Israël en guerre - Jour 471

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Rejetés par leurs « alliés », les juifs LGBTQ analysent le courant anti-Israël de la Pride

Se sentant de moins en moins les bienvenus aux événements de la communauté queer, les partisans de l'État juif se soutiennent entre eux, et questionnent cette trahison

Un partisan d'Israël participe à la Pride de la ville de New York, le 30 juin 2024. (Crédit : Adam GRAY / AFP)
Un partisan d'Israël participe à la Pride de la ville de New York, le 30 juin 2024. (Crédit : Adam GRAY / AFP)

NEW YORK – Leah Forester sait ce que c’est que d’être rejetée. Lorsque cette actrice juive orthodoxe a révélé son homosexualité il y a plusieurs années, sa famille haredi a cessé de lui parler. Mais « ce n’était rien comparé à la haine que j’ai ressentie de la part de ma propre communauté homosexuelle pendant le mois des fiertés », a déclaré Leah Forester devant une salle comble au Glasshouse, à Manhattan, le 1er juillet.

Leah Forester s’exprimait lors d’une table ronde intitulée « Proud in Pride : Deconstructing the Queers for Palestine », une conférence de deux jours parrainée par le Combat Antisemitism Movement (CAM).

La guerre qu’Israël mène actuellement contre le groupe terroriste palestinien du Hamas a fait ressortir la complexité des relations entre les sionistes LGBTQ et la communauté LGBTQ au sens large, et plus particulièrement le mouvement controversé « Queers for Palestine ».

Queers for Palestine est un mouvement qui semble pour le moins incongru puisque les territoires palestiniens se classent au 147e rang en termes de droits LGBTQ selon l’indice mondial de l’égalité. Et si les lois diffèrent entre la Cisjordanie et Gaza (où les relations homosexuelles entre hommes sont passibles d’une peine d’emprisonnement), il n’existe aucune protection civile dans les deux régions pour les Palestiniens LGBTQ, et la police intervient rarement contre les violences homophobes.

Pour les membres juifs de la communauté queer, cette dissonance cognitive est plus que déconcertante : elle est ressentie comme une trahison.

« Ce que nous voyons dans les rues est effrayant », déclare Forester.

Au début du mois, les défilés des Prides de Toronto et de New York ont été interrompus en raison de manifestations anti-Israël lancées par des participants, et à Washington, des marcheurs pro-Israël se sont fait huer par les marcheurs et les spectateurs des défilés des Prides de la capitale.

À gauche, l’ambassadeur David Saranga, directeur du bureau de la diplomatie numérique au ministère des Affaires étrangères d’Israël, anime le panel « Proud in Pride : Deconstructing the Queers for Palestine », lors d’une conférence de deux jours parrainée par le Combat Antisemitism Movement (Mouvement de lutte contre l’antisémitisme). À ses côtés, de gauche à droite, Shai Abargel, Dan Hadad et Leah Forester, à New York, le 1er juillet 2024. (Crédit : Combat Antisemitism Movement)

En essayant de comprendre le mouvement Queers for Palestine, qui accuse fréquemment Israël d’exploiter sa position progressiste sur les questions LGBTQ pour détourner l’attention de son traitement des Palestiniens, les panélistes et d’autres intervenants ont conclu que la démographie n’était qu’une partie du facteur expliquant la croissance de Queers for Palestine ces dernières années. Nate Shalev, qui utilise le pronom iel, a expliqué que la montée de l’antisémitisme dans les espaces queer s’inscrit également dans une tendance des cercles de justice sociale à cataloguer les problèmes.

« Il s’agit en partie d’un problème générationnel, mais aussi d’un problème spécifique aux communautés queer, qui se sont toujours efforcées de se protéger les unes les autres, en particulier face à l’incapacité historique des institutions à le faire. Quiconque se préoccupe d’Israël ou exprime de l’empathie pour les Juifs a été placé dans cette catégorie dangereuse. C’est accablant et contre-intuitif par rapport au fonctionnement des communautés queer », a expliqué Shalev, qui a grandi à Staten Island, a fréquenté une synagogue conservatrice et n’a jamais trop pensé à Israël jusqu’à ce qu’iel rencontre sa femme, qui est israélienne.

