20 ans après son retrait du Liban, Israël fait face à un Hezbollah renforcé
L'armée s'efforce d'empêcher le groupe terroriste, soutenu par l'Iran, de se doter de missiles de précision guidés et d'établir un nouveau front à la frontière du Golan

Vingt ans après qu’Israël s’est retiré du sud-Liban, l’ennemi qu’il y a combattu – le Hezbollah soutenu par l’Iran – est plus fort que jamais, renforcé par son expérience de soutien au régime syrien, élargissant ses opérations à la frontière du Golan syrien et amassant toujours plus d’armes puissantes en vue d’une future guerre avec l’État hébreu.
Parallèlement, ce qui n’était autrefois qu’une petite milice de guérilla et qui est aujourd’hui devenu un acteur majeur de la politique libanaise, a endossé d’importantes responsabilités dans le pays et fait face à une crise économique, à la colère d’une population écrasée par une situation financière catastrophique, causée par des décennies de mauvaise gestion gouvernementale et de corruption. L’assassinat par les Américains de Qassem Soleimani, le général iranien à l’origine des activités expansionnistes de la République islamique, a également secoué Téhéran et ses alliés alors qu’ils cherchent à remplacer l’irremplaçable.
La semaine dernière, l’armée a également confirmé partiellement les affirmations d’un responsable de la défense israélien faites au début du mois, selon lesquelles l’Iran commençait à se retirer de Syrie, parce qu’il est visé par des frappes israéliennes. L’armée a cependant déclaré que si les forces iraniennes et leurs alliés quittaient le pays, ce n’était pas nécessairement le résultat de ses frappes aériennes, mais plutôt la conséquence d’une accalmie générale dans les combats de la guerre civile couplée à la pression exercée sur Téhéran et au vu de la crise économique et de l’épidémie du coronavirus qui a fait des milliers de morts dans le régime islamique.
Par conséquent, l’armée israélienne ne pense pas que le Hezbollah souhaite une guerre pour le moment (et Jérusalem non plus), mais si, ou plutôt quand ce conflit surviendra, ce sera catastrophique, aussi bien pour Israël – qui subira des attaques transfrontalières et des tirs de barrages d’une ampleur encore jamais vue – et pour le Liban, notamment les secteurs utilisés par le Hezbollah comme couverture pour ses attaques et ses opérations, qui seront rasés pas l’aviation israélienne, l’artillerie et les forces terrestres.
Mais Israël n’est pas resté les bras croisés alors que le Hezbollah se renforçait. Pendant la phase que l’armée appelle « l’entre-deux-guerres », elle a mené des frappes en Syrie pour contrer les efforts ourdis par l’Iran pour acheminer des armes sophistiquées ; découvert et ciblé les opérations du groupe dans le plateau du Golan syrien et travaillé sur le plan diplomatique et militaire pour empêcher la branche armée du groupe terroriste de fabriquer des missiles guidés de précision au Liban.

En décembre 2018, l’armée a aussi découvert et détruit six tunnels du groupe terroriste. Israël affirmait que le Hezbollah avait l’intention de les utiliser dans le cadre d’une attaque-surprise visant à prendre le contrôle du secteur nord de la Galilée, tuer des civils, semer le chaos, planter un drapeau du groupe, et filmer le tout pour un effet de propagande maximale. Bien que les projets du Hezbollah de conquérir la Galilée soient toujours d’actualité, l’armée pense qu’en privant le groupe de ces tunnels, et de la capacité à les utiliser pour une attaque surprise, elle a mis des bâtons dans les roues de l’organisation et a pu reporter cette incursion.

Même si un conflit direct ne semble pas pour le moment en vue, Tsahal pense que celui-ci pourrait être provoqué – même si ce n’est pas dans le meilleur intérêt des deux parties – par une erreur de calcul de part et d’autre du front, qui engendrera une riposte, qui engendrera elle-même une riposte et ainsi de suite, pour finir en guerre ouverte.
Cela pourrait survenir après une attaque israélienne contre le Hezbollah en Syrie, qui tuerait de nombreux agents du groupe, ou un agent important en particulier, ou à la suite d’une attaque du Hezbollah qui tuerait de nombreux civils ou soldats israéliens. Cela n’a pas empêché l’armée de mener des frappes en Syrie, mais cela demande une vigilance constante de la part de Tsahal qui doit réfléchir au rapport risques/bénéfices de chacune de ses actions.
De l’autre côté, des craintes similaires n’ont pas empêché le Hezbollah de mener lui aussi des frappes contre Israël, notamment en septembre dernier avec un tir de missile qui a failli tuer cinq soldats israéliens. Un échec davantage dû à une coïncidence qu’à une action délibérée de l’armée israélienne.

