Quand la guerre en Ukraine impacte l’exportation de matsa pour Pessah
Les 10 000 kg de pain azyme qui attendent dans un port d'Odessa représentent 10 % des exportations annuelles du pays vers les Etats-Unis
- Les usines ukrainiennes fournissent de la matzah shmura aux communautés juives de tout l'ancien monde soviétique en plus de leurs clients aux États-Unis, en Israël et en Europe occidentale. (Crédit : Avec l'aimable autorisation de Meyer Stambler/via JTA)
- Les usines ukrainiennes représentent environ 15 à 20 % de la part de marché aux États-Unis pour la matzah shmura. (Crédit : Avec l'aimable autorisation de Meyer Stambler/via JTA)
- Un ouvrier fabrique de la matzah shmura sous supervision en Ukraine. (Crédit : Avec l'aimable autorisation de Meyer Stambler/via JTA)
JTA — Le 24 février, deux conteneurs chargés de 10 000 kg de matsa chmoura (le pain azyme confectionné à la main selon les règles les rigoureuses de la loi juive) devaient quitter le port d’Odessa, en Ukraine, pour les États-Unis.
Deux heures avant qu’ils ne soient chargés sur un navire, la Russie a envahi.
L’envoi était le dernier des 100 000 kg de pain sans levain que les boulangeries de matsa ukrainiennes devait expédier aux États-Unis cette année, en plus de ce qu’elles expédient en Europe et en Israël.
Techniquement en dehors de la zone douanière de l’Ukraine, cette cargaison ne peut ni être renvoyée dans le pays ni être acheminée vers les États-Unis.
Le rabbin Meyer Stambler, chef de la Fédération des communautés juives d’Ukraine affiliée à Habad, estime que ses usines en Ukraine représentent environ 15 à 20 % de la part de marché aux États-Unis pour la matsa chmoura, la variété préférée soigneusement « gardée » par les Juifs pendant le seder.
La matsa chmoura est fabriquée à la main en petits lots avec un niveau de supervision plus élevé que la plupart des autres types de matsa. Ce procédé rend à lui seul, la matsa beaucoup plus chère que celles issues de la fabrication industrielle. Une boîte de 500 gr de matsa chmoura peut coûter entre 20 et 60 dollars, a rapporté le Forward en 2018. En revanche, Instacart, un service de shopping en ligne aux Etats-Unis, propose au moins trois marques différentes de matsa ordinaire qui coûtent moins de 10 dollars pour une boîte de 2,5 kg.
« Je pense que le marché américain le ressentira », a déclaré Stambler au JTA.
« Je pense que nous allons probablement avoir un déficit de matsa chmoura cette année. »

L’industrie du transport maritime déjà surchargée après deux ans de pandémie n’a pas aidé à la situation. Pourtant, l’impact ressenti par la matsa manquante témoigne du rôle prédominant de l’Ukraine dans la vie juive non seulement en Europe de l’Est mais dans le monde entier.
Il y a à peine plus d’un mois, Stambler aurait juré que ses affaires étaient en plein essor. « Cette année, nous avons même ouvert une nouvelle boulangerie de matsa, une autre succursale, à Ouman », a-t-il déclaré.
Commençant à cuisiner vers l’époque de Hanoucca, les usines ukrainiennes fournissent de la matsa chmoura aux communautés juives de toute l’ex URSS en plus de leurs clients aux États-Unis, en Israël et en Europe occidentale. Elles sont vendus aux États-Unis sous les marques Tiferes et Redemption, entre autres.
À Dniepr, la ville où Stambler et sa principale usine de matsa sont basés, les pogroms du XIXe siècle – qui ont depuis longtemps été oubliés – ont poussé les Juifs d’Europe de l’Est à fuir vers les États-Unis. La Shoah et la répression soviétique semblaient être devenus de lointains souvenirs.

Aujourd’hui, Dniepr – connue jusqu’en 2016 sous le nom de Dnepropretrovsk – est la ville la plus juive d’Ukraine, avec l’immense Menorah Center, un bâtiment à sept branches conçu pour ressembler au candélabre sacré et pleine de restaurants casher, de salles de mariage, de bains rituels et d’autres commodités pour la communauté juive.
Bien qu’il ait un passeport israélien et américain qui lui permettrait de partir, Stambler est resté pour soutenir la communauté, même après avoir mis sa famille en sécurité.
« C’est très important de savoir que nous restons ici parce que nous faisons partie de la communauté, une partie de la ville. Comme l’a dit le président [Volodymyr] Zelensky, chacun doit se battre sur son propre front. Notre front répand la yiddishkeit », a déclaré Stambler, en utilisant le mot yiddish pour le judaïsme.
Alors que des missiles russes ont frappé la périphérie de Dniepr vendredi dernier, des dizaines de personnes se sont encore rassemblées pour Shabbat, dont de nombreux réfugiés venus de régions durement touchées.
« Nous aidons des gens de toute l’Ukraine », a déclaré Stambler. « De Kharkiv, de Zaporijia, de Marioupol. Nous avions 70 familles qui sont sorties de Marioupol. »

La production de matsa se poursuit également en ville, bien que Stambler ait déclaré qu’environ les deux tiers du personnel de l’usine avaient fui. Maintenant, ils fabriquent de la matsa uniquement pour l’Ukraine.
« Nous allons tout mettre en place pour permettre chaque foyer juif d’avoir un Seder », a déclaré Stambler.
Stambler a également déjà envisagé le futur des 10 000 kg toujours au port.
« La seule façon de ramener la cargaison en Ukraine, serait pour les besoins de l’armée », a expliqué Stambler.
Il est interdit aux hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans de quitter le pays au cas où ils seraient appelée à l’effort de guerre. De nombreux Juifs ont déjà rejoint des unités d’autodéfense volontaires qui s’organisent à travers le pays.
Si la guerre dure jusqu’à Pessah, a déclaré Stambler, il y aura de nombreuses bouches juives à la recherche de matsa au sein même de l’armée ukrainienne.
« La majeure partie restera en Ukraine », a-t-il dit, mais il est prévu qu’un dernier camion achemine une partie du surplus vers le Royaume-Uni. Ce sera la dernière expédition internationale de matsa ukrainienne cette année.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel