Nucléaire : le Parlement veut voir la version iranienne de l’accord-cadre
La France et les États-Unis ont également rédigé une feuille de route ; Paris demeure sceptique
Une large majorité de députés iraniens ont demandé dimanche à l’équipe de négociateurs sur le dossier nucléaire de publier sa version des principaux points de l’accord d’étape signé à Lausanne.
« Dans une lettre, les parlementaires ont demandé la publication de la ‘fiche explicative’ iranienne et jusqu’ici 212 députés (sur 290) l’ont signée », a déclaré à l’agence officielle Irna le député Javad Karimi Ghodoussi.
L’Iran et le groupe des 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) sont parvenus le 2 avril à un accord-cadre sur le programme nucléaire controversé de Téhéran, dont les détails techniques doivent être finalisés avant de conclure fin juin un accord global qui doit permettre de garantir la nature pacifique du programme nucléaire, contre la levée des sanctions internationales imposées à l’Iran depuis 2006.
Après l’annonce de l’accord-cadre, le seul document officiel est un communiqué commun lu le 2 avril par la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, puis diffusé par l’Union européenne et les autorités iraniennes.
Le département américain a pour sa part publié sa propre version, plus détaillée, des principaux points de l’accord-cadre.
Le Times of Israël a obtenu la version française de cet accord de Lausanne.
M. Zarif avait dénoncé le texte américain dès sa diffusion. « Les solutions sont bonnes pour tous comme ça. Pas besoin de dévier en utilisant des +fiches explicatives+ si tôt », avait-il affirmé dans un message sur son compte Twitter.
« Chaque partie se concentre sur sa propre vision de ce qui s’est passé ou de ce qu’il va se passer et il est naturel que chaque camp mette l’accent sur les points qui lui sont plus favorables », a expliqué cette semaine Abbas Araghchi, l’un des principaux négociateurs iraniens.
« Les Américains l’ont fait par écrit (…) et notre version, qui correspond à la réalité, a été expliquée en profondeur par M. Zarif. Nous n’avions pas l’intention de la publier jusqu’à maintenant, mais nous le ferons si nécessaire », a-t-il ajouté.
Le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) Ali Akbar Salehi, qui a également participé aux discussions marathon de Lausanne en Suisse, a affirmé que le texte publié par Washington mélangeait « la vérité et les mensonges » et qu’il avait pour but de « créer des tensions dans notre pays ».
Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, avait exprimé jeudi sa méfiance envers cet accord-cadre. « Le principal problème est que les détails doivent désormais être discutés », avait-il expliqué dans un discours, dénonçant la possibilité que « l’autre partie (…) veuille mettre des limites » lors de ces discussions.
La France toujours sceptique
Des questions importantes n’ont pas été réglées et « il reste du travail à faire » avant la conclusion d’un accord définitif sur le nucléaire iranien, a déclaré dimanche le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, en visite en Arabie saoudite.
« Ce qui a été conclu est positif », mais des points importants restent à régler après l’accord-cadre passé début avril entre six grandes puissances et Téhéran sur le programme nucléaire iranien, a déclaré M. Fabius.
Il faut « qu’il n’y ait pas de dimension militaire possible » et il y a aussi « la question des sanctions, de leur levée, de leur rétablissement » si l’Iran viole ses engagements, a poursuivi M. Fabius lors d’une conférence de presse avec son homologue saoudien Saoud Al-Fayçal.
« Ces deux questions ne sont pas réglées et il reste du travail à faire », a-t-il ajouté. « La France souhaite un accord solide et vérifiable. Nous avons jusqu’à la fin juin pour essayer d’avancer », a-t-il encore dit.
L’Arabie saoudite redoute que l’Iran, son rival régional, se dote in fine de l’arme nucléaire en dépit de l’accord-cadre.
« Nous sommes d’accord pour dire qu’un accord définitif doit être clair et ceci pour qu’il n’y ait rien de caché et que le Golfe demeure (une zone) exempte de toute arme de destruction massive », a souligné le prince Saoud.
L’accord du 2 avril ne concernait que les « paramètres clés » d’un accord global. Les négociateurs se sont donnés jusqu’à fin juin pour tenter de régler les détails techniques et juridiques complexes en vue de trouver un accord définitif qui mettrait fin à 12 ans de crise diplomatique internationale sur ce programme iranien.