Nouvel homicide à Kafr Qasim après la fusillade de masse ; les villes arabes en grève
Ben Gvir s'est rendu à Yafa an-Naseriyye, endeuillée par une fusillade de masse, alors que les critiques s'élèvent sur l'incapacité du gouvernement à faire face à la criminalité
La communauté arabe connaitra une journée de grève, ce vendredi, en signe de protestation contre la fusillade meurtrière qui a endeuillé Yafa an-Naseriyye, dans le nord du pays, a fait savoir le Haut Comité de suivi des citoyens arabes d’Israël, alors que de nouvelles violences criminelles ont fait une sixième victime en moins de 24 heures.
Le comité a appelé à des manifestations au cours du week-end suite à la mort de cinq personnes, abattues dans un station de lavage automobile de Yafa an-Naseriyye, non loin de Nazareth. Il s’agit du fait criminel le plus meurtrier du pays depuis 2009.
Le comité a par ailleurs soutenu l’appel au sein du gouvernement à donner compétence à l’agence de sécurité du Shin Bet pour contribuer à la lutte contre la criminalité organisée au sein de la communauté arabe israélienne, qui a coûté la vie à 98 personnes depuis le début de l’année.
Un nouveau décès a été enregistré, jeudi soir, à l’issue d’une fusillade près de la ville centrale de Kafr Qasim. Le service d’urgence du Magen David Adom a fait savoir que l’homme, âgé d’une trentaine d’années, était décédé de blessures par balles et qu’un autre avait été modérément blessé par les coups de feu.
Le Magen David Adom a précisé que la fusillade avait provoqué l’embardée du véhicule, qui a blessé sa passagère, une femme âgée de 46 ans. Les deux blessés ont été transportés à l’hôpital Meir de Kfar Saba.
La police a déclaré mener l’enquête, à la recherche de suspects et de preuves.
En plus des deux incidents meurtriers de ce jeudi, une fillette de 3 ans et son père ont été grièvement blessés par des coups de feu à Kafr Kanna, également situé à proximité de Nazareth.
Selon les médias israéliens, les victimes de la fusillade de Yafa an-Naseriyye sont Naeem Marjiyeh, Abu al-Naeem Marjiyeh, Eiliya Marjiyeh, Luai Ragheb et Ibraheem Shehadeh, sans plus de détails à ce stade.
Certains médias israéliens ont laissé entendre que la police attribuait la fusillade à la rivalité de deux organisations criminelles locales – Bakri et Hariri-, qui a fait plus de 25 morts en l’espace de deux ans.
חמישה בני אדם נהרגו מירי בשטיפת מכוניות ביפו, נצרת 1) נאים מרג'יה. 2) אבו אל-נעים מרג'יה. 3) אליה מרג'יה. 4) לואי רג'ב. 4) איברהים שחאדה. pic.twitter.com/B7p0ZCt4Be
— תאמר נאסר (@TamerNa52884732) June 8, 2023
Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, s’est rendu sur les lieux de la fusillade à Yafa an-Naseriyye, sous les huées de l’opposition qui critique sa manière de gérer la question de la criminalité au sein de la communauté arabe, qu’il s’était pourtant engagé à régler avant les élections.
S’adressant aux journalistes, Ben Gvir a dit « partager le chagrin » des familles endeuillées et souhaiter un prompt rétablissement aux blessés, notamment l’homme et l’enfant de Kafr Kanna.
« C’est le Far West au sein de la communauté arabe depuis plusieurs années », a déclaré Ben Gvir, ajoutant que ses collaborateurs et lui « faisaient le nécessaire » pour régler ces « problèmes cruciaux » mais que les obstacles étaient nombreux.
Il a ainsi évoqué deux solutions. La première porte sur la création d’une garde nationale placée sous son autorité, ce qui a été très critiqué car de nature à donner au politicien d’extrême droite une véritable « milice privée ». Le projet a été mis en suspens par le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Ben Gvir a dit espérer que cette garde, qu’il estime « essentielle », soit bientôt déployée .
