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"Il y a toujours des solutions"

Une Juive crée son jardin d’Eden dans le sud de l’Angleterre

Inspirée par le temps passé au centre Isabella Freedman dans le Connecticut, la fondatrice de Sadeh, Talia Chain, pratique un judaïsme de la terre - et lutte pour l'environnement

  • Les participants à la ferme de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres (Autorisation)
    Les participants à la ferme de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres (Autorisation)
  • Talia Chain montre le secteur de la Havdalah de sa ferme juive de Sadeh, à côté de Londres, le 17 avril 2018 (Crédit :  Cnaan Liphshiz/JTA)
    Talia Chain montre le secteur de la Havdalah de sa ferme juive de Sadeh, à côté de Londres, le 17 avril 2018 (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)
  • La maison de Sadeh à Skeet Hill deviendra également bientôt un lieu de retraite pour les artistes et de méditation  (Autorisation)
    La maison de Sadeh à Skeet Hill deviendra également bientôt un lieu de retraite pour les artistes et de méditation (Autorisation)
  • La ferme de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres, est la seule ferme juive du pays (Autorisation)
    La ferme de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres, est la seule ferme juive du pays (Autorisation)
  • 'Tout le monde vient ici. Nous sommes l'un des seuls lieux transcommunautaires qui existent ici', dit Talia Chain de la ferme exploitée par de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres (Autorisation)
    'Tout le monde vient ici. Nous sommes l'un des seuls lieux transcommunautaires qui existent ici', dit Talia Chain de la ferme exploitée par de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres (Autorisation)

LONDRES — Skeet Hill House se trouve à dix minutes en voiture à peine du périphérique de Londres. Mais, niché dans un ensemble disparate de collines vallonnées et de petites fermes, c’est un monde à part.

Achetée par le Jewish Youth Fund en 1940 pour faire profiter les enfants du quartier East End de la capitale du bon air et de la vie à la campagne, elle accueille dorénavant la ferme juive.

Sadeh est né de l’imagination de Talia Chain, une « fille super-urbaine » comme elle se définit elle-même, qui a abandonné sa vie à Londres il y a trois ans pour réaliser son rêve et se reconnecter avec la terre – et avec sa foi juive. Son parcours, espère-t-elle, pourra peut-être encourager d’autres personnes à suivre le même chemin.

Pourtant très consciente des réalités du monde qui l’entoure – à l’université, Chain avait lancé une opération caritative de sensibilisation au trafic d’êtres humains par l’intermédiaire de l’art – elle admet tout de suite qu’elle ignorait tout dans le passé « en matière d’environnement et sur la planète ».

Tout a changé quand sa sœur lui a offert un exemplaire du best-seller écrit par Michael Pollan, journaliste au New York Times, sur l’origine de la nourriture : « Le Dilemme de l’omnivore ».

« J’ai été époustouflée. Je ne pouvais pas croire que j’étais restée dans l’ignorance de tout cela. J’aime tellement la nourriture, je suis juive », plaisante-t-elle. « Jamais je ne m’étais demandé d’où venait un concombre ou ce que c’était qu’une graine. Je n’étais pas allée dans un jardin depuis de longues années, et le grand air ne m’intéressait absolument pas ».

Talia Chain dans sa ferme de Sadeh, aux abords de Londres, le 17 avril 2018 (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

Lassée par son travail et son intérêt titillé, Chain a demandé à participer au projet agricole de l’Adamah Jewish Farming qui organise des stages trois fois par an au centre de retraite Isabella Freedman, dans le Connecticut.

Après des débuts plutôt difficiles – « Je suis arrivée en ne sachant faire qu’un brushing – je suis tellement londonienne » – Chain a commencé à trouver son rythme en trayant les chèvres, en ramassant les œufs des poules et en travaillant sur l’exploitation agricole.

« J’ai pleuré pendant une semaine, et puis j’ai pensé que c’était la meilleure chose qui m’était arrivée dans toute mon existence. C’était comme le jardin d’Eden », se souvient Chain.

Sa découverte d’un amour jusqu’alors inconnu pour la vie au grand air et l’activité physique n’a toutefois pas été simple. Elle a également découvert pour la première fois la notion d’un judaïsme prenant racine dans la terre.

Malgré une éducation juive rigoureuse, Chain s’était éloignée de la religion à l’université. « J’y avais découvert le féminisme : ça ne collait pas avec mon éducation orthodoxe. La religion ne m’accompagnait pas. Il y avait en moi un vide flagrant dans mon identité juive et dans ma vie parce que j’avais vraiment tourné le dos au judaïsme », explique-t-elle.

Mais, loin de chez elle, elle a trouvé une forme de judaïsme qui lui a correspondu. « Le judaïsme est une religion agricole », estime Chain. « Quand nous sommes partis en exil de la terre d’Israël, nous avons échangé nos pelles contre des livres de droit, parce que comment continuer une religion agricole sans terres ? Toutefois, un grand nombre de pratiques ont encore la terre pour base ».

De nombreux jeunes et groupes communautaires juives, de synagogues et d’école, ainsi que des locaux, visitent les structures de Skeet Hill, soit pour y mener leurs propres activités, soit pour participer aux programmes organisés par Sadeh (Autorisation)

« Ce judaïsme terrien entrevoit le judaïsme sous le prisme de la tutelle de la terre et du sol, depuis l’histoire de la création. Adam est placé au jardin d’Eden pour le garder, s’en servir, le cultiver. Et ça me parle vraiment », dit-elle.

De retour en Angleterre, Chain était déterminée à recréer ce qu’elle avait trouvé pendant sa retraite.