Si ces derniers mois ont été marqués par une hausse de l’activité le long de la « Ligne bleue » qui sépare Israël du Liban – une frontière officieuse mais reconnue à l’international – l’armée estime que le climat à la frontière est relativement calme. A l’exception de deux choses, les incidents n’impliquent pas directement le Hezbollah – ou le terrorisme : de nombreuses tentatives de contrebande de drogue vers Israël, d’infiltration de migrants à la recherche d’un emploi, et au moins une tentative de contrebande d’armes… autant d’incidents de nature criminelle.
Si la contrebande de drogue à la frontière, qui a pris de l’ampleur depuis le début de l’effondrement économique du Liban, n’est pas nécessairement lié au Hezbollah, le groupe est connu pour obtenir ses fonds pour son activité terroriste en fabriquant et en vendant de la drogue dans le monde entier.
En général, les militaires pensent que cette augmentation du trafic et des infiltrations le long de la frontière est due au fait que le Hezbollah ferme les yeux sur ce qui se passe là-bas, soit par indifférence, soit par incapacité logistique à garder les choses sous contrôle.
Le premier incident clairement lié au Hezbollah s’est produit le mois dernier, lorsque Israël a rapporté que des agents du groupe avaient fait trois trous dans la clôture frontalière, y jetant des objets suspects, en guise de représailles apparentes d’une attaque aérienne effectuée quelques jours auparavant sur un véhicule du Hezbollah en Syrie et attribuée à Israël. Le Hezbollah n’a jamais officiellement assumé la responsabilité de cette menace tacite, qui a démontré sa capacité à franchir la barrière et à entrer en Israël.

La seconde a eu lieu le dimanche lorsqu’un berger est entré dans la zone de Har Dov, ou les fermes de Shebaa, avec un talkie-walkie, car il effectuait apparemment une surveillance pour le compte du Hezbollah. Lorsque des soldats sont arrivés sur les lieux pour l’arrêter, en tirant en l’air, l’homme, qui n’était pas armé, se serait comporté de manière suspecte et l’un des soldats aurait ouvert le feu sur lui, le blessant mortellement, selon les militaires.
Mais même ces incidents irréguliers ne sont pas considérés comme étant hors normes pour une frontière avec un pays officiellement hostile, où Tsahal sait que le Hezbollah surveille constamment ses mouvements et ses activités, en utilisant des agents basés au sol, les sites d’une organisation environnementale et prétendument les propres tours de guet des forces armées libanaises.
Le Hezbollah se renforce et se ramifie
Le Hezbollah a été formé au début des années 1980 avec l’aide de l’Iran pour contrer et harceler Israël, qui a occupé le sud du Liban après la première guerre du Liban de 1982 menée contre les groupes terroristes palestiniens qui s’étaient installés dans la région et y organisaient régulièrement des raids transfrontaliers meurtriers.
Au fil des ans – et grâce à l’entraînement, au financement et au soutien de l’Iran – le groupe terroriste est passé d’une petite milice qui utilisait des armes à feu et des bombes rudimentaires pour tuer les troupes israéliennes et les collaborateurs libanais, en une organisation terroriste plus puissante pourvue de milliers de roquettes qu’elle faisait pleuvoir sur le nord d’Israël et des missiles antichars guidés perfectionnés qu’elle tirait sur les positions de l’armée israélienne au Sud-Liban. Aujourd’hui, elle est devenue une armée internationale disposant d’un plus grand arsenal et d’une plus grande expérience du combat en situation réelle que de nombreuses armées d’État conventionnelles.

