Israël en guerre - Jour 500

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Reportage

A Abu Dis, l’idée de devenir la capitale de la « Palestine » est jugée « absurde »

Pour le maire du quartier situé près de Jérusalem, le plan de Trump n'a aucun sens pratique ; un militant s'inquiète du sort des résidents vivant au-delà de la barrière de sécurité

Le maire Ahmad Abu Hilal sur le toit d'un bâtiment à côté de la barrière de sécurité à Abu Dis, le 3 février 2020. (Adam Rasgon/Times of Israel)
Le maire Ahmad Abu Hilal sur le toit d'un bâtiment à côté de la barrière de sécurité à Abu Dis, le 3 février 2020. (Adam Rasgon/Times of Israel)

ABU DIS – Abu Dis était autrefois étroitement lié au centre de Jérusalem. Ses habitants se rendaient en voiture dans la Vieille Ville et ses quartiers environnants pour faire du shopping, prier, se faire soigner et assister à des événements culturels.

Mais une fois qu’Israël a construit la barrière de sécurité suite à une série d’attentats suicides à la bombe visant les Israéliens pendant la seconde Intifada au début des années 2000, ses habitants ont été coupés des principaux quartiers de la ville. Aujourd’hui, un trajet entre le quartier et la Vieille Ville dure généralement entre 35 et 45 minutes et nécessite d’emprunter un itinéraire détourné.

Dans son plan récemment dévoilé pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien, l’administration Trump a désigné Abu Dis comme l’un des quelques quartiers de la périphérie de Jérusalem – tous situés à plusieurs kilomètres de la Vieille Ville – pouvant constituer la capitale d’une future « Palestine ».

De nombreux habitants d’Abu Dis ont cependant rejeté le plan américain lundi, arguant que le cœur de la capitale palestinienne devrait se trouver dans la Vieille Ville et ses quartiers environnants.

Une vue de la Vieille Ville de Jérusalem depuis Abu Dis, le 3 février 2020. (Adam Rasgon/Times of Israel)

Le maire d’Abu Dis, Ahmad Abu Hilal, a qualifié d’“inacceptables” les suggestions selon lesquelles Abu Dis constitue une partie centrale ou la totalité de la capitale de la Palestine, tout en ajoutant que le quartier « fait partie de Jérusalem ».

Le plan américain stipule spécifiquement que les quartiers de la région de Jérusalem situés à l’est et au nord de la barrière de sécurité devraient être la capitale de la Palestine et note qu’ils pourraient être appelés al-Quds, le nom de Jérusalem en arabe.

L’initiative souligne également que la barrière devrait devenir la frontière entre Israël et la Palestine, ce qui laisserait non seulement la Vieille Ville mais aussi plusieurs autres quartiers avec des sites religieux importants à l’intérieur du territoire israélien.

Abdullah Hassan, 59 ans, résident d’Abu Dis, juge le plan de l’administration Trump pour Jérusalem « absurde ».

« Trump ne nous représente pas… Il ne peut pas donner Jérusalem à Israël », s’insurge-t-il devant sa maison qui jouxte la barrière, ajoutant : « Il a le droit de leur donner Washington et New York, s’il veut ».

« Pas de place pour se développer »

Jérusalem est l’une des questions les plus controversées et les plus sensibles pour les Israéliens et les Palestiniens, qui ont discuté d’éventuels arrangements pour la ville lors de négociations passées, mais n’ont pas réussi à s’entendre sur une solution.

Des fidèles musulmans accomplissent les prières matinales de l’Aïd al-Adha au mont du Temple dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 11 août 2019. (Ahmad Gharabli/AFP)

Jérusalem abrite le mont du Temple, le site des deux Temples juifs bibliques ainsi que la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher. Le site religieux, qui a souvent été l’épicentre de vives tensions, est considéré comme le lieu le plus sacré du judaïsme et le troisième de l’islam.

Abu Hilal a ajouté que si ses convictions nationales ne lui permettraient jamais d’accepter de faire d’Abu Dis une partie centrale de la capitale palestinienne, cela n’a pas non plus de sens pratique.

« Nous n’avons pas de place pour nous étendre, sauf pour une petite partie à l’est, parce que nous sommes entourés par les implantations et le mur », a-t-il dit, en faisant remarquer que 40 000 personnes vivent sur les 3 600 dunams du quartier [3,6 km²].

Les implantations de Kedar et de Maale Adumim sont situées à l’est d’Abu Dis, tandis que la barrière se trouve à l’ouest et que d’autres villes et villages palestiniens se trouvent au nord et au sud de celle-ci.

L’université d’al-Qods, l’une des plus grandes institutions éducatives palestiniennes en Cisjordanie, occupe également une partie importante du territoire.

Abu Hilal a ajouté qu’Abu Dis dispose d’un commissariat de police avec 30 officiers auxquels Israël permet de porter 10 armes, lequel accueille actuellement une petite poignée d’antennes gouvernementales de l’Autorité palestinienne.

