Résilient et diversifié, le financement du Hamas survivra à la guerre – experts
"Depuis dix ans sinon plus, ils ont mis en place un réseau de financement résilient" avec des investissements et des sources de revenus dans de nombreux pays et ce, sans être inquiétés, affirme Jessica Davis
Le groupe terroriste palestinien Hamas devrait continuer de jouir de sources de financement suffisamment multiples et variées pour poursuivre la guerre longtemps encore.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis d’anéantir la branche palestinienne des Frères musulmans, auteure de l’attaque barbare du 7 octobre, la plus violente de l’histoire du pays et le pire massacre de Juifs depuis la Shoah. Bilan : quelque 250 otages dont quelque 130 sont encore détenus (tous ne sont pas en vie) et environ 1 140 morts, essentiellement des civils.
Mais si cet objectif militaire seul semble difficile à atteindre, réduire à néant ses revenus relève de la gageure.
« Le Hamas est solide financièrement », explique à l’AFP Jessica Davis, présidente du groupe canadien Insight Threat Intelligence. « Depuis dix ans sinon plus, ils ont mis en place un réseau de financement résilient » avec des investissements et des sources de revenus dans de nombreux pays et ce, sans être inquiétés.
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Parmi ces sources figurent des « petites affaires et de l’immobilier », dans des pays comme la Turquie, le Soudan ou l’Algérie, ajoute-t-elle.
Le Hamas s’appuie par ailleurs sur un réseau informel de dons. Il « est devenu très bon dans le développement d’un système complexe de bureaux de change via la Turquie, les Emirats arabes unis, Dubaï mais aussi l’Europe, les Etats-Unis », explique Yitzhak Gal, spécialiste de l’économie palestinienne pour l’institut israélien Mitvim.
Or, le nombre de donateurs n’a pas forcément diminué depuis le 7 octobre. « En dépit de ses atrocités, le Hamas semble avoir gagné du soutien internationalement, parmi des segments de la population qui le perçoivent comme une avant-garde de la résistance [nom que se donnent les groupes terroristes islamistes anti-Israël, mais aussi l’Iran] », souligne Lucas Webber, co-fondateur du site spécialisé Militant Wire.
Depuis des années, le soutien majeur du groupe provient de l’Iran, qui aide aussi le Hezbollah libanais et les Houthis du Yémen. Les estimations évaluent l’apport annuel de Téhéran à entre 70 et 100 millions de dollars, via un patchwork qui associe les cryptomonnaies aux valises de cash, en passant par certaines banques étrangères et le système informel de transferts de fonds « hawala » qui signifie mandat ou virement en arabe et qui permet de transférer des millions de dollars à travers le monde.
L’aide iranienne en équipement militaire passait pour sa part, selon M. Gal, via la contrebande depuis l’Egypte et les tunnels creusés entre Gaza et le désert du Sinaï, aujourd’hui bouchés.
Au-delà, depuis sa prise de pouvoir féroce à son rival du Fath en 2006 et sa victoire aux élections, le Hamas a confisqué le pouvoir à Gaza, rendant caduque la distinction entre l’argent destiné à la population et celui qui finance ses branches politique et militaire. « Tout ce qui rentre va au Hamas et ils décident qui vit et qui meurt », tranche Yitzhak Gal.
Sur les 2,5 milliards de dollars de budget de la bande de Gaza, 1,1 milliard viendrait de l’Autorité palestinienne – avec l’accord d’Israël, précise-t-il.
La communauté internationale elle-même finance l’UNRWA, agence très controversée de l’ONU d’aide aux réfugiés palestiniens qui perpétue entre autres le statut de réfugié à des gens dont les parents sont ou ont été réfugiés palestiniens. Le statut de réfugié palestinien est le seul qui se transmet à ses enfants. Les écoles de l’UNWRA font aussi l’objet de polémiques avec ses enseignements anti-Israël.
Quant au Qatar, il paye les salaires des fonctionnaires, comme les médecins et les enseignants, et verse 100 dollars par mois aux 100 000 familles les plus pauvres de Gaza, pour un total de 1,49 milliard entre 2012 et 2021, selon Doha.
En 2021, le riche émirat gazier, où les responsables de la direction politique du Hamas vivent, a fait état d’un montant annuel de 360 millions de dollars.
« Sans exception, l’aide du Qatar est coordonnée avec Israël, le gouvernement américain et les Nations unies », rappelle à l’AFP un responsable qatari. Même l’aide en nature – nourriture, médicaments, essence – passait par Israël. Lundi, le diplomate qatari chargé de négocier la libération des otages israéliens, Abdulaziz Al-Khulaifi, a indiqué que la manne se poursuivrait.
L’avenir ? Washington a pris en octobre des sanctions contre dix « membres-clés du Hamas » et les Occidentaux réfléchissent à des mesures coercitives. Mais assécher le Hamas sera probablement impossible.
« La perspective d’une destruction complète à long terme de ses finances n’est pas réaliste », relève Jessica Davis. « Vous pouvez la perturber, supprimer des acteurs clés, réduire les sources de fonds. Mais l’infrastructure sera toujours là. Tant que le groupe a des soutiens, ils peuvent être sollicités de nouveau ».
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Yitzhak Gal, lui, renvoie à la problématique politique. Nul ne sait ce qu’il adviendra de ce petit territoire extrêmement pauvre de 2,5 millions d’habitants coincé entre Egypte, Israël et Méditerranée.
« Quand la guerre s’arrêtera et que la vie normale reprendra, la question sera : est-ce que ce système financier reprend ou est-ce qu’il change ? », résume-t-il. « Gaza est aujourd’hui un grand camp de réfugiés. Qui sera en charge d’apporter la nourriture, l’eau et les abris à ces réfugiés ? Le Hamas ou une autre organisation, un autre mécanisme ? »
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