Corbyn admet le droit d’Israël à exister – une première
Le dirigeant du Labour tente de modérer sa position anti-Israël lors d'un débat dans un centre communautaire juif
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
Pour répondre aux accusations quant à sa réaction nonchalante face à la hausse de l’antisémitisme dans ses rangs, sentiment renforcé en partie par ce que beaucoup perçoivent comme ses propres sentiments anti-Israël, le dirigeant du Labour, Jerermy Corbyn, s’est confronté aux membres de la communauté juive de Londres dimanche lors du dernier débat avant un vote interne pour choisir un nouveau chef au sein du parti.
Dans une grande première, Corbyn a déclaré qu’il soutenait le droit d’Israël à exister, sur la base des « frontières originales » d’Israël, une référence qui signifiait probablement sans contrôle israélien en Cisjordanie et Gaza.
« Oui, a-t-il déclaré en réponse à une question posée par l’auditoire, Israël a le droit d’exister. Je soutiens le droit de l’Etat d’Israël à exister, en vertu de l’accord des frontières originales de 1948. »
Par le passé, Corbyn répondait que lui et son parti soutenaient une solution à deux Etats.
On ne sait pas précisément à quel « accord des frontières originales de 1948 » Corbyn faisait allusion. Le plan de partition de l’ONU de 1947 recommandait un partage de la Palestine mandataire en deux états, arabe et juif, mais les frontières du plan étaient très différentes de celles qu’Israël contrôlait au moment où la guerre a pris fin en mars 1949. Israël avait accepté le plan de partage alors que les états arabes avaient voté contre la proposition.
Il est plus probable que Corbyn fasse allusion à ce qu’on appelle communément les « lignes d’avant 1967 », qui sont la ligne de cessez-le-feu de mars 1949. Contrairement au plan de l’ONU, la ligne de cessez-le-feu a été mise en place deux ans plus tard et est aujourd’hui acceptée par une grande partie de la communauté internationale comme frontière internationale d’Israël, avec certains quartiers de Jérusalem, une grande partie du sud du Néguev et le nord de la Galilée en Israël.
Debout face à son adversaire Owen Smith, au centre communautaire juif JW3 dans le nord-ouest de Londres, Corbyn a fait face à une foule désireuse d’entendre, et qui criait parfois, ses réponses aux affirmations selon lesquelles il a, en tant que chef du parti, embrassé une position idéologique de gauche radicale qui diabolise Israël et encourage l’antisémitisme.
Le débat, organisé par le Mouvement ouvrier juif, les Travaillistes Amis d’Israël et JW3, ainsi que le partenaire local du Times of Israel, Jewish News, a pris fin avec ce que certains ont décrit comme l’une des campagnes la plus âpre que personne n’ait jamais vue.

Corbyn, socialiste de 67 ans connu pour ses positions anti-guerre, anti-austérité et qui s’opposait à l’ancien leader centriste du parti, Tony Blair, a remporté une victoire écrasante à la direction du parti il y a exactement 12 mois.
Mais alors que ses politiques de gauche sont très populaires auprès de nombreux partisans de la base, elles ne convainquent pas la plupart les législateurs plus modérés du parti, qui disent que de telles opinions ne peuvent pas leur permettre de gagner des élections nationales. La position de Corbyn semble solide grâce à l’appui des syndicats puissants et de ses partisans de la base. Un récent sondage YouGov prédisait qu’il écraserait Smith avec 62 % des votes. Smith obtiendrait 38 % des voix.
De nombreux électeurs juifs, cependant, sont sceptiques en raison de ses précédents commentaires sur Israël et ses liens avec des personnalités ayant des positions anti-israéliennes. Le leader du parti travailliste a été critiqué pour avoir qualifié des groupes islamistes soutenus par l’Iran tels que le Hamas et le Hezbollah d’ « amis ». Corbyn a rejeté ces critiques en expliquant que c’était juste des paroles diplomatiques destinées à ouvrir le dialogue avec ces groupes. Lors d’un discours en 2009, Corbyn, alors chef du mouvement Palestine Solidarity Campaign, a invité les membres des deux groupes terroristes à venir s’adresser au Parlement britannique.
Interrogé par un journaliste du Jewish News présent au débat mercredi sur ce qu’il admirait le plus à propos d’Israël et de ses réalisations, Corbyn a fait un rare éloge, en répondant : « j’admire la verve et l’esprit des villes et des villages en Israël. J’admire la séparation des pouvoirs juridique et politique dans le système du gouvernement démocratique qui est là. »
Mais ses commentaires n’ont pas suffi à empêcher les nombreuses questions de la foule quant aux accusations d’antisémitisme au sein du parti et la mauvaise gestion de Corbyn lors des récentes crises.
Une enquête interne en juin avait conclu que le Labour n’était pas ‘envahi’ par l’antisémitisme. L’étude faisait état d’une « atmosphère parfois toxique ». Mais dans les remarques faites à l’occasion de la publication du rapport, Corbyn semblait établir une comparaison entre Israël et le groupe terroriste Etat islamique en affirmant que « nos amis juifs ne sont pas plus responsables des actions d’Israël ou du gouvernement Netanyahu que nos amis musulmans ne le sont des actions des différents états ou organisations soi-disant islamiques. »

