Un artiste épingle les selfies tout-sourire au mémorial de la Shoah de Berlin
La composition numérique de selfies pris au Mémorial et que Shahak Shapira a glanés au fil des réseaux sociaux, ne laissera pas indifférent

A mi-chemin du happening macabre, et d’un acte de vengeance, ou de justice, Yolocaust.de de Shahak Shapira, artiste israélien vivant en Allemagne depuis l’âge de 14 ans, marquera à coup sûr les esprits.
Un artiste israélien vivant en Allemagne a lancé sur internet une campagne de photomontages choc pour dénoncer la mode qui consiste à prendre des selfies tout-sourire au mémorial de l’Holocauste de Berlin.
Le mémorial de l’Holocauste de Berlin a été inauguré en 2005 en plein cœur de la ville. Il est constitué d’un musée et d’un vaste parvis grand comme trois terrains de football, recouvert de 2 700 blocs de béton de différentes tailles.
Shapira a rassemblé des photographies et des selfies pris au Mémorial de la Shoah à Berlin sur les réseaux sociaux. Il montre des personnes réjouies et insouciantes : un homme jongle, une autre semble faire des pilates, mais aucun ne semble mal intentionné.
Sur le site internet, on peut voir une galerie de ces clichés postés, selon l’artiste, sur les réseaux sociaux, notamment une jeune fille faisant du yoga, une autre prenant une pause langoureuse et un homme en train de jongler au milieu des imposantes dalles grises érigées à la mémoire des plus de six millions de Juifs assassinés pendant la Deuxième guerre mondiale.
Tous semblent apprécier la régularité photogénique du lieu. Aucune ‘quenelle’ à l’horizon. Mais déjà, un malaise.

Les photomontages de l’artiste israélien ont été mis en ligne mercredi et se sont rapidement propagés sur la toile. Le site a même été momentanément indisponible jeudi en raison d’un trop grand nombre de visiteurs.
Les réactions étaient plutôt positives, même si quelques internautes soulignaient que l’architecte du mémorial, Peter Eisenman, avait insisté sur le caractère non funéraire du lieu.
Le nom du projet est un jeu de mot entre Holocauste et Yolo, un acronyme utilisé pour dire « on ne vit qu’une fois » (You only live once) synonyme de légèreté et de jeunesse.
Exposer ces photos est déjà une manière de les dénoncer. Mais l’artiste a caché une « surprise » derrière ces photos. Lorsqu’elles sont survolées par le pointeur de la souris, un montage incruste ces personnages sur un fond macabre : des monceaux de corps à Auschwitz, un camp de concentration où encore une tranchée sur un champ de bataille dans lesquels ils semblent se prendre en photo. Comme pour leur dire : « aviez-vous pensez à ça ? »
L’artiste revendique vouloir faire « honte » à ces utilisateurs et propose à ceux qui auraient des remords d’envoyer une demande de « désabrutisation » pour que leur photo soit retirée du site.
Sur le site, Shahak affiche un message reçu par l’une des filles apparaissant sur une photo : « je suis sur l’une des photos et je regrette de l’avoir mise sur internet. Pouvez-vous la retirer ? Ce à quoi Shapira répond : « Oui, envoyez un email à undouche.me@yolocaust.de ».
« Douche » en anglais, selon Slate qui a consacré un article passionnant à l’origine de l’expression, signifie à l’origine une « poire à lavement », puis le terme est devenu le terme générique pour désigner un « connard ».
« Undouche me » demande donc à Shapira la victime, qui souhaite ne plus en être un.
L’éditeur de Shahak Shapira explique que se dernier est le petit-fils d’Amitzur Shapira, l’un des 11 Israéliens assassinés aux jeux Olympiques de 1972 par un commando de militants palestiniens et que son autre grand-père est un rescapé de la Shoah.
L’artiste avait fait la une des journaux en 2015 après avoir été attaqué par une foule de jeunes musulmans qui avaient entonné sur son passage des chants antisémites et n’avaient pas apprécié d’être filmés.
L’artiste déclare aussi dédier son « Yolocaust » à un responsable du parti populiste de droite AfD, Björn Höcke, qui a suscité l’opprobre en Allemagne mercredi en déplorant, de façon intolérable, l’existence à Berlin du mémorial, qualifié de mémorial « de la honte ».
L’AFP a contribué à cet article.