Un bâtiment partiellement construit du Parlement de l’AP est également situé à Abu Dis, mais a été laissé à l’abandon pendant la plus grande partie des deux dernières décennies. Lundi, des chiens errants ont été aperçus alors qu’ils couraient à l’intérieur de la structure.

Le bâtiment en partie construit du Parlement de l’Autorité palestinienne à Abu Dis, le 3 février 2020. (Adam Rasgon/Times of Israel)

Deux autres zones que l’initiative américaine identifie explicitement comme faisant partie de la capitale de la Palestine sont le camp de réfugiés de Shuafat et Kafr Aqab, qui sont le théâtre d’une violence endémique, d’une mauvaise planification et d’infrastructures inadaptées.

« L’emplacement de la capitale est connu et comprend la mosquée Al-Aqsa et les lieux saints », estime Ismail Khatib, un militant du camp de réfugiés de Shuafat.

« Même si – pour la forme – nous décidions que le camp de Shuafat était la capitale, il ne serait pas possible de la construire ici », a-t-il ajouté.

« La densité de population est extrêmement élevée ; nous avons à peine assez d’espace pour que les voitures puissent circuler dans certaines de nos rues ; et les drogues et les armes prolifèrent. Comment la capitale pourrait-elle être ici ? L’idée est risible ».

Dans le camp de réfugiés de Shuafat, les drogues et les armes illégales sont monnaie courante, de nombreux bâtiments résidentiels sont construits en violation des normes d’urbanisme, et des nids de poule parsèment un grand nombre de routes.

Contrairement à Abu Dis, qui est sous la juridiction administrative et sécuritaire partielle de l’AP, le camp de réfugiés de Shuafat et Kafr Aqab se trouvent à l’intérieur des limites municipales de Jérusalem.

Un profond nid-de-poule entrave la circulation dans la rue principale du camp de réfugiés de Shuafat, un quartier de Jérusalem-Est situé au-delà de la barrière de sécurité, le 26 janvier 2015. (Crédit photo : Elhanan Miller/Times of Israel)

Ismail Khatib fait valoir que le plan Trump cherche à fournir à Israël une voie pour se libérer de la responsabilité des deux quartiers.

« Israël n’a pas assumé ses responsabilités en termes de services dans ces quartiers. Il a aussi provoqué de nombreux problèmes en leur sein qu’il ne veut pas résoudre », dénonce-t-il. « Ce plan tente clairement de permettre à Israël de se débarrasser de toutes ses responsabilités envers eux ».

Les responsables de la municipalité de Jérusalem ont déclaré que fournir des services dans les zones situées à l’est et au nord de la barrière était compliqué, car ils ne peuvent y accéder qu’avec une escorte de police.

La police israélienne a clamé opérer régulièrement dans ces quartiers, mais les habitants disent qu’ils y entrent rarement.

La Maison Blanche n’a pas répondu à notre demande de commentaires des propos d’Ismail Khatib.

Citoyenneté

Pour Munir Zughayer, un leader de la communauté de Kafr Aqab, l’ambiguïté du plan concernant la citoyenneté des habitants de Kafr Aqab est préoccupante.

« Ce manque de clarté est inquiétant pour tout le monde », indique-t-il. « Si le plan suggère que les Palestiniens vivant de notre côté du mur ne peuvent pas choisir s’ils veulent garder leur citoyenneté israélienne, ce serait un crime ».

Le plan stipule que les Palestiniens résidant dans les parties de Jérusalem qu’Israël conservera, comme Wadi Joz, Silwan et Sheikh Jarrah, peuvent choisir de devenir des citoyens israéliens, des citoyens palestiniens ou de conserver leur résidence permanente en Israël.

Mais il ne dit pas clairement si les Palestiniens résidant dans les quartiers au nord ou à l’est de la barrière à l’intérieur des limites municipales actuelles de Jérusalem auraient les mêmes options.

La Maison Blanche n’a pas non plus répondu à une demande de clarification sur cette partie du plan.

Munir Zughayer, un activiste qui dirige un comité qui se plaint souvent de la situation des services à Kafr Aqab auprès de la municipalité de Jérusalem, pointe du doigt un certain nombre de bâtiments construits en violation de la réglementation le 20 février 2019. (Crédit : Adam Rasgon / Times of Israël)

Environ 140 000 personnes vivent dans les quartiers situés de l’autre côté de la barrière, mais elles ne possèdent pas toutes le statut de  résidence ou la citoyenneté israélienne.

De retour à Abu Dis, une poignée de personnes font des allées et venues dans un magasin de fruits et légumes.

Suleiman Qaseb, un résident de 40 ans, pense que le plan américain ne réussira pas.

« Je crois que c’est impossible », a-t-il déclaré. « Nous ne le permettrons pas ».

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