« Nous n’avons pas de super pouvoirs », tente le CICR, attaqué de toutes parts
Face aux critiques l'accusant d'en faire trop peu pour les otages enlevés par le Hamas, la Croix-Rouge explique ne pouvoir agir qu'en ayant l'autorisation des pouvoirs en place
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), accusé d’en faire trop peu pour les otages enlevés par le groupe terroriste islamiste du Hamas à Gaza comme il l’avait été en Ukraine pour les prisonniers de guerre, rappelle qu’il n’a pas de « super pouvoirs » et dépend de la bonne volonté des belligérants.
« De temps en temps, nous devons dire aux gens que nous ne sommes pas à l’épreuve des balles. Nous n’avons pas de super pouvoirs. Nous ne pouvons mener une action humanitaire que si les autorités d’une région donnée nous en donnent l’autorisation », explique un porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge à Genève, Jason Straziuso, à l’AFP.
Ces derniers jours, les véhicules du CICR, une organisation vieille de 160 ans et dont les principes fondamentaux sont la neutralité et la confidentialité, ont seulement servi à transporter des otages retenus dans la bande de Gaza enlevés lors de l’attaque du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien. Des proches d’otages l’ont ainsi qualifié de « Uber des otages libérés« .
L’assaut meurtrier a fait 1 200 morts, des civils en majorité. Les terroristes ont aussi kidnappé au moins 240 personnes. Israël a riposté par une campagne militaire dont l’objectif vise à renverser le Hamas au pouvoir à Gaza et à faire libérer les otages.
Depuis le début de la guerre, le CICR est la cible – en particulier sur les réseaux sociaux – de virulentes critiques.
Récemment, une membre de l’association a été vue et filmée, en région parisienne, enlevant des affiches pour les otages sur les murs de locaux, ce qui lui a valu d’intenses critiques.
Certains estiment qu’il devrait négocier pour faire libérer plus d’otages, d’autres s’étonnent qu’il ne visite pas ceux qui restent aux mains des groupes terroristes islamistes et des civils dans le territoire palestinien. À l’inverse, certains estiment que le CICR devrait exercer des pressions pour qu’Israël libère plus de prisonniers sécuritaires palestiniens ou autorise l’acheminement de davantage d’aide à Gaza.
« Pas une agence de renseignements »
« Nous attendons de la Croix-Rouge qu’elle place cette question [la visite des otages] en tête de la liste des priorités de l’organisation ; qu’elle utilise tous ses leviers d’influence et qu’elle ne prenne pas de répit avant d’avoir rendu visite à tous les otages, avant d’avoir procédé à une évaluation de leur état de santé et de s’être assurée qu’ils bénéficient de tous les soins médicaux dont ils ont besoin », avait commenté le ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, après une rencontre à Genève avec la présidente du CICR, Mirjana Spoljaric Egger, le 14 novembre. Deux semaines auparavant, Cohen avait estimé que le Comité « n’a pas le droit d’exister s’il ne parvient pas à rendre visite aux otages ».
Les familles des otages, de leur côté, s’interrogent : pourquoi la Croix-Rouge n’est-elle pas en mesure d’arriver jusqu’à leurs proches retenus en captivité à Gaza ? Et pourquoi l’organisation n’entre-t-elle pas en contact avec elles, alors qu’elles attendent, dévorées par la souffrance et par l’angoisse, le retour de leurs êtres chers, sains et saufs ?
À Genève, le CICR entend bien ces attentes liées à une « émotion intense » mais « souvent ces critiques montrent un manque de compréhension de la façon dont nous travaillons ou des limites de notre travail », dit son porte-parole.
Le CICR assure ne pas savoir où se trouvent les otages. « Nous ne sommes pas une agence de renseignements », insiste son porte-parole, rappelant aussi qu’aller voir les otages sans l’autorisation du Hamas pourrait les mettre en péril ainsi que les humanitaires.
Une autre difficulté, explique à l’AFP Marco Sassòli, professeur au Département de droit international public et organisation internationale de l’Université de Genève, « est que les otages contrairement à des prisonniers devraient être libérés sans condition ni négociation si le droit humanitaire était respecté ».
Donc « le CICR offre ses services comme intermédiaire neutre mais il ne va pas négocier la libération d’otages », indique l’expert, qui a travaillé pour cette organisation.
« Les méchants et les bons »
Depuis l’invasion russe en Ukraine, le CICR s’est déjà retrouvé, souvent et vertement, critiqué par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui lui a reproché de ne pas faire assez pour avoir accès aux soldats ukrainiens faits prisonniers par les forces russes. Le CICR s’est également vu reprocher de ne pas détailler combien de prisonniers de guerre il a pu voir du côté russe et d’avoir envoyé son ancien président à Moscou pour y rencontrer le chef de la diplomatie russe.
M. Sassòli explique qu’il y a dans le monde « de moins en moins de compréhension pour la neutralité » et « qu’il faut prendre position, qu’il y a les méchants et les bons ». Pourtant « si le CICR ne négociait qu’avec les bons, il ne négocierait avec presque plus personne dans les conflits armés », indique-t-il. Mais il se souvient que l’organisation a aussi été critiquée dans le passé, « par exemple en Bosnie lorsque le CICR devait inévitablement travailler à la fois avec les Serbes et les Bosniaques musulmans, alors que les Serbes étaient vus comme les grands violateurs du droit humanitaire et les agresseurs ».
Après la Seconde Guerre mondiale également, l’inaction impardonnable du CICR face aux nazis, en particulier pour obtenir accès aux camps de concentration, avait également été critiquée, poussant l’organisation à présenter des excuses.
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