Des activistes lors de la Dyke March à Washington, DC, le 7 juin 2019. (NICHOLAS KAMM / AFP)

Un discours qui n’a rien de neuf

L’interdiction des sionistes ou des symboles juifs des Prides n’est pas un fait nouveau.

En 2017, la Dyke March de Chicago interdisait les drapeaux des Fiertés arborant l’étoile de David et a expulsé les manifestantes qui exprimaient leur soutien au sionisme. En 2019, la Dyke March de Washington a fait de même.

« Avant le 7 octobre, il y avait des tensions à la Dyke march quand il s’agissait d’Israël et de la Palestine. Chaque année, nous avions les mêmes conversations difficiles sur la signification d’Israël et de l’étoile de David, et elles se terminaient toujours par l’inclusion », a expliqué Mme Shalev.

« Depuis le 7 octobre, le discours a changé du tout au tout. Au lieu de la notion d’inclusion, le discours s’est concentré sur des prises de position personnelles au sujet d’Israël et de la Palestine, sans tenir compte de l’impact qu’elles auraient sur notre communauté, et en particulier sur les nombreux Juifs qui la composent », a ajouté Shalev.

Nate Shalev prend la parole lors du rassemblement inaugural de Shalom Dykes dans l’East Village de New York, le 29 juin 2024. (Crédit : Melody Melamed)

Suite aux plaintes de nombreuses lesbiennes juives qui se sont senties rejetées lors de la marche des lesbiennes de cette année à New York, Shalev a participé à l’organisation de « Shalom, Dykes », une manifestation distincte pour celles qui « cherchent à se sentir accueillies en tant que personnes queer, plurielles et pleinement juives ».

Une attention biaisée sur l’oppresseur par rapport à l’opprimé

Dan Hadad, qui a également participé au panel « Proud in Pride », a indiqué que le sentiment anti-Israël et antisémite manifesté par le mouvement Queers for Palestine découle certainement de la manière dont les mouvements de justice sociale ont adopté le cadre de l’oppresseur contre l’opprimé au cours des dernières années. Il ajoute toutefois que les données démographiques en jeu ne peuvent être ignorées.

Au cours de ses 15 années d’activités de plaidoyer, le réserviste israélien a constaté un changement d’attitude chez les jeunes.

« La jeune génération s’identifie davantage au mouvement pro-palestinien qu’à Israël », a expliqué Hadad.

Des manifestants anti-Israël bloquent le parcours du défilé lors de la marche des fiertés de NYC, le 30 juin 2024, à New York. Illustration (Crédit : Charles Sykes/Invision/AP)

Une enquête réalisée en avril 2024 par le Pew Research Center confirme que les jeunes Américains sont plus enclins à soutenir le peuple palestinien que les Israéliens.

Alors qu’un tiers des adultes de moins de 30 ans se disent tout à fait ou plutôt favorables au peuple palestinien, 14 % des adultes de moins de 30 ans se disent tout à fait ou plutôt favorables au peuple israélien, selon l’enquête. À l’inverse, parmi les Américains âgés de 65 ans et plus, 47 % se disent entièrement ou principalement favorables au peuple israélien, tandis qu’environ 9 % se disent entièrement ou principalement favorables aux Palestiniens.

Une méconnaissance absolue du statut des homosexuels au Moyen-Orient

Luai Ahmed, un journaliste suédois musulman qui se dit sioniste, est d’accord – en partie. Né à Sanaa, au Yémen, Luai Ahmed a immigré en Suède parce qu’il est homosexuel. Il est récemment rentré de Tel Aviv, où il a assisté à sa première Pride.

Le journaliste musulman suédois Luai Ahmed s’exprime lors de la table ronde « Proud in Pride : Deconstructing the Queers for Palestine », lors d’une conférence de deux jours parrainée par le Combat Antisemitism Movement, à New York, le 1er juillet 2024. (Crédit : Combat Antisemitism Movement)

« Queers for Palestine est un autre exemple de la gauche marxiste progressiste radicale. Tout a été réduit à blanc contre noir, nous contre eux, Israël contre Palestine. Le mouvement LGBTQ a été détourné par l’extrême gauche », a affirmé Ahmed, qui participait à la conférence du CAM pour ses activités de défense d’Israël.