Le rapport avait été commandé suite à une controverse où la députée travailliste Naz Shah avait été suspendue par le parti en attendant les conclusions d’une enquête sur les accusations selon lesquelles elle avait posté des messages antisémites sur les réseaux sociaux avant d’être élue.
D’autres responsables du parti ont également été suspendus suite à des messages ou à des déclarations similaires.
Pour défendre Shah dans une série d’entretiens, le vétéran du parti travailliste, Ken Livingstone, avait déclaré que la critique de la politique israélienne était confondue avec de l’antisémitisme. Il avait aussi affirmé que le sionisme était initialement soutenu par le dirigeant nazi Adolf Hitler.
« Quand Hitler a gagné son élection en 1932, sa politique de l’époque était que les Juifs devraient être déplacés en Israël. Il soutenait le sionisme avant qu’il ne devienne fou et finisse par tuer six millions de Juifs », avait-il soutenu. Livingstone a depuis à plusieurs reprises réitéré son affirmation qu’Hitler avait soutenu le sionisme pendant un temps.
Sous une pluie d’applaudissements, Corbyn et Smith ont tous les deux déclaré qu’ils seraient favorables à une modification des règles qui devrait être votée lors de la conférence du parti la semaine prochaine. Ces nouvelles règles soulignent spécifiquement que l’antisémitisme est une infraction et celui qui s’en rend coupable est passible d’une punition équivalente à celle que l’on aurait si un travailliste exprimait son soutien à un autre parti.

Mais les réponses nonchalantes de Corbyn au sujet des incidents n’ont pas été appréciées par l’ensemble de l’auditoire. Certains membres du public ont ainsi été entendus en train de crier « scandaleux » quand on a demandé à Corbyn si Livingstone devait être expulsé définitivement du parti. Corbyn a répondu rapidement : « Il a été suspendu, il fait l’objet d’une enquête, une procédure régulière s’ensuivra. Je n’ai rien à voir avec cela. »
De même, Corbyn a été chahuté quand il a défendu l’opposition d’un allié politique aux légumes israéliens dans un supermarché local en décrivant l’incident comme étant « lié aux produits des implantations. »
Smith a critiqué Corbyn, considérant sa réponse face aux incidents antisémites comme étant « doucereuse et faible ».
Tout le monde à l’événement n’était pas opposé au chef du parti travailliste. Corbyn a été bien accueilli par certains membres dans le public qui ont vivement applaudi ses déclarations.
« Je veux qu’il y ait une place dans le parti pour tout le monde, qu’ils soient partisans d’Israël, critiques d’Israël ou des partisans amicaux d’Israël qui critiquent également Israël, a déclaré Corbyn au public. Je veux que chacun se sente absolument en sécurité au sein du parti. »
Le vote prendra fin mercredi et les résultats seront annoncés lors de la conférence annuelle du parti le 24 septembre.
L’AFP a contribué à cet article.