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Paris soucieux de ménager ses liens avec Ryad malgré l’affaire Khashoggi

"Beaucoup s'interrogent sur la montée du prix du pétrole. Qu'ils s'interrogent aussi sur les conséquences qu'ils promeuvent" en menaçant Ryad, relevait le chef de l'Etat français

Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi au formum économique mondial de Davos, en janvier 2011. (Crédit : AP Photo/Virginia Mayo)
Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi au formum économique mondial de Davos, en janvier 2011. (Crédit : AP Photo/Virginia Mayo)

La France, soucieuse de préserver ses relations avec l’Arabie saoudite, se montre d’une extrême prudence dans l’affaire Jamal Khashoggi.

L’enquête sur le meurtre de l’éditorialiste saoudien, critique du royaume, tourne depuis le début autour d’une question brûlante : dans quelle mesure le puissant prince héritier Mohammed ben Salmane (dit « MBS ») est-il impliqué ?

Pour l’instant, la France se limite à dire que « toute la vérité » doit être établie sur « les circonstances et les responsables » et qu’aujourd’hui « le compte n’y est pas ».

Contrairement aux Etats-Unis, à l’Allemagne, au Danemark et à la Norvège, elle n’a encore pris aucune sanction contre la vingtaine de suspects soupçonnés d’être impliqués dans le meurtre.

Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian quitte l’Elysée après la réunion de cabinet hebdomadaire le 17 janvier 2018 (Crédit : AFP Photo/Ludovic Marin)

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait certes promis lundi des sanctions « très rapidement » mais aussi souligné que la France devait encore « se faire une opinion ».

La France a donc adopté jeudi des sanctions contre 18 ressortissants saoudiens suspectés d’implication dans le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat de son pays le 2 octobre à Istanbul, a annoncé jeudi le ministère français des Affaires étrangères.

« Ces mesures (..) visent à interdire l’accès de ces individus au territoire national ainsi qu’à l’ensemble de l’espace Schengen », a précisé le Quai d’Orsay dans un communiqué. « Il s’agit de mesures conservatoires, susceptibles d’être revues ou étendues en fonction de l’avancée des investigations en cours », a-t-il ajouté.

Un « pays stratégique »

Prenant le contrepied de la Turquie, qui joue sa propre partition dans cette affaire, la France a estimé le 15 novembre que l’enquête saoudienne allait « dans le bon sens » avec l’annonce du renvoi de suspects devant la justice.

Le procureur général saoudien a alors inculpé 11 personnes et requis la peine de mort contre cinq d’entre elles, mais totalement dédouané le prince héritier.

Le président Emmanuel Macron a refusé d’emboîter le pas à la chancelière allemande Angela Merkel, qui a décrété un embargo sur les ventes d’armes à l’Arabie tant que les dessous du meurtre ne seraient pas éclaircis, la taxant de « démagogie » avant de convenir avec elle d’une plus grande « coordination sur le sujet ».

Le dirigeant français a alors rappelé l’importance de l’alliance avec l’Arabie saoudite pour la France et les autres pays occidentaux, qu’il s’agisse d’équilibre régional face à l’Iran (conflit dévastateur au Yémen), de coopération militaire ou de fourniture de pétrole.

« L’Arabie saoudite est un pays stratégique dans la géopolitique mondiale (…) Beaucoup s’interrogent sur la montée du prix du pétrole. Qu’ils s’interrogent aussi sur les conséquences qu’ils promeuvent » en menaçant Ryad, relevait le chef de l’Etat français fin octobre.

Les présidents français et américain Donald Trump et Emmanuel Macron, en Virginie, le 23 avril 2018. (Crédit : AFP / Ludovic MARIN)

« Les prix du pétrole baissent. Génial! », s’est félicité sur Twitter le 45e président des Etats-Unis, qui passe le long pont de Thanksgiving dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride.

« 54 dollars, c’était 82 dollars avant. Merci à l’Arabie saoudite, mais allons encore plus bas », a-t-il poursuivi, après avoir plusieurs fois reproché à l’Organisation de pays exportateurs de pétrole (Opep) d’alimenter la hausse des prix du carburant à la pompe.

Le cours des barils cotés à New York et à Londres avaient atteint début octobre leur plus haut niveau en quatre ans, avant de chuter en raison d’une offre importante.

Mardi, il avait déjà salué le travail de l’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole, pour stabiliser les prix. « Ils m’ont aidé à les garder bas », a-t-il expliqué aux journalistes en quittant la Maison Blanche. « Si nous coupons les ponts (avec les Saoudiens) je pense que le prix de votre pétrole crèvera le plafond », a-t-il assuré.

Arrêter « les frais » au Yémen

« Paradoxalement on n’a pas beaucoup de contrats importants en cours, sauf peut-être Total, mais on ne veut pas insulter l’avenir », explique Denis Bauchard à l’AFP, notant que la France est « plutôt marginalisée » depuis l’arrivée de MBS au pouvoir.

Un des hauts responsables limogés à la suite de cette affaire, le général Ahmed al-Assiri, numéro deux du Renseignement saoudien, avait en outre ses entrées en France, où il a étudié à la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr.

Comme ses alliés occidentaux, la France fait en revanche désormais pression pour des pourparlers de paix au Yémen, où MBS a embourbé son pays dans une guerre sanglante face aux rebelles houthis soutenus par l’Iran.

Les forces pro-gouvernementales yéménites se sont rassemblées dans une rue de la banlieue est de Hodeida le 13 novembre 2018, alors qu’elles continuaient à se battre pour le contrôle de la ville par les rebelles houthis. (Crédit : STRINGER / AFP)

« Il n’y aura pas de vainqueur dans cette guerre. Il faut arrêter les frais ! » martèle Jean-Yves Le Drian, qui hausse le ton sur ce sujet depuis l’affaire Khashoggi.

Depuis des mois, les organisations humanitaires internationales demandent à la France de cesser ses ventes d’armes à l’Arabie et aux Emirats arabes unis, soupçonnés de crimes de guerre au Yémen.

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