous sommes tous frères », poursuit-il. « Il y a 80 ans, nous étions persécutés, personne ne nous demandait où nous faisions notre prière ou comment – nous étions persécutés parce que nous étions Juifs ».

Liat Shochat, la maire d’Or Yehuda qui effectue en ce moment son deuxième mandat et qui a participé à ce voyage, dit au Times of Israel ne pas avoir « cessé d’apprendre et d’absorber des informations » depuis l’atterrissage à New York.

« Je ne juge pas, je me contente de prendre ce qu’on me donne et de tenter de comprendre ce qui se passe ici », indique-t-elle.

Shochat s’est inscrite au programme d’étude de Kolot pour « nourrir son âme ». Venir à New York, précise-t-elle, a été une expérience « fascinante » et lui a permis de « se poser des questions particulièrement dures, même si elles mettent mal à l’aise, pour enfin trouver la vérité ».

« En Israël, on entend souvent dire : ‘Pourquoi les Juifs américains nous disent-ils ce que nous devons faire ?.’ Mais, en arrivant ici, on comprend que la question de la sécurité d’Israël est importante pour les Juifs américains, que le judaïsme est important à leurs yeux, » s’exclame-t-elle.

Samir Sobhi Mahamid, maire de la ville arabe d’Umm al-Fahm en Israël, dans son bureau, le 4 février 2020. (Crédit : AP Photo/Oded Balilty)

Samir Sobhi Mahamid, maire de la ville arabe d’Umm al-Fahm, musulman pratiquant, a lui aussi pris part au voyage.

« Je pensais que je connaissais bien la société juive mais il s’avère qu’ici, les choses sont très différentes », explique-t-il.

Mahamid avait rejoint Kolot suite à la suggestion faite par un autre maire. Même si l’organisation se concentre sur les textes juifs, Mahamid s’est davantage intéressé à l’idée de développer encore ses compétences de leadership, en créant un leadership « qui écoute, qui accepte l’autre et qui affiche sa tolérance ».

« Cela m’a également aidé à mieux comprendre les conversations qui peuvent avoir lieu au sein de la communauté juive », continue-t-il.

Le respect était réel, ce n’était pas juste un respect de surface

« J’ai découvert ici beaucoup de tolérance et beaucoup d’acceptation. Ici, les rabbins des courants réformé, orthodoxe ou conservateur peuvent s’asseoir les uns à côtés des autres et s’écouter », note-t-il. « Même si je ne souscris pas à tout ce qui a été dit, le respect était réel, ce n’était pas juste un respect de surface. »

« C’est quelque chose que, malheureusement, nous n’avons pas en Israël », poursuit Mahamid.

Selon Feldsher, le programme mis en place par Kolot peut être très bénéfique pour les leaders non-Juifs comme Mahamid.

« En plus d’apprendre à connaître les gens, en plus de construire des relations – réciproques – cela peut l’aider à comprendre les principes juifs tout en lui faisant découvrir les sources dans le texte », déclare-t-elle. « Nous échangeons aussi sur les sources musulmanes. »

En ce qui concerne la délégation, Feldsher estime que la rencontre avec les Juifs américains qui sont une minorité aux États-Unis – contrairement à Israël, où ils forment la majorité – peut être enrichissante pour les responsables israéliens.

Israël, loin des yeux, loin du cœur ?

Selon une enquête réalisée sur l’électorat juif américain par la Fondation Ruderman, l’année dernière, seuls 4 % des membres de la communauté, aux États-Unis, considèrent Israël comme le sujet le plus important – ou le deuxième sujet le plus important – qu’ils prennent en compte quand ils se rendent aux urnes. Les problématiques nationales – soins de santé, contrôle des armes à feu, sécurité sociale – se situent à un niveau bien plus élevé de leurs priorités.

Damri note qu’il a été attristé de constater que l’immigration au sein de l’État juif « n’intéresse pas » les Juifs américains. « Ils ont une existence agréable et confortable ici », indique-t-il.

