« Nous n’avons pas d’autre démocratie » : Rétrogradé, Amichaï Eshed prend congé
L'ex-chef de la police de Tel Aviv, qui affirme avoir été écarté pour son manque de fermeté envers les manifestants anti-refonte, a évité de serrer les mains de Ben Gvir et Shabtaï
Le chef de la police de Tel Aviv, Amichaï Eshed, a mis fin à son mandat mercredi, après avoir démissionné à la suite d’une querelle publique entre lui et le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, au sujet de son approche prétendument « trop indulgente » des perturbations de la circulation lors des manifestations contre le plan de réforme du système judiciaire du gouvernement.
« Nous n’avons pas d’autre force de police ni d’autre démocratie – nous ne devons renoncer ni à l’une ni à l’autre », a déclaré Eshed lors d’une cérémonie de passation des pouvoirs au quartier général de la police de la ville, à laquelle participaient Ben Gvir, le chef de police israélienne Kobi Shabtaï et le maire de Tel Aviv Ron Huldaï.
Eshed a déploré que des « considérations politiques » aient été à l’origine de la décision de lui confier un rôle moins important, ce qui a été largement perçu comme une mise à l’écart intentionnelle.
Ben Gvir et Shabtaï ont déclaré le mois dernier que le chef adjoint du district sud, Peretz Amar, remplacerait Eshed à Tel Aviv. Shabtaï, qui entretient également des relations difficiles avec Ben Gvir, avait, quant à lui, indiqué qu’il terminerait son mandat en janvier prochain et qu’il ne demandera pas de rester une année supplémentaire à son poste.
« Les événements qui se déroulent sous notre surveillance remettent plus que jamais en question le contrat entre la police et ses citoyens – des événements qui soulignent la nécessité de servir la population et de défendre les valeurs de la démocratie, de la police israélienne, de la moralité et de la justice », a déclaré Eshed mercredi, alors que des dizaines de personnes s’étaient rassemblées à l’extérieur pour le soutenir.
« Peretz, mon ami, vous recevez les meilleurs officiers, des officiers qui protègent la démocratie, avec un sens inné du service public, qui ont mis fin aux troubles à l’ordre public sans blesser ni policier ni civil. Tel est l’esprit de la police de Tel Aviv », a-t-il déclaré s’adressant à son successeur.
À la fin de son intervention, Eshed n’a pas serré la main de Ben Gvir ni celle de Shabtaï.
Dans son discours, Ben Gvir a répliqué. « Dans cette ville, nous avons besoin de policiers qui ne font pas de discrimination entre la droite et la gauche. Dans une démocratie, tout le monde est égal – il n’y a pas de citoyens de première classe et de citoyens de seconde classe. »
« La gouvernance est également nécessaire contre ceux qui cherchent à enfreindre la loi et à provoquer l’anarchie. La liberté d’expression n’est pas la liberté d’inciter ou de rendre la vie des gens misérable », a ajouté le ministre, qui, dans le cadre des négociations de la coalition, avait obtenu un contrôle sans précédent sur la police.
Ben Gvir a ajouté qu’en dépit de leurs désaccords, il était reconnaissant à Eshed « pour tout ce qu’il avait fait avec dévouement ».
Shabtaï a noté que les forces de police de Tel Aviv ont été « confrontées à des incidents très complexes de perturbation publique », ajoutant que cela représentait « un défi pour le pays, la société et la police ».
« Le droit à l’existence de la police découle du droit de la population », a-t-il déclaré. « Il est important que la population considère un officier de police non seulement comme un agent d’exécution de la loi, mais aussi comme son émissaire. »
Huldaï a exprimé son opposition à la refonte du système judiciaire et au gouvernement actuel, mais a évité de se concentrer sur « l’éléphant dans la pièce ». « Parce que je n’ai pas l’intention de vous gâcher la cérémonie et parce que j’aime beaucoup le chef sortant et que je respecte beaucoup le nouveau chef. »
Eshed avait annoncé sa démission le 4 juillet, expliquant qu’il avait été rétrogradé pour avoir refusé d’utiliser une « force disproportionnée » contre des manifestants.
À l’époque, Eshed avait déploré le « terrible coût [personnel] de [s]on choix d’empêcher la guerre civile ».
« J’aurais pu facilement utiliser une force disproportionnée et remplir les urgences [du centre hospitalier] d’Ichilov à la fin de chaque manifestation à Tel Aviv. Nous aurions pu dégager l’autoroute Ayalon en quelques minutes, au prix de terribles fractures de têtes et d’os et au prix de la rupture du contrat entre la police et les citoyens », a-t-il déclaré.
En mars, Ben Gvir avait annoncé, sur recommandation de Shabtaï, qu’il transférait Eshed à un nouveau poste, après avoir critiqué la façon dont ce dernier avait géré les manifestations de masse. Cette décision a été brièvement gelée par la procureure générale Gali Baharav-Miara, qui s’était inquiétée du fait que le moment choisi pour ce transfert ne soit politiquement motivé.
Shabtaï et Ben Gvir ont tous deux insisté sur le fait que le renvoi d’Eshed avait été planifié à l’avance. Mais Ben Gvir a également déclaré que sa décision de procéder à ce transfert à ce moment-là était liée à la main manifestement indulgente du chef de la police contre les manifestations à Tel Aviv.
Shabtaï avait approuvé le renvoi d’Eshed, apparemment au vu des tensions de longue date avec l’officier supérieur, mais a admis plus tard que le moment choisi était une erreur.
Israël est secoué par des manifestations de masse depuis que le ministre de la Justice, Yariv Levin, a annoncé un paquet de réformes en janvier, moins d’une semaine après l’entrée en fonction de la coalition.
Les opposants à la refonte estiment qu’elle affaiblirait le caractère démocratique d’Israël, supprimerait des éléments clés de l’équilibre des pouvoirs et laisserait les minorités sans protection. Les partisans du projet affirment qu’il s’agit d’une réforme indispensable pour maîtriser une Cour qu’ils jugent trop militante.