Qu’en est-il de la reconnaissance du permis de conduire français en Israël ?
A quelques jours du 1er tour de ces législatives, Daphna Poznanski-Benhamou avait réveillé la polémique en pointant du doigt l'absence de discussions sur ce dossier toujours sensible pour les Français d'Israël, alors que le candidat à sa réélection Meyer Habib dit travailler sur ce sujet. État des lieux.
L’entre-deux tours de ces élections législatives à l’issue incertaine avec deux candidats au coude-à-coude a remis sous les feux de l’actualité la question délicate de la reconnaissance du permis de conduire français en Israël.
A l’heure actuelle, un nouvel immigrant peut conduire en Israël en utilisant son permis de conduire étranger valide pendant un an. Passé ce délai, il doit se soumettre à un examen pratique de conduite pour obtenir l’équivalence israélienne.
Au sein de la communauté francophone, la procédure est souvent jugée coûteuse, contraignante, voire absurde pour les conducteurs les plus chevronnés. Le sujet, évoqué notamment par Daphna Poznanski-Benhamou avec le Times of Israël, a réveillé tout récemment la polémique.
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En pointant du doigt le manque de résultat de l’actuel député des Français à l’Étranger, Meyer Habib, pour faire évoluer la situation, la candidate indépendante, qui n’aura pas passé le 1er tour de ces élections législatives, a jeté un pavé dans la marre, en affirmant que « selon les autorités françaises, aucune négociation n’a été entamée à ce sujet. »
Mais qu’en est-il réellement ? Le Times of Israël attend toujours la réaction des ministères français et israélien concernés à l’heure de la publication de cet article. Et nous n’avons pas réussi à joindre le principal intéressé pour un droit de réponse.
Mais Meyer Habib, dans une lettre postée sur son site officiel au mois de mars, s’est néanmoins adressé à la communauté francophone israélienne sur le sujet sans ambiguïté : « Je vous le disais le 23 janvier dernier, les perspectives d’aboutir dans le court terme à une reconnaissance réciproque (du permis), comme c’est le cas avec d’autres pays comme l’Italie, sont bloquées à ce stade, en raison, semble-t-il, d’une réforme en cours des permis de conduire au niveau de l’Union européenne…»
Sammy Ghozlan, président du BNVCA, en relation avec le député sortant de la 8e circonscription et très impliqué par ailleurs pour faire avancer la cause de la reconnaissance du permis français, a réagi sans détours sur un dossier qui n’en finit pas de créer la polémique.
« Il s’agit là plus du rôle d’un député israélien que d’un député français. J’en ai parlé cependant à Meyer Habib pour qu’il en discute lui-même avec le Premier ministre. Il m’a ensuite dit qu’Yisrael Katz [le ministre des Transports] avait accepté la réforme, et que ça allait se faire pour janvier 2017. En fin de compte, les choses ont été repoussées ou annulées. Katz a prétendu qu’il n’y avait pas eu de réciprocité avec la France. »
Des contacts auraient donc bien été entamés avec les autorités françaises, contrairement aux dires de Poznanski-Benhamou. Ils n’ont cependant, à l’heure actuelle, tout simplement pas aboutis. Quant à cette fameuse question de réciprocité, elle suscite également la polémique.
La loi israélienne pourrait en effet évoluer de manière unilatérale, mais le statu quo semble de mise, et l’argument d’un accord bilatéral semble être un prétexte favorable à l’attentisme, voire à l’inertie du ministère des Transports israélien, sur une question qui en excède pourtant plus d’un.
Pendant ce temps, les situations absurdes des détenteurs du permis français obligés de repasser l’examen se multiplient.
Sammy Ghozlan l’affirme : « Moi, je maintiens qu’il n’y a aucune raison d’avoir de réciprocité. Les olim de France sont israéliens. Ce ne sont plus des Français mais bien des Israéliens qui demandent l’équivalence de leur permis ! Vous avez des gens qui ont fait leur alyah officiellement et qui repartent en conduisant leur voiture, sous les yeux de l’examinateur qui les recale ! Est-ce que ça c’est logique, est-ce que c’est juif, est-ce que c’est israélien ? Il y a là quelque chose quand même de complètement aberrant. »
Avant de reprendre, excédé : « Ce qu’on nous rétorque, c’est que la règle est la même pour tout le monde. Or c’est faux : les Vénézuéliens et les Italiens reçoivent leur permis de conduire sans avoir à repasser un examen. »
Aujourd’hui, il y a des gens qui conduisent sans permis. Voire… qui seraient carrément rackettées par les auto-écoles. Pour lutter contre les abus, un bureau de doléances a été ouvert, où l’on recueille les réclamations des malheureux candidats.