Yochai Damri, chef du Conseil régional de Har Hebron. (Crédit : Ohad Kab)

« Même quand nous avons rencontré l’ADL [Anti-Defamation League] et que nous avons échangé au sujet de l’antisémitisme qui sévit aux États-Unis, j’ai demandé : ‘Pourquoi la solution apportée par l’État d’Israël, qui a été établi pour secourir les Juifs en proie à l’antisémitisme, n’est-t-elle pas assez bonne ici ? Cela m’inquiète », continue-t-il.

Shochat note que ce séjour de la délégation lui a fait clairement comprendre que le lien entre les Juifs américains et Israël « est la base de la force du peuple juif. »

« Nous devons nous montrer créatifs pour préserver la culture juive, nous devons nous adapter et mettre en place de nouvelles options », estime-telle.

Shochat a la conviction que les deux communautés « peuvent trouver des terrains d’entente » et qu’il faut absolument changer l’impression que les Juifs américains sont là « pour donner de l’argent » à Israël.

« Eux aussi ont besoin de nous », s’exclame-t-elle.

Le Premier ministre Naftali Bennett, dont la coalition au pouvoir ne comprend pas les partis ultra-orthodoxes, a signalé qu’il allait faire une priorité du problème de l’écart qui s’est creusé entre les Juifs israéliens et Juifs de la Diaspora. Dans un discours prononcé devant les leaders juifs américains au mois de septembre, qui a suivi son intervention à la tribune de l’ONU, Bennett a parlé de l’importance de cette relation et de tout ce qu’Israël pourrait apprendre des Juifs américains.

« Vous avez notre soutien et cela veut dire beaucoup », avait déclaré le Premier ministre. « Cela ne veut pas dire que nous allons être d’accord sur tout. Ce n’est pas le cas. Mais nous allons nous parler, et nous allons nous écouter les uns les autres ».

Le Premier ministre Naftali Bennett s’adresse aux leaders de la communauté juive américaine, un événement organisé par les JFNA (Jewish Federations of North America) à New York, le 27 septembre 2021. (Crédit : Lazar Berman/Times of Israel)

« Des gens totalement différents »

Feldsher a emmené un grand nombre de délégations de Kolot aux États-Unis au fil des années. Et à chaque fois, dit-elle, les participants reviennent en Israël en étant devenus « des gens totalement différents » avec une meilleure compréhension des Juifs américains. Son objectif, aujourd’hui, est de garantir que ce qu’ils ont appris se traduira par un passage à l’acte.

Elle dit au Times of Israel que l’un des participants de la délégation avait demandé à un groupe de rabbins américains la raison pour laquelle ils « interféraient » dans la politique religieuse mise en place au sein de l’État juif, « avec le Kotel [mur Occidental] et tout le reste ».

« Aujourd’hui, il ne le dirait plus », continue-t-elle. « Il comprend dorénavant que le Kotel appartient à tous et qu’il n’est pas seulement à nous ».

« Je ne sais pas encore quoi faire avec tout ce que j’ai pu apprendre, je suis encore en train d’intégrer ces leçons et de réfléchir », remarque Damri. « Certaines de mes perspectives et certaines de mes opinions sont en train de changer ».

La grande question est : Comment combler le fossé qui nous sépare et comment nous souvenir que nous sommes des frères ?

« La grande question est : Comment combler le fossé qui nous sépare et comment nous souvenir que nous sommes des frères ? J’espère pouvoir continuer à échanger avec certaines personnes que j’ai pu rencontrer, » poursuit-il.

Pendant le voyage, Mahamid dit avoir aussi été impressionné par les collaborations interconfessionnelles dont il a entendu parler entre organisations juives et musulmanes dans la ville.

« S’ils peuvent discuter et échanger leurs opinions en y restant fidèles, cela signifie que nous pouvons également le faire dans nos vies quotidiennes [en Israël], » déclare Mahamid.

« Je pars avec mes convictions remises en question », ajoute-t-il. « Je voudrais que le même genre de dialogue riche qui existe ici puisse exister en Israël. J’espère et je veux croire que nous saurons mettre en œuvre toutes ces choses positives qui existent ici ».

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