Shimon Peres et la France
Admirateur de Mitterrand et ami de Montand et Signoret, le 9e président a été "le grand moteur du développement des relations entre Israël et la France jusqu'en 1967"
Shimon Peres entretenait un rapport privilégié avec la France : relation d’intérêt stratégique concrétisée dans les années 1950 par une coopération nucléaire, mais aussi lien personnel avec un pays dont il admirait la culture et la politique.
Nommé en 1953 directeur général du ministère israélien de la Défense, M. Peres se rend en France l’année suivante.
Deux ans plus tard, une étroite coopération s’amorce, sous l’impulsion du ministre français de la Défense Maurice Bourgès-Maunoury, dans le domaine nucléaire entre les deux pays. La France fournira à l’Etat hébreu son premier réacteur, à Dimona (sud).
Shimon Peres « a connu des générations et des générations de dirigeants français depuis les années 1950, autour du nucléaire, mais de manière plus générale autour de la défense et de la sécurité d’Israël », rappelle à l’AFP l’ex-ambassadeur d’Israël à Paris (2006 à 2010) et ancien proche collaborateur de M. Peres, Daniel Shek.
« Il est l’initiateur et le grand moteur du développement des relations entre Israël et la France jusqu’en 1967 », année de la rupture initiée par le général de Gaulle lors de la Guerre des Six-jours avec les pays arabes, ajoute-t-il.
Jusqu’à cette date, la France était « l’allié le plus proche et le plus important d’Israël, les Etats-Unis étant aux abonnés absents », précise M. Shek.
L’ambassadrice française en Israël, Hélène Le Gal, a ainsi déclaré mercredi que la France avait perdu « celui qui fut l’un des plus fidèles amis de son peuple et de ses gouvernements successifs depuis la IVème République ».
Ami de Montand et Signoret
Plus tard, Shimon Peres se lie d’amitié avec des intellectuels et des artistes qui fréquentaient les cafés du Quartier latin à Paris.
« ll était passionné par le philosophe Fernand Braudel et l’anthropologue Claude Lévi-Strauss », se souvient le sociologue franco-israélien Claude Sitbon, qui lui faisait rencontrer des personnalités littéraires françaises.
M. Peres devient l’ami du chanteur Yves Montand et de l’actrice Simone Signoret. En 1986, le couple se rend en Israël à l’invitation de M. Peres, alors Premier ministre.
Yves Montand chante devant le mur Occidental à Jérusalem pour soutenir les dissidents juifs russes que l’URSS refuse de laisser émigrer.
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« Il avait une énorme affection et admiration pour la France, il admirait la culture, la philosophie, la vision du monde des intellectuels français, le respect des Français pour leur langue, pour les mots, pour la littérature », se souvient M. Shek.
« Chaque prétexte était bon pour passer un moment en France. Quand il était ministre des Affaires étrangères, nous avions une plaisanterie: quand il devait se rendre à Chypre il disait toujours que le chemin le plus court passait par Paris », selon lui.
En 1993, alors ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres dépose le dossier d’admission d’Israël à l’Organisation internationale de la Francophonie. La demande n’a jamais été acceptée, les admissions de nouveaux membres au sein de cet organisme, où siège notamment le Liban en guerre avec Israël, se faisant à l’unanimité.
En mars 2008, en tant que président d’Israël, il est le Premier dirigeant étranger à effectuer une visite d’Etat en France après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence.
Admirateur de Mitterrand
« Cette visite coïncidait avec les célébrations du 60e anniversaire d’Israël et pour Shimon Peres c’était une sorte de fermeture du cercle après tant d’années d’efforts et de hauts et de bas dans la relation franco-israélienne », explique M. Shek.
En mars 2016, alors qu’il n’occupe plus aucune fonction officielle, M. Peres est reçu à Paris par le président français François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls, notamment pour évoquer les derniers attentats.
Une marque de confiance qui tranche avec l’irritation qu’a suscitée l’actuel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, jugé prompt à utiliser les attentats pour appeler les juifs français à émigrer en Israël.
M. Peres a toujours souligné que cette émigration ne devait pas être dictée par la peur de l’antisémitisme.
Il admirait l’ex-président français François Mitterrand qui incarnait pour lui, selon M. Shek, « un homme d’Etat doté d’une vision à long terme, d’une réflexion sur le destin de son peuple, de son pays et du monde ».