Elle a suivi des cours et réalisé des stages pour acquérir des compétences dans le secteur agricole, elle a levé 17 000 livres via une campagne de financement participatif et persuadé Skeet Hill House – découvert par hasard au cour d’une retraite – de l’autoriser à lancer une ferme juive sur la propriété.

« Au mois de janvier 2017, j’ai pris une fourche et j’ai commencé à faire du compost », s’amuse Chain.

Elle écarte d’un revers de la main l’évocation des difficultés qu’elle a rencontrées, affirmant que « je n’ai jamais eu le sentiment de relever un défi. Je savais seulement que ça se ferait. Il y a toujours des solutions ».

Avec l’aide de bénévoles et de visiteurs, la ferme s’est développée. Elle englobe aujourd’hui les fameux composts mais aussi des granges de fermentation, un verger et des serres.

Talia Chain montre le secteur de la Havdalah de sa ferme juive de Sadeh, à côté de Londres, le 17 avril 2018 (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

Chain montre avec enthousiasme les fruits de ses travaux – notamment des carottes et des choux-fleurs, des tournesols, des pois chiches, de l’ail, de la betterave, des herbes et des poireaux. Pendant l’été et en automne, il y aura des fruits et des baies. Situé dans le sud-est du Kent – la région brassicole de l’Angleterre – Chain espère pouvoir également bientôt se tourner vers la production de houblon à bière.

La jeune femme estime que l’alimentation et le combat pour une meilleure justice sociale et environnementale vont de pair.

La maison de Sadeh à Skeet Hill deviendra également bientôt un lieu de retraite pour les artistes et de méditation (Autorisation)

« Il y a tant de liens entre les deux », explique-t-elle. « Souvent, les personnes qui disposent de moins de revenus ont moins accès à des produits frais, biologiques – en particulier en ce qui concerne les légumes. Et finalement, ils n’ont droit qu’à des produits horribles, transformés, qui provoquent toutes sortes de problèmes de santé. Manger sain est un privilège. C’est une question sanitaire et une question de classe sociale. L’alimentation est politique ».

Mais Chain espère aussi que Sadeh pourra être une source d’inspiration pour ceux qui se sont éloignés de la vie juive.

« Année après année, il y a de moins en moins de gens qui font la démarche d’adhérer à une synagogue. Quels sont donc les nouveaux moyens intéressants de se relier à ses origines ? », interroge-t-elle. « Celui-ci est formidable parce qu’il n’implique pas de politique, de réformés ou d’orthodoxes. Il n’a rien à voir avec ça. On peut mettre au point une pratique personnelle en pratiquant ce judaïsme terrien. Il est pluraliste, et il n’y a donc pas lieu de se préoccuper des différences entre les uns et les autres : il suffit de se concentrer sur ce que nous avons en commun ».

Chain cite une étude réalisée par l’organisation caritative américaine Hazon, qui se consacre à l’environnement, et qui a mené une enquête en 2012 qui a établi qu’un tiers des personnes qui s’étaient désintéressées du judaïsme ont été amenés à y revenir par le biais de ses programmes agricoles et alimentaires.

Au mois de mars, Sadeh a pris le contrôle de Skeet Hill, une maison au style original, ancien refuge d’une veuve d’aristocrate, située à proximité de Lullingstone Castle. La gestion du domaine a permis à Chain de mettre davantage en accord les valeurs de la ferme et celles du centre de retraite. Elle a aussi ouvert l’exploitation à un bien plus grand nombre de visiteurs.

« Mon rêve, c’était de recréer le centre Isabella Freedman et aujourd’hui, j’en ai une mini-version », se réjouit Chain.

‘Tout le monde vient ici. Nous sommes l’un des seuls lieux transcommunautaires qui existent ici’, dit Talia Chain de la ferme exploitée par de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres (Autorisation)

Skeet Hill accueille aujourd’hui une grande diversité de jeunes et de groupes communautaires juifs, des congrégations et des écoles ainsi que des visiteurs locaux. Ils viennent pour utiliser la structure pour leurs propres activités ou pour participer aux programmes mis en place par Sadeh, qui ont pour objectif de promouvoir un changement environnemental positif à travers la culture de la terre et la sensibilisation à l’environnement. Les lieux accueilleront bientôt une retraite ouverte aux artistes juifs et des stages de méditation consciente, le week-end.

Chain est fière de la diversité des visiteurs – « Tout le monde vient ici. Nous sommes l’un des seuls lieux transcommunautaires qu’il y a », et elle est désireuse de continuer à raffermir cette renommée croissante.

La ferme de Sadeh à Skeet Hill, aux abords de Londres, est la seule ferme juive du pays (Autorisation)

« J’aime la communauté juive sous toutes ses formes et dans toute son ampleur », explique Chain.

« Le défi, pour nous, est de représenter une partie importante de ce qui constitue la communauté juive britannique. Je veux que nous soyons connus pour qui nous sommes, pour nos valeurs, nos positionnements et montrer qu’ils représentent une part significative de la communauté juive. Nous sommes les seul ferme et centre de retraite juifs. On doit créer le lien avec l’idée même de communauté juive britannique, pour que les gens viennent nous voir de toute l’Europe. On en est encore qu’au début, mais j’ai le sentiment qu’on va y arriver ».

Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là. Elle espère que les visiteurs de Sadeh quitteront les lieux en se demandant comment ils peuvent aider à créer un monde plus sain et durable.

« Tout le monde a besoin d’une source d’inspiration », dit-elle. « Il ne faut pas se contenter de venir ici. Il faut venir ici et se dire : ‘Qu’est-ce que j’ai appris ? Que faut-il que je change dans mon existence ? »

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