26e semaine de manifestation anti-réforme, la participation augmente
Les organisateurs estiment que quelque 150 000 personnes se sont rassemblées à Tel Aviv, alors que le gouvernement poursuit son plan controversé
Le 26e week-end de manifestations nationales en Israël contre les efforts du gouvernement pour remanier le système judiciaire a attiré des milliers de personnes dans les rassemblements organisés dans tout le pays, alors que la coalition poursuivait son plan visant à limiter le contrôle judiciaire des décisions du gouvernement.
La police s’attendait à une participation accrue, car les négociations entre la coalition et l’opposition ont échoué et la lutte contre le remaniement du système judiciaire a recommencé à s’intensifier.
La principale manifestation s’est déroulée, comme d’habitude, dans la rue Kaplan à Tel Aviv. Crowd Solutions, partenaire de la Treizième chaîne, a estimé le nombre de participants à 130 000, tandis que les organisateurs l’ont estimé à 150 000. Au niveau national, les organisateurs ont revendiqué une participation de quelque 286 000 personnes.
Avant même que le rassemblement de Tel Aviv ne commence officiellement, certains manifestants sont descendus sur l’autoroute Ayalon et ont brièvement bloqué la circulation en direction du sud près de l’échangeur HaShalom. En dégageant la route, la police a arrêté deux personnes pour trouble à l’ordre public.
Après le rassemblement, les manifestants ont à nouveau bloqué l’autoroute, cette fois dans le sens nord.
Un autre manifestant a été arrêté pour avoir prétendument attaqué d’autres manifestants au cours d’une échauffourée, a indiqué la police. Des images publiées en ligne ont montré des membres du groupe de protestation « Frères et sœurs en armes », représentant des vétérans de l’armée israélienne, se heurtant à un groupe de manifestants qui dénonçaient la domination militaire exercée par Israël sur la Cisjordanie depuis des dizaines d’années, et un membre de ce dernier groupe a été arrêté.
After members of “Brothers In Arms” attacked the anti occupation block, the police chose to arrest one of the activists from the block pic.twitter.com/mOaEL6q0Wd
— Oren Ziv (@OrenZiv_) July 1, 2023
Le maire de Tel Aviv, Ron Huldaï, Moran Zer Katzenstein, cheffe de fil du mouvement de protestation des femmes qui a été arrêtée par la police jeudi, et l’entrepreneur technologique et leader de la protestation Moshe Radman ont pris la parole lors de la principale manifestation. L’événement était animé par Orly Barlev, activiste et journaliste anti-réforme.
Huldaï a profité de son discours pour dénoncer les mesures prises par le gouvernement en matière de religion et d’État, notamment le fait que le député d’extrême-droite Avi Maoz, du parti ultra-conservateur anti-LGBTQ Noam, se soit vu confier le contrôle des programmes scolaires externes.
« Vous ne nous dicterez pas ce qu’est le judaïsme et comment nous devons le vivre. Votre judaïsme n’est pas le nôtre. Vous avez oublié ce que c’est que d’être juif à Huwara et à Umm Safa », a déclaré Huldaï, faisant référence à deux villages palestiniens de Cisjordanie qui ont été le théâtre de saccages par des résidents d’implantations extrémistes suite à des attentats terroristes.
« Vous avez oublié ce que c’est que d’être juif en évitant de participer à la [charge militaire nationale]. Vous avez oublié ce que c’est que d’être juif en persécutant la communauté LGBTQ », a-t-il déclaré, soulignant le faible taux d’enrôlement dans l’armée au sein de la communauté haredi.
Il a également paraphrasé un commentaire à chaud bien connu et très critiqué du Premier ministre Benjamin Netanyahu en 1997, selon lequel « la gauche a oublié ce que cela signifie d’être juif ».
Des manifestations ont également eu lieu dans quelque 150 autres endroits du pays, dont plus d’un millier près de la résidence présidentielle à Jérusalem.
Lors de la manifestation à Jérusalem, le rabbin Shlomo Brin, de la yeshiva Har Etzion à Alon Shvut, a condamné les attaques de résidents d’implantations contre des Palestiniens innocents, les qualifiant de « tache morale » sur Israël.
Il a également déclaré que le fait d’avoir remporté les élections ne donnait pas à la coalition le droit de modifier la nature démocratique d’Israël.
« Il y a peut-être des domaines dans lesquels le système judiciaire doit être réformé », a-t-il déclaré. « Mais cela ne peut se faire qu’avec un large accord… Nous nous battrons pour notre voie et nous écouterons l’autre partie. »
« Pas avec de la haine ni avec de la violence », a-t-il insisté. « Avec l’amour, nous réussirons. Avec l’amour, nous gagnerons. »
S’exprimant lors d’une manifestation à Raanana, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a qualifié de « mensonges éhontés » les affirmations de la coalition selon lesquelles des accords avaient été conclus sur certaines questions au cours des pourparlers de compromis tenus depuis plusieurs mois avec la médiation du président Isaac Herzog.
