Une foule attendue lors d’une manifestation pro-gouvernementale à Jérusalem
"La manifestation de la liberté" aura lieu près de la Cour suprême quelques jours avant une audience consacrée à l'éventuelle invalidation de la loi sur la "raisonnabilité"

Alors que les tensions se renforcent en amont d’audiences déterminantes, devant la Haute cour de Justice, qui seront consacrées à l’éventuelle invalidation de lois controversées qui ont été adoptées par la coalition, une masse de partisans de la refonte judiciaire, actuellement avancée par le gouvernement de droite, devaient se rassembler à Jérusalem, dans la soirée de jeudi, demandant à la plus haute instance judiciaire de tout le pays de ne pas intervenir.
Présentée sous le nom de « manifestation de la liberté » par ses organisateurs, ce rassemblement visera à affirmer que les magistrats qui siègent à la Haute Cour « n’ont pas l’autorité nécessaire pour rejeter le choix du peuple », appelant les juges à « ne pas entraîner l’État dans une crise constitutionnelle. »
Parmi les intervenants qui devraient prendre la parole dans le cadre de ce mouvement de protestation, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, le professeur Elisha Haas, le docteur Keren Asayag et l’avocat Michael Dvorin.
La police a noté, jeudi, que les rues proches de la Cour suprême et de la Knesset seront bloquées dès 16 heures.
Cette manifestation survient en marge d’une audience du 12 septembre qui sera consacrée aux requêtes déposées pour dénoncer la loi sur la « raisonnabilité », qui a été approuvée dans le cadre du plan de refonte controversé du système de la justice israélien et qui interdit dorénavant aux tribunaux de réexaminer une décision gouvernementale sur la base de son « caractère raisonnable ». Le 28 septembre, une autre audience se penchera sur les requêtes soumises pour remettre en cause une législation qui protège un Premier ministre en exercice face à une possible récusation.
Ces deux textes ont été présentés sous la forme d’amendements aux Lois fondamentales, qui sont quasi-constitutionnelles dans le pays – des amendements que la Haute-cour n’a jamais invalidés jusqu’à présent. Le processus de législation, concernant les Lois fondamentales, n’est pas différent de celui des autres lois au Parlement, et aucune majorité particulière n’est nécessaire pour les faire définitivement approuver.
Avant la manifestation, Smotrich a fait savoir dans une déclaration, mercredi, que « nous ne laisserons pas la Haute cour invalider une Loi fondamentale, ce qui signifierait clairement voler les bulletins qui ont été déposés dans les urnes par les Israéliens et les jeter à la poubelle ».
« Quand la Haute cour invalide une Loi fondamentale, elle vole alors notre liberté et notre droit à choisir et elle décide qu’elle est la députée en lieu et place des députés qui siègent à la Knesset », a-t-il ajouté.

La législation sur la « raisonnabilité », qui est un amendement à la Loi fondamentale : Le système judiciaire, interdit à tous les tribunaux, y compris à la Haute Cour, d’utiliser la notion juridique de « raisonnabilité » lors du réexamen des décisions prises par le gouvernement et par les ministres en vue de leur éventuelle invalidation. Ce texte a été la toute première législation majeure à être adoptée par la coalition dans le cadre de son plan de refonte du système judiciaire israélien, qui bouleverserait radicalement ce dernier.
Ce sont les quinze magistrats de la Cour suprême qui devraient examiner cette loi qui entraîne une polémique forte.
Les partisans du plan de refonte judiciaire déclarent que dans la mesure où aucune loi n’autorise la Haute-cour à rejeter des Lois fondamentales, elle n’a pas le pouvoir de le faire. Les ministres et les députés de la coalition affirment que le texte sur la « raisonnabilité » est nécessaire pour empêcher la Haute-cour d’imposer son point de vue, limitant en cela les actions et les décisions du gouvernement.
Le chef de la Knesset, Amir Ohana, a laissé entendre mercredi que la coalition pourrait ne pas accepter un jugement de la Haute-cour qui viendrait invalider la loi sur la « raisonnabilité », avertissant qu’une telle décision pourrait « nous faire plonger dans l’abîme » et que la Knesset « n’acceptera pas docilement de se faire piétiner ».

« Israël est un pays démocratique et dans une démocratie, le peuple est le seul souverain. Dans un État démocratique, le système judiciaire respecte le souverain, à savoir le peuple et ses responsables élus et le respect est mutuel. Il n’y a pas de débat, et il ne peut y avoir de débat sur la question de savoir si la Knesset a donné l’autorisation à la Cour d’invalider les Lois Fondamentales », a-t-il déclaré, estimant que les juges ne détiennent pas un tel pouvoir.
Néanmoins, les critiques – qui sont descendus dans la rue dans le cadre d’un mouvement de protestation massif contre le plan de refonte judiciaire depuis 35 semaines consécutives – disent, de leur côté, qu’une Loi fondamentale peut être invalidée s’il est déterminé que les députés ont fait un mauvais usage de leur pouvoir en adoptant une loi pour servir des intérêts politiques ou personnels à court-terme.
Les organisations qui ont déposé des requêtes contre la loi sur la « raisonnabilité », devant la Haute cour, affirment que cette dernière peut potentiellement saper l’indépendance des agences chargées de faire appliquer la loi dans la mesure où sans cette notion juridique du « caractère raisonnable », il sera difficile de remettre en cause le limogeage arbitraire des fonctionnaires.
La Haute cour se penchera aussi sur des requêtes soumises contre le refus du ministre de la Justice, Yariv Levin, de convoquer la commission de sélection des juges, dont il cherche à changer la composition dans le cadre du plan de refonte de manière à ce que les politiques puissent contrôler la désignation des magistrats dans les tribunaux du pays.