La deuxième solution, plus rapide à mettre en œuvre, consisterait à autoriser l’agence de sécurité du Shin Bet à prendre part à la lutte contre les organisations criminelles, ce que Netanyahu a s’est engagé à faire, jeudi.
Ben Gvir a demandé l’adoption d’une résolution du Conseil des ministres en ce sens dès dimanche.
« Avec l’aide de Dieu, nous allons pouvoir le faire », a-t-il dit.
Plusieurs membres de la coalition, dont Ben Gvir, ont en effet demandé que le Shin Bet soit compétent en matière de lutte contre la criminalité, notamment au sein des communautés arabes, particulièrement affectées ces dernières années.
La compétence du Shin Bet est, pour l’heure, circonscrite à la lutte contre le terrorisme à motivation nationaliste et nombre de dirigeants arabes s’opposent à l’implication de l’agence dans des questions non liées au terrorisme.
De hauts responsables du Shin Bet seraient également opposés à l’implication de l’agence dans la lutte contre les organisations criminelles, pour des questions de légalité des moyens – conçus pour lutter contre le terrorisme palestinien – envers des civils. Certains estiment qu’il pourrait être préjudiciable d’agir dans ces conditions.
Par ailleurs, le chef du parti d’opposition Hadash-Taal, à prédominance arabe, s’en est pris au gouvernement, affirmant que le sang versé lors de « l’épouvantable massacre » de jeudi était de la responsabilité de Netanyahu et Ben Gvir.
Dans un communiqué, le député Ayman Odeh a dit que les dirigeants de la communauté arabe « demandent depuis des années un renforcement de la lutte contre la circulation des armes à feu et la répression des organisations criminelles ».
Il a demandé au gouvernement de « limoger immédiatement » Ben Gvir, ajoutant sa voix à d’autres critiques du gouvernement.
« Nous n’accepterons jamais ces négligences. Nous ferons grève dans tout le pays jusqu’à ce que cela s’arrête », a-t-il ajouté.
Le chef de Raam, le député Mansour Abbas, qui, contrairement à Odeh, faisait partie du précédent gouvernement, a dit qu’il s’agissait d’« une journée difficile pour la communauté arabe » et que « les crimes faisaient désormais partie du quotidien ».
« C’est une véritable catastrophe », a-t-il déclaré à la Douzième chaine.
Il a ajouté que cela faisait deux ans que l’implication du Shin Bet était demandée, « ce qui n’a rien réglé », et souhaité que la police soit dotée « de nouveaux moyens ».
Il a exprimé le souhait que la police fasse neutralise rapidement les chefs de gangs arabes.
Cela fait des années que police, politiciens et dirigeants communautaires font en sorte de réfréner les activités criminelles à l’origine des flambées de violence, qui se sont généralisées ces derniers mois.
De nombreux dirigeants communautaires critiquent la police, selon eux impuissante à réprimer les organisations criminelles et souvent aveugle aux violences, qu’elles soient familiales, mafieuses ou de genre. Les communautés ont également souffert d’années de négligence de la part des autorités.
Le chef d’une unité de police chargée de lutter contre la criminalité parmi les Arabes israéliens, le commissaire adjoint Natan Bozna, a démissionné mardi. Aucune raison n’a été donnée, que ce soit par l’intéressé ou la police, qui n’a pas annoncé le nom de son successeur.
L’annonce a été faite un jour après que Ben Gvir a annoncé qu’il nommerait un coordinateur politique sur la question.
Lundi toujours, des députés du parti à majorité arabe Hadash-Ta’al se sont entretenus avec Netanyahu pour évoquer le problème et exiger une action urgente.
Ils ont convenu de créer un comité de lutte contre les violences au sein de la communauté arabe, dirigé par le Premier ministre, a déclaré le cabinet de Netanyahu.
Selon les spécialistes de la question, les meurtres sont l’œuvre de puissants gangs engagés dans l’extorsion, le prêt usuraire, le pizzo ou racket de protection et d’autres activités criminelles.