Samedi, 270 membres du personnel académique de l’Institut Weizmann ont signé une déclaration publique soutenant les manifestations contre le remaniement. « Tant que cette arme sera pointée contre le public, nous continuerons à protester contre le gouvernement par tous les moyens légaux possibles. Tant que vous continuerez à vous battre contre le public que vous êtes censés servir, vous serez accueillis avec hostilité par le public. »
Dans une déclaration précédant les rassemblements, les organisateurs de la manifestation ont cité les mesures prises par la coalition radicale de Netanyahu pour limiter les manifestations près des domiciles des députés, ainsi que les appels lancés par les ministres en faveur d’une augmentation des arrestations et des poursuites judiciaires à l’encontre de ceux qui bloquent les routes et l’aéroport.
« Le gouvernement a l’intention de limiter la liberté d’expression ainsi que notre droit de manifester, et nous constatons que des mesures policières sont prises à l’encontre d’éminents manifestants qui s’opposent au régime », peut-on lire dans la déclaration.
« Toutes ces mesures n’existent que dans les régimes dictatoriaux. Cela prouve sans l’ombre d’un doute à tous ceux qui en étaient encore pas sûrs qu’Israël est au cœur d’une tentative de coup d’État de la pire espèce », ont déclaré les dirigeants de la manifestation.
« Le moment est venu de sortir et de résister par tous les moyens légaux et non violents possibles », peut-on lire dans la déclaration.
Outre la détention d’un certain nombre de manifestants de premier plan cette semaine, notons la création d’un groupe de travail officiel par le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, pour examiner si l’ancien Premier ministre Ehud Barak et l’ancien député du Meretz, Yaïr Golan, peuvent être inculpés d’incitation pour des commentaires encourageant les protestations, notamment par des moyens illégaux.
Si les manifestants s’étaient quelque peu calmés au cours des derniers mois, alors que le processus législatif de la réforme du système judiciaire était en pause, les organisateurs ont déclaré que, maintenant que le gouvernement recommence à aller de l’avant avec certains des éléments les plus controversés du plan, ils allaient redoubler d’efforts.
Les manifestants se préparent également à manifester devant le terminal principal de l’aéroport Ben Gurion cette semaine.
Les organisateurs ont appelé les manifestants à se déplacer en convois et à se rassembler devant le Terminal 3 de l’aéroport Ben Gurion à 17h30 lundi.
Ils ont déclaré que l’aéroport avait été choisi comme lieu de manifestation car il « symbolise le fait qu’Israël est une nation libérale et démocratique florissante ».
L’année scolaire étant terminée, on s’attend à ce que l’aéroport connaisse une nette hausse du trafic alors que les familles partent en vacances d’été et que les touristes arrivent.
Les organisateurs de la manifestation ont déclaré qu’ils ne souhaitaient pas perturber les projets des voyageurs et leur ont conseillé d’éviter d’arriver à l’aéroport en voiture et de prendre plutôt le train. Il a été demandé aux participants d’essayer de ne pas gêner le public qui cherche à se rendre à l’aéroport, et de ne bloquer que le trottoir à l’extérieur du terminal, plutôt que les routes.
Netanyahu, qui a été contraint au début de l’année de prendre un hélicoptère pour se rendre à l’aéroport afin de prendre un vol pour l’étranger parce que des manifestants avaient bloqué les routes, a reproché la semaine dernière aux autorités judiciaires de ne pas poursuivre les manifestants qui bloquaient l’accès à l’aéroport.
Les manifestations se sont intensifiées alors que la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset s’est réunie mardi pour de nouvelles délibérations sur un projet de loi visant à empêcher les juges d’exercer un contrôle judiciaire sur le critère de « caractère raisonnable » des décisions du gouvernement.
Les membres de la coalition ont promis d’adopter une telle législation avant les congés d’été de la Knesset, qui débuteront dans un mois.
Par ailleurs, Netanyahu a déclaré que son gouvernement prendrait ultérieurement des mesures pour remodeler la puissante commission de sélection des juges, bien qu’il ait ajouté que ces mesures prendraient une forme différente de celle initialement prévue par le ministre de la Justice Yariv Levin, qui souhaitait exercer un contrôle politique total sur le processus.
Vendredi, les opposants à la réforme judiciaire du gouvernement se sont rassemblés devant les domiciles de plusieurs ministres.
Jeudi, Netanyahu, Levin et Ben Gvir ont critiqué les hauts responsables de l’application de la loi lors d’une réunion visant à discuter des rassemblements devant les domiciles des députés de la coalition.
Les trois ministres ont encore accusé la procureure générale Gali Baharav-Miara de négligence lors d’une réunion à huis clos consacrée aux manifestants qui se sont installés devant les domiciles des députés de la coalition et dont les médias israéliens ont largement rendu compte.
Ben Gvir, qui a exhorté la police à faire preuve de plus de fermeté à l’égard des manifestants, a demandé à Baharav-Miara et au procureur Amit Aisman de présenter les actes d’accusation déposés à l’encontre des manifestants au cours des six derniers mois.
En outre, des centaines de réservistes militaires – dont beaucoup appartiennent à des unités d’élite – ont déclaré qu’ils ne se porteraient plus volontaires si la réforme largement controversée était adoptée.