Quand des victimes du 7 octobre se rendent à Auschwitz
"Je crois que les âmes de mes proches qui ont péri à Auschwitz m'ont protégé pour que je puisse raconter leur histoire", confie un rescapé de la Shoah et du 7 octobre
Libérés après des semaines de captivité à Gaza, Gabriela Leimberg et son frère Fernando Marman ont visité pour la première fois lundi le camp d’Auschwitz appelant à une chose : la libération des autres otages.
Lundi, une délégation venue d’Israël avec des proches d’otages, portant tous le ruban jaune symbole de la solidarité avec les personnes toujours détenues à Gaza, mais aussi des rescapés des massacres et des parents endeuillés, a participé à la 36e marche des vivants entre les camps d’Auschwitz et Birkenau, avec des milliers de personnes venues du monde entier.
Et à l’heure où, au loin, les tractations s’accélèrent en vue d’un éventuel accord pour des semaines de trêve dans les combats à Gaza alors qu’Israël prépare une offensive sur Rafah, des participants à la marche implorent le gouvernement de Benjamin Netanyahu de permettre la libération des otages.
« Nous sommes encore le 7 octobre tant que tous les otages ne seront pas revenus », affirme Gabriela Leimberg à l’AFP, devant le portail du camp d’extermination d’Auschwitz.
Le matin du 7 octobre, elle était au kibboutz de Nir Yitzhak, près de la bande de Gaza, avec quatre autres membres de sa famille, dont son frère Fernando, lorsque des terroristes du Hamas ont fait irruption.
Retranchés dans la pièce sécurisée de la maison, les cinq avaient tenté de bloquer la porte avec une chaise. En vain. Ils ont été kidnappés, transportés à Gaza. Gabriela a été libérée avec sa fille et sa sœur dans le cadre d’une première, et unique, trêve à la fin novembre. Et Fernando, en février, avec son beau-frère Luis Har, dans le cadre d’une opération spéciale des forces israéliennes à Rafah.
Plus de 1 170 personnes, majoritairement des civils, sont morts en Israël dans cette attaque sans précédent du Hamas. Et sur les 252 personnes enlevées, 128 restent captives à Gaza, dont 35 sont mortes, selon l’armée.
Israël a réagi en lançant une campagne militaire dont l’objectif vise à détruire le Hamas, à l’écarter du pouvoir à Gaza et à libérer les otages.
Affirmant attendre « un accord » au plus vite pour libérer les 128 otages encore retenus à Gaza, Gabriela Leimberg refuse de comparer l’attaque du Hamas à la Shoah, génocide juif par l’Allemagne nazie, allant ainsi en sens contraire de certains dirigeants du pays et la majorité des personnes interrogées dans un sondage.
« Il y a 80 ans, les Juifs étaient dispersés dans le monde, mais aujourd’hui nous avons un Etat. Mais le 7 octobre, nous avons été abandonnés. Il y a ceux qui nous ont assassinés mais aussi l’Etat qui aurait dû nous protéger », lance-t-elle. « Cet accord (de libération, ndlr), je le veux demain, le plus vite possible », souligne-t-elle, vêtue d’un tshirt sur lequel est inscrit « Bring Them back Home » (Ramenez-les à la maison!)
Deux fois survivant
Daniel Louz, 90 ans, qui a survécu à la Shoah en France, se rend pour la première fois sur le lieu où une grande partie de sa famille a été exterminée par les nazis.
Le 7 octobre, cet habitant du kibboutz Beeri, proche de la bande de Gaza, a été sauvé une deuxième fois, les terroristes du Hamas n’ayant pas attaqué sa maison, alors que ses voisins ont été assassinés.
« Je crois que les âmes de mes proches qui ont péri à Auschwitz m’ont protégé pour que je puisse raconter leur histoire », confie-t-il sans pouvoir retenir ses larmes.
A la cérémonie à Birkenau, il a été invité à allumer une torche à la mémoire des victimes de la Shoah et l’a dédié aussi aux victimes du 7 octobre.
« Ce qui est arrivé pendant la guerre a provoqué un traumatisme mais le 7, j’ai eu la peur de ma vie, la peur de mourir », dit-il à l’AFP.
Longuement applaudi par la foule, M. Louz, comme les autres rescapés du 7 octobre étaient, au centre de cette marche silencieuse qui a été brièvement troublée par un petit groupe de manifestants pro-palestiniens accusant Israël de « génocide » en brandissant des drapeaux palestiniens.
Agitant des drapeaux d’Israël sur le parcours d’environ 5 km entre les deux camps nazis, les marcheurs ont simplement répondu à ces manifestants : « am Israël Hay – Le peuple juif est en vie ».