L’énergique président du BNVCA conclut, prêt à repartir au combat : « Il y a des personnes qui ont le permis depuis trente ans et plus, qui ont conduit des autobus à Paris pendant quinze ans et qui rencontrent des problèmes… Nous, Français, pouvons prouver que la personne demandeuse est bien titulaire du permis de conduire. Et je me fais fort d’obtenir ces documents officiels des services en question ! »
Si aujourd’hui il faut passer un test pour les détenteurs français de la fameuse licence, il n’en a pas toujours été ainsi en Israël. Mais la prolifération de faux documents, russes notamment, aurait durci une législation largement dénoncée maintenant par les principaux intéressés. Las de devoir prouver une aptitude acquise pour certains depuis bien longtemps.
Dans l’entourage de Benjamin Djiane, candidat PS pour la 8e circonscription également sorti de la course, on commente sans passion : « C’est un sujet que Meyer Habib a beaucoup mis en avant, en disant qu’il ferait avancer ce dossier. Il a écrit des lettres ouvertes qu’il a publiées sur son Facebook, où il appelait tout le monde à se mobiliser et où il parlait de toutes les démarches qu’il avait entreprises. Tout ça pour ne rien faire avancer en fait… »
Les autorités israéliennes ne veulent en effet reconnaître actuellement l’équivalence qu’à la condition d’une réciprocité française. Cela, malgré les initiatives de l’actuel député Meyer Habib, qui avait fait du permis un grand sujet et une grande priorité de son mandat, via les réseaux sociaux notamment. Alors certes, en dépit des lettres ouvertes, on reste loin d’une réelle avancée. Mais doit-on l’en blâmer ?
Ne faudrait-il pas d’abord pointer du doigt une administration israélienne pas si pressée de reconnaître la validité des permis de conduire français, alors qu’elle le pourrait, bien évidemment, à titre unilatéral ?
Jointe au téléphone par le Times of Israël, Florence Drory a visiblement choisi une autre approche.
La candidate LREM arrivée de justesse en tête des suffrages pour la 8e circonscription détaille : « Meyer Habib a promis une conversion imminente du permis français et il ne l’a pas faite. Il a promis que le Premier ministre d’Israël prendrait une décision unilatérale. Tout cela n’a pas été fait. Donc, en effet, il a leurré nos compatriotes français en Israël. C’est une question extrêmement importante, en tout cas elle mobilise et préoccupe les Français d’Israël. C’est un dossier, si je suis élue députée, que je prendrais évidemment en main, mais je le ferais de manière bilatérale. Au niveau des autorités françaises, il y a une négociation qui a été suspendue parce que l’Union européenne est en train de revoir ses critères. Il faudra donc tout simplement reprendre le dossier, le mener de façon sereine et efficace. Sans faire des promesses inconsidérées. »
Sur le rôle de chacun, la candidate LREM tient à préciser : « En ce qui concerne Israël, le Premier ministre a sa position mais le député français représente les Français à l’Assemblée Nationale, et donc il travaille avec les autorités françaises. Son rôle est d’accompagner, puisqu’il s’agit d’accords bilatéraux. C’est bien cela que je m’apprête à faire. »
Sur cette affaire, Claude Levy a tenu quant à lui à s’exprimer en tant que Conseiller consulaire et non plus comme attaché de presse de Poznanski-Benhamou : « Il n’y a pas de négociation entre la France et Israël. Voilà, c’est tout. Ça n’avance pas. »
Sur la petite phrase de la candidate sans étiquette éliminée au 1er tour, point de commentaire, car ce sont là seulement « des effets de manche ».
Joint par mail, Eran Guterman, attaché de presse au sein de l’ambassade de France en Israël nous précisera pourtant : « Un projet d’accord bilatéral permettant la reconnaissance mutuelle des permis de conduire a été proposée par Israël à la France. Le ministère de l’Intérieur français étudie actuellement cette proposition. L’Ambassade de France est pleinement mobilisée sur ce sujet. En toute hypothèse, Israël a également la possibilité de reconnaître la validité des permis de conduire français à titre unilatéral. »
Le futur député des Français à l’Étranger choisira, dans cette affaire, sa nouvelle voie d’approche. Affaire à suivre, donc…
Mise à jour du 20 juin : D’après une source provenant du Lobby francophone à la Knesset, la contestation française, qui passe aussi par les médias francophones locaux comme Radio Futée ou i24News, a rencontré un certain écho ces derniers jours, parvenant même jusqu’aux oreilles des conseillers du ministre des Transports. Une réunion en interne devrait donc avoir lieu prochainement sur cet épineux dossier, avec notamment l’adjoint du ministre.
Côté français, Jean-Noël Fournier, chef du bureau presse de la Direction à la sécurité routière du ministère de l’Intérieur a eu quant à lui sur la question d’un éventuel accord bilatéral ce commentaire lapidaire : « Nous n’avons pas d’éléments précis et fiables à vous donner pour l’instant. Nous n’avons rien de concret à vous dire. On ne sait pas où ça en est, et le ministère des Transports non plus. C’est à vous de voir avec les autorités israéliennes ce qui se passe. »
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