Un faux compte de l’AIPAC approuve l’apartheid : tempête sur Twitter
Cette usurpation de compte du lobby pro-israélien fait suite à plusieurs usurpations d’identité depuis la prise de contrôle de Twitter par Elon Musk
JTA – Pendant un court instant, jeudi soir, les utilisateurs de Twitter ont pu lire un message pour le moins troublant pour toute personne un tant soit peu intéressée par les questions de plaidoyer en faveur d’Israël.
« Nous soutenons l’apartheid », disait ainsi un post publié un compte portant le pseudonyme AIPAC, acronyme de l’American Israel Public Affairs Committee. La photo de profil du compte était la même -une étoile de David rouge et bleue – que celle de la véritable organisation sur les réseaux sociaux.
Un message d’autant plus choquant que l’AIPAC est un fervent défenseur d’Israël, y compris contre les attaques tendant à accréditer l’idée que le pays mettrait en oeuvre un système d’apartheid à l’encontre des Palestiniens. Mais un message surtout faux: l’organisation a été une nouvelle fois été victime d’usurpation, de falsification et d’abus – comme c’est trop souvent le cas depuis la récente acquisition de Twitter par Elon Musk.
Ce n’est qu’en regardant de près qu’un utilisateur s’est aperçu que le compte appartenait à « AIPAC_USA », et non à « AIPAC ».
Le compte usurpant l’identité de l’AIPAC a été supprimé, mais le tweet avait entre temps été vu et partagé des milliers de fois. Il a même été endossé par des comptes usurpant eux-mêmes l’identité d’autres personnalités.
« Tout à fait d’accord », a répondu @KariLakeAZ, faux compte usurpant l’identité du candidat Républicain d’extrême droite au poste de gouverneur, à la traîne dans le décompte des voix dans l’Arizona.
Cette affaire est l’un des innombrables cas d’usurpation d’identité destinés à provoquer des réactions ou à semer le chaos – des cas qui se multiplient depuis que Musk a acquis la plateforme pour 44 milliards de dollars, il y a deux semaines.
Musk a licencié dans la foulée de son acquisition un grand nombre de collaborateurs de Twitter et il a procédé à des changements brusques dans les règles de modération et d’authentification, tout en publiant lui-même des contenus grossiers et controversés.
Cette tempête a poussé certains utilisateurs, annonceurs et employés à quitter les lieux, laissant la place à des personnes mal intentionnées.
Musk a lui-même communiqué sur les règles applicables aux usurpations d’identité ; jeudi, il a déclaré que les comptes « parodiques » devaient inclure ce mot dans leur intitulé.
Selon les médias, un grand nombre de cadres supérieurs, parmi lesquels les responsables des questions de confidentialité et de la conformité, ont quitté le bateau Twitter ces derniers jours.
Jusqu’à jeudi soir, le responsable de la lutte contre les discours de haine et des questions de confiance et sécurité, Yoel Roth, était toujours en place et manifestement aligné sur le positionnement de Musk, expliquant les décisions de son nouveau patron et assurant que Twitter prenait les discours de haine très au sérieux.
Il était même apparu aux côtés de Musk lors d’une réunion destinée à apaiser les annonceurs paniqués, mercredi dernier.
Mais constatant le nombre de « j’aime » qui s’accumulaient sous le post du faux compte de l’AIPAC, Roth a ajouté à sa bio Twitter: « ex ».
Il est difficile de dire à ce stade s’il a démissionné ou s’il a été poussé vers la sortie, mais son départ de l’entreprise est un signe particulièrement inquiétant pour ceux qui espéraient que les turbulences nées de l’arrivée de Musk finissent par s’estomper.
Roth a été une figure clivante au sein de l’entreprise et il a incarné les efforts livrés par Twitter pour éradiquer la haine en ligne. Juif et gay, n’ayant jamais eu peur de communiquer sur des choses très personnelles (il a écrit une fois qu’un test ADN avait révélé qu’il était « extrêmement juif ») ou sur ses opinions libérales, il s’était attiré la colère des critiques de droite de Twitter. Juste après l’investiture de Donald Trump, il avait écrit sur Twitter qu’il y avait désormais « de vrais nazis à la Maison Blanche ».
De par ses fonctions, Roth a dirigé la politique de lutte contre le harcèlement antisémite sur Twitter.
La semaine passée, alors que bots et trolls s’en donnaient à cœur joie après la prise de contrôle par Musk, il avait communiqué sur les mesures prises pour lutter contre ces derniers et il avait déclaré: « La politique de Twitter n’a pas changé. Les comportements haineux n’ont rien à faire ici. » Dans son ultime publication avant son départ, il a noté que les mesures prises pour supprimer les contenus haineux avaient été couronnées de succès.
Il y a eu aussi des publications plus légères de Roth – qui ont été de plus en plus rares alors qu’il devenait une personnalité publique – des posts souvent consacrés à des sujets Juifs. En 2017, il avait publié un article sur un livre pour enfants en hébreu racontant l’histoire d’un chat assis sur un tapis, attendant que d’autres animaux le rejoignent. Le chat finissait par feuler sur les autres animaux pour les faire fuir.
« Je crois que ce livre explique parfaitement ma personnalité », avait écrit Roth.
Le départ de Roth signifie que Twitter a perdu pratiquement tous ses cadres en charge de la sûreté et de la sécurité.
Dans la mesure où tout se passe au vu et au su du public, parodistes et provocateurs s’en donnent dorénavant à cœur joie et ils saisissent toutes les occasions d’ajouter des contenus malveillants à la plate-forme.
A l’instar de l’AIPAC, d’autres organisations juives ont été piégées. Jeudi soir toujours, un faux compte usurpant l’identité de l’Anti-Defamation League a publié une photo d’Henry Ford, le célèbre constructeur automobile antisémite, accompagnée de ce commentaire : « Nous sommes tellement heureux d’être ici. Elon Musk est le #HenryFord de notre époque. L’innovation est un miracle ! »
Le tweet, publié par @ADL_Official, et non @ADL, n’est pas resté actif longtemps.
Il faisait écho à des propos tenus par le PDG de l’ADL, Jonathan Greenblatt, il y a tout juste un mois, qui avait félicité Musk à la télévision, le présentant comme l’héritier de Ford en matière d’innovation. Il s’était dit prudemment optimiste quant au rachat de Twitter par Musk, alors imminent.
Greenblatt avait rapidement présenté ses excuses pour ses propos au sujet de Ford et il a publiquement fait part de sa déception vis-a-vis de Musk peu de temps après.
La semaine dernière, face au regain d’antisémitisme sur Twitter, l’ADL a demandé aux annonceurs de boycotter la plateforme, ce que beaucoup ont effectivement fait.