Washington appelle Abbas à renforcer la présence sécuritaire de l’AP en Cisjordanie
La proposition de Blinken prévoit la création d'équipes palestiniennes qui opéreraient à Jénine et Naplouse, où les raids de Tsahal suscitent une opposition de plus en plus violente
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
L’administration Biden fait pression sur Ramallah pour que soit adopté un plan visant à renforcer la présence sécuritaire de l’Autorité palestinienne (AP) dans le nord de la Cisjordanie, où les combats entre les forces israéliennes et les groupes armés locaux sont de plus en plus meurtriers.
La proposition a été évoquée par le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors de sa rencontre avec le président de l’AP Mahmoud Abbas à Ramallah mardi, ont déclaré deux responsables américains et palestiniens, confirmant une information d’Axios.
Ces derniers mois, l’AP a vu son contrôle sur des pans de plus en plus importants de la Cisjordanie se déliter, notamment dans les villes du nord de la Cisjordanie comme Jénine et Naplouse. Israël affirme qu’en conséquence, il a été contraint d’envoyer ses propres troupes dans ces zones – qui, selon les accords d’Oslo, sont censées être sous le contrôle total de l’AP – pour procéder à des arrestations de personnes soupçonnées d’atteinte à la sécurité.
Dans le passé, des raids similaires ont pu être menés par l’AP, qui a maintenu une coopération en matière de sécurité avec les forces de défense israéliennes jusqu’à la semaine dernière.
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De nombreux raids israéliens ont déclenché des affrontements de plus en plus violents avec des Palestiniens armés frustrés par les incursions israéliennes et la volonté de l’AP de coopérer.
Selon un haut fonctionnaire israélien, certains membres des forces de sécurité de l’AP ont commencé à vendre des munitions et des armes à des combattants dans toute la Cisjordanie afin de gagner leur vie au regard de la précarité financière de Ramallah.
Le plan prévoit la création d’équipes d’intervention de la police civile de l’AP à Jénine et à Naplouse afin de rétablir le contrôle de l’AP dans la région. Il chercherait à réduire les frictions entre la police de l’AP et les civils palestiniens en déployant la police civile pour opérer et procéder aux arrestations au lieu des forces paramilitaires habituellement utilisées, selon une source familière avec le sujet.
Si Abbas n’a pas donné de réponse définitive à Blinken concernant la proposition, les responsables de l’AP ont répondu froidement jusqu’à présent, déplorant le fait qu’elle ne comprenne pas l’engagement d’Israël à cesser les raids dans la zone A de la Cisjordanie contrôlée par l’AP, a déclaré un responsable palestinien.
Le responsable a ajouté que le recrutement d’une telle force serait également difficile dans un contexte de frustration croissante du public à l’égard de l’AP. Israël, quant à lui, soutient le plan américain, selon Axios.
Abbas a déclaré la semaine dernière que l’AP mettait fin à la coordination de la sécurité avec Israël en réponse à un raid de Tsahal dans le camp de réfugiés de Jénine qui a fait neuf morts palestiniens, l’opération la plus meurtrière depuis des années.
Huit morts étaient des membres des groupes terroristes du Jihad islamique et du Hamas, mais une femme de 61 ans a également été tuée et une douzaine d’autres civils ont été blessés, selon le ministère de la Santé de l’AP.
Dimanche, le chef de l’AP a semblé revenir sur le gel, en déclarant au directeur de la CIA, Bill Burns, que les liens de sécurité n’avaient été que partiellement coupés et que le partage des renseignements s’était poursuivi parallèlement à l’arrestation par l’AP de suspects de terrorisme, a déclaré au Times of Israel un fonctionnaire au fait de la question.
Le raid anti-terroriste de Jénine et l’attentat terroriste palestinien perpétré le lendemain devant une synagogue de Jérusalem-Est, qui a fait sept morts israéliens, dont un adolescent de 14 ans, ont fini par modifier les priorités de Blinken pour son voyage dans la région, qui s’est achevé mardi. En réponse au paroxysme de la violence, le secrétaire d’État a placé le rétablissement du calme entre Israéliens et Palestiniens en tête de son programme, selon un haut fonctionnaire américain.
Le plan visant à renforcer la présence sécuritaire de l’AP dans le nord de la Cisjordanie a été élaboré par le coordinateur américain de la sécurité à Jérusalem, Mike Fenzel, l’année dernière, ont indiqué les responsables américains et palestiniens.
Au cours de sa visite dans la région, Blinken a également réitéré l’opposition des États-Unis à l’expansion des implantations israéliennes, à la légalisation des avant-postes illégaux, aux démarches en faveur de l’annexion de la Cisjordanie, aux démolitions de maisons, aux expulsions, à la violence des résidents d’implantations et aux perturbations du statu quo sur le mont du Temple de Jérusalem, et que l’administration prendrait des mesures si ces actions se poursuivaient.