Il a ajouté que la majorité des personnes qui soutiennent Queers for Palestine n’ont pas la moindre idée de ce qui est en jeu pour les personnes LGBTQ, non seulement à Gaza et en Cisjordanie, mais aussi dans le reste du Moyen-Orient.

Selon Human Rights Watch (HRW), en 2016, le Hamas a brutalement torturé et tué l’un de ses propres commandants terroristes « pour des violations comportementales et morales qu’il avait avouées ». Ce langage fait généralement référence à ce que l’organisation terroriste considère comme une inconduite sexuelle, dont l’homosexualité.

Des dizaines de Palestiniens LGBTQ ont fui en Israël pour leur propre sécurité, et de nombreux musulmans homosexuels des pays voisins cherchent fréquemment refuge en Israël ou dans d’autres pays occidentaux, comme la Suède, les États-Unis et le Canada.

Malgré cela, de nombreux programmes universitaires, tels que le Center for LGBTQ Studies (Centre d’études LGBTQ) de CUNY à New York, maintiennent fermement leur position selon laquelle la Palestine est une question homosexuelle.

Des manifestants anti-israéliens et pro-palestiniens bloquent le défilé de la Pride de Toronto, le 30 juin 2024. (Capture d’écran X : utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

« L’État d’Israël se présente et est représenté comme un refuge pour les homosexuels, les juifs et les amoureux de la démocratie », peut-on lire dans une déclaration sur le site web du centre. « Cette image contraste toutefois fortement avec la façon dont il traite ses citoyens et sujets palestiniens homosexuels, les Juifs antisionistes et les gauchistes à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. La Palestine est une question queer parce que la situation en Israël-Palestine relève de la justice et de la liberté, qui sont au cœur de la politique queer ».

« Rien ne pourrait être plus loin de la vérité », a affirmé Juan Escalante, 28 ans, qui utilise le pronom « iel ».

La mère de Juan Escalante se trouvait à Jérusalem le 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes du Hamas ont déferlé sur le sud d’Israël, massacrant près de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et prenant 251 personnes en otages dans la bande de Gaza, déclenchant ainsi la guerre qui se poursuit. Deux jours plus tard, Escalante s’est envolé pour Israël afin de ramener sa mère à New York. Cette expérience transformatrice a incité Escalante non seulement à défendre Israël, mais aussi à lutter contre l’antisémitisme.

Participantes au rassemblement inaugural de Shalom Dykes dans l’East Village de New York, le 29 juin 2024. (Crédit : Melody Melamed)

« Le mouvement Queers for Palestine ignore le traitement épouvantable des personnes LGBTQ à Gaza et souhaite nous apprendre ce que cela signifie d’être ‘Queer’. Le mouvement Queer a été détourné. Tout est filtré à travers le prisme du blanc et du noir, du Démocrate et du Républicain, de l’oppresseur et de l’opprimé. Les espaces gays deviennent de plus en plus hostiles aux sionistes », a déclaré Escalante, qui se décrit comme un activiste accidentel.

C’est pourquoi iel a hésité à participer à la New York Pride de cette année. Iel a finalement décidé d’y participer, en partie pour faire passer le message que les sionistes ne doivent pas battre en retraite.

Malgré des sentiments tels que ceux exprimés par le mouvement Queers for Palestine, Shalev estime qu’il est important de se tourner vers l’avenir.

« Il n’y a pas beaucoup d’espaces où les femmes juives LGBTQ, les personnes trans et les personnes non binaires peuvent se réunir et se sentir en harmonie avec chacune de leurs facettes », a expliqué Shalev.

C’est pourquoi il s’efforce de construire une communauté « où nous pouvons assumer nos identités queer et juive. J’aimerais voir un avenir où les lesbiennes pourront se sentir aussi libres au quotidien qu’elles le sont le jour de la Dyke March. Un avenir qui n’encourage pas la division, la haine et la violence dont nous avons été si souvent témoins ces derniers mois. Un tel avenir est possible, mais pas inévitable ».

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