Déjà un ennemi sérieux, le Hezbollah collabore avec l’Iran et la Syrie dans deux domaines qui sont des sources de préoccupation majeure pour Tsahal : l’établissement d’un front contre Israël le long de la frontière du Golan, avec l’aide des militaires du dictateur syrien Bashar el-Assad, et l’acquisition de quantités importantes de missiles à guidage de précision.
L’année dernière, Tsahal a révélé l’existence du « dossier Golan » du Hezbollah, un projet visant à établir un front le long du plateau du Golan syrien, après que la région a été reprise par le régime à la suite de la victoire militaire d’Assad à l’été 2018.
Après avoir initialement indiqué que le président syrien n’était pas au courant des activités du Hezbollah sur place, Tsahal affirme maintenant que son armée – en particulier son 1er corps d’armée, qui dispose de cinq divisions – non seulement est au courant des opérations du groupe terroriste dans le sud de la Syrie, mais coopère activement avec lui.
On a pu le constater le 2 mars, lorsque Tsahal a déclaré avoir déjoué une attaque de sniper que des agents du Hezbollah avaient l’intention de mener avec l’aide de l’armée syrienne.
Bien que Tsahal reste généralement muette sur les détails de ses efforts pour empêcher le Hezbollah d’établir un front le long de la frontière du Golan, elle est claire sur le fait qu’il s’agit bien de son objectif.

L’armée espère empêcher une situation dans le sud de la Syrie comme celle en vigueur dans le sud du Liban, où le Hezbollah maintient une présence importante, qu’il pourrait utiliser pour mener une guerre meurtrière contre Israël avec les résidents civils de la région comme bouclier humain.
L’autre grand sujet de préoccupation pour Tsahal est le projet de missiles de précision du groupe, dont le but est soit de convertir les stocks massifs de roquettes existants du Hezbollah en missiles avancés, soit de fabriquer de tels missiles.
Ces armes sont considérées comme une menace bien plus grande que l’arsenal actuel du Hezbollah, déjà inquiétant, qui compte environ 130 000 roquettes et missiles.
Les armes existantes du groupe, qui n’ont pas de système de guidage, sont considérées comme des roquettes « statistiques », car un grand nombre d’entre elles doivent être tirées sur une cible donnée afin de s’assurer qu’au moins une la touchera. Cela signifie que les défenses aériennes israéliennes n’ont pas besoin d’intercepter chaque projectile entrant car la plupart atterriront sans danger dans des zones non peuplées. Les missiles de précision, en revanche, sont beaucoup plus précis, de sorte que même si les batteries de défense aérienne israéliennes en abattent 99 %, le 1 % restant atteindra presque certainement une cible, que ce soit une installation militaire, une plate-forme d’extraction de gaz naturel ou un immeuble résidentiel.

Tsahal aurait œuvré pour empêcher le développement et la production de ces armes sur le plan militaire, avec une attaque de drones à Beyrouth en août dernier et des frappes aériennes en cours en Syrie. Mais Israël a également agi sur le plan diplomatique, envoyant des messages clairs au gouvernement libanais – y compris ces dernières semaines – qu’il s’agit d’une « ligne rouge » qu’Israël n’acceptera pas et qu’il prendra des mesures pour les empêcher, en espérant que cela obligera Beyrouth à freiner les efforts du Hezbollah. Israël a également identifié les noms des personnes qui, selon lui, sont impliquées dans le projet, ainsi que les sites qui seraient utilisés pour développer ces armes.
Tsahal se prépare aussi
En plus d’essayer d’affaiblir le Hezbollah, Tsahal s’efforce également de se renforcer face à la possibilité d’une future guerre avec le groupe terroriste, avec des exercices majeurs simulant un tel conflit et un plan pluriannuel appelé Momentum qui vise à préparer spécifiquement l’armée au type de combat auquel elle s’attend.

La stratégie globale de l’armée consiste à tirer parti des domaines dans lesquels elle fait montre d’une nette supériorité sur le Hezbollah – à savoir le renseignement et la puissance aérienne – et à les utiliser au maximum pour mettre rapidement fin à une guerre, étant entendu que plus un conflit s’éternise, plus il y aura de tirs de roquettes sur Israël.
Pour s’assurer que les soldats qui prendraient part à une telle guerre sont à la hauteur de la tâche, le Commandement Nord de Tsahal a également procédé à un examen de l’état de préparation de chacune de ses unités de conscrits – mais pas encore de ses unités de réserve – un processus qu’il espère terminer dans l’année.
Toutefois, certains aspects du plan Momentum, qui prévoit des acquisitions importantes de nouveaux équipements et de nouvelles technologies, pourraient être mis en veilleuse en raison de la crise économique qui se développe dans le pays.
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