23e semaine : Les manifestations de masse contre la réforme se poursuivent
Entre 74 000 à 80 000 personnes ont participé au principal rassemblement de Tel Aviv avant le vote clé sur le panel de sélection des juges prévu mercredi
Des manifestations hebdomadaires contre le projet du gouvernement de réformer le système judiciaire ont eu lieu pour la 23e semaine consécutive samedi soir, à quelques jours d’un vote crucial de la Knesset sur la composition de la commission de sélection des juges.
La télévision israélienne a estimé qu’entre 74 000 et 80 000 personnes ont participé au rassemblement principal rue Kaplan à Tel Aviv, tandis que les organisateurs ont revendiqué une participation d’environ 100 000 personnes, ainsi que des milliers d’autres dans quelque 150 endroits du pays, donnant ainsi le coup d’envoi à la 23e semaine de manifestations consécutives contre le processus législatif actuellement suspendu. La semaine dernière, le rassemblement de Tel Aviv avait attiré entre 95 000 et 140 000 personnes, et les semaines précédentes, quelque 200 000 personnes s’étaient rassemblées.
La plupart des manifestations de samedi soir, y compris celle de Tel Aviv, ont commencé par une commémoration silencieuse des dernières victimes de la vague de criminalité en hausse dans la communauté arabe, qui a coûté la vie à 102 personnes depuis le début de l’année, dont dix au cours des trois derniers jours.
Lors du rassemblement principal, rue Kaplan, les manifestants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « citoyen de classe morte », ce qui, en hébreu, ressemble à « citoyen de seconde zone », en référence à la communauté arabe.
Après les discours prévus, un petit groupe de manifestants s’est dirigé vers l’autoroute Ayalon et a brièvement bloqué la circulation en direction du sud sur la principale artère de la ville. La police a évacué les manifestants peu de temps après.
À Haïfa, l’ancien Premier ministre Ehud Barak a appelé à un soulèvement civil non violent contre le gouvernement.
איילון דרום נחסם pic.twitter.com/FbDGRexO0W
— Tomer Appelbaum (@tomerappelbaum) June 10, 2023
« Nous sommes déterminés et nous sauverons la démocratie. [Le Premier ministre Benjamin] Netanyahu comprend que s’il tente à nouveau de [faire passer la réforme], il se heurtera à un mur de fer », a déclaré Barak.
« Nous n’avons pas encore gagné la guerre. Ce n’est pas le moment de prendre une pause. Nous ne devons pas nous faire d’illusions. Nous devons intensifier la protestation et mettre fin immédiatement aux négociations », a déclaré Barak, faisant référence aux pourparlers de compromis entre la coalition et l’opposition qui se déroulent actuellement sous les auspices du président Isaac Herzog.
« La protestation doit s’intensifier et se transformer en un soulèvement civil, une désobéissance civile non violente », a-t-il ajouté.
Katalin Törley, leadeuse du mouvement de la contestation hongroise, a pris la parole lors d’une manifestation à Modiin et a comparé l’érosion de la démocratie dans son pays d’origine à ce que les manifestants israéliens avertissent que le gouvernement tente de faire dans l’État juif.
« Près d’un [million] des 10 millions de Hongrois ont quitté la Hongrie », a-t-elle déclaré. « De nombreux grands-parents ne voient leurs petits-enfants que sur un écran. Les parents et les amis d’Orban remportent les appels d’offres du gouvernement, et les prix des denrées alimentaires ont augmenté de plus de 40 % au cours de l’année écoulée. Ne laissez pas cela vous arriver. »
Törley a relevé de nombreux domaines dans lesquels les libertés civiles en Hongrie ont été mises à mal par le Premier ministre Viktor Orban – liberté académique, santé publique, éducation publique, droits des femmes, et droits de manifester entre autres. Elle a également déclaré que pendant des années, les protestations publiques n’ont attiré que des secteurs spécifiques lésés par certaines mesures.
צפו בנאום של קטה טורלי
Kata Törley ????????
ממובילות המחאה בהונגריה! שנאמה הערב בהפגנה במודיעין – נאום חשוב ומעניין באנגלית שכלל השוואה במחאה בין המדינות – נאום שהסתיים כשאמרה בעברית ״אין לכם ארץ אחרת״ ✊????????
צפו ושתפו! pic.twitter.com/4pTPhqKs73— ???????? איתי אלמוג-בר Itay Almog Bar (@itay_almog_bar) June 10, 2023
« Ici, je vois de nombreuses couleurs réunies. Je vous vois manifester ensemble avec des t-shirts rouges, bleus, verts et bien d’autres. Continuez ainsi – la solidarité est votre force. Ne laissez pas le pouvoir vous monter les uns contre les autres », a-t-elle déclaré.
« Cela fait plus de sept ans que je participe aux manifestations en tant qu’activiste, et la situation ne fait qu’empirer, elle est de plus en plus désespérée. On peut légitimement se demander pourquoi je n’ai pas encore abandonné. Ma réponse est simple : pour moi, protester et défendre ma dignité professionnelle et humaine est une question morale… Il ne faut pas seulement regarder les résultats immédiats, ni les objectifs. Le plus important est de conserver sa dignité et sa fierté et de montrer l’exemple. »
Mercredi, la Knesset votera pour nommer deux députés à la commission de sélection des juges, composée de neuf membres et présidée par le ministre de la Justice, Yariv Levin (Likud). La coalition a menacé de prendre deux sièges de la commission, rompant ainsi avec la tradition.
Les dirigeants de l’opposition ont déclaré que si la coalition menait à bien ses projets, cela signifierait la fin des négociations de compromis.
La composition de la commission de sélection des juges est au cœur des efforts déployés par la coalition pour accroître considérablement le contrôle politique sur le système judiciaire. Un projet de loi clé du plan de réforme remodèlerait la commission et donnerait au gouvernement une majorité automatique, lui conférant le pouvoir de déterminer la plupart des nominations judiciaires.
Ce projet de loi est sur le point d’être adopté et pourra être soumis au vote final de la plénière de la Knesset à tout moment. Cependant, une telle action est presque certaine de conduire à une reprise d’une intense opposition publique, telle qu’on l’a vue pour la dernière fois avant que le processus législatif ne soit gelé.
Le processus législatif sur la réforme du système judiciaire est suspendu depuis la fin du mois de mars, lorsque Netanyahu a déclaré qu’il l’interrompait afin de permettre des discussions avec l’opposition, dans le but de trouver un compromis largement accepté.
Mais les mois de discussions n’ont toujours pas abouti, et la pression s’est accrue au sein de la coalition pour reprendre le processus législatif.
Le mois dernier, après l’adoption du budget de l’État, Netanyahu a déclaré que la réforme était « bien sûr » à nouveau à l’ordre du jour. « Nous poursuivrons bien sûr nos efforts pour parvenir à un large consensus, dans la mesure du possible, sur la question de la réforme judiciaire », avait-il toutefois ajouté.
Les opposants à la réforme estiment qu’elle privera la Haute Cour de justice de son pouvoir de contrôle et d’équilibre face au Parlement, ce qui érodera dangereusement le caractère démocratique d’Israël et laissera les minorités sans protection. Les partisans affirment que la législation est nécessaire pour maîtriser ce qu’ils considèrent comme un système judiciaire trop envahissant.