À l’ONU, Emhoff plaide pour une intensification de la lutte contre l’antisémitisme
Aux côtés de l’envoyée spéciale Lipstadt et de l’ambassadrice des États-Unis, il a appelé de ses voeux une lutte globale et la condamnation des préjugés des personnalités
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Le second gentilhomme américain Douglas Emhoff a plaidé pour l’intensification de la lutte contre l’antisémitisme, lors d’un événement spécial organisé par les Nations Unies, hier jeudi.
Emhoff s’est ainsi exprimé pour la première fois aux Nations Unies, aux côtés de l’ambassadrice américaine près l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, de l’envoyée spéciale des États-Unis pour la surveillance et la lutte contre l’antisémitisme, Deborah Lipstadt, et du président de l’American Jewish Committee, Ted Deutsch.
Cette session extraordinaire, tenue au siège de l’ONU à New York, avait vocation à promouvoir une action à l’échelle mondiale contre l’antisémitisme et partager les meilleures pratiques en la matière.
Les intervenants ont à plusieurs reprises plaidé en faveur de la constitution de partenariats pour lutter contre l’antisémitisme, la haine des Juifs en ligne – omniprésente – et les propos antisémites des célébrités et politiciens.
Enquêtes et statistiques sur les crimes haineux ont établi à plusieurs reprises que l’antisémitisme avait désormais atteint des niveaux alarmants aux États-Unis comme en Europe.
« Nous devons collectivement dénoncer l’antisémitisme, et dénoncer ceux qui ne le font pas. Il est impossible de se taire. Nous devons former des partenariats pour lutter contre cette épidémie de haine. Nous devons rassembler des gens de tous horizons », a déclaré Emhoff.
« La haine est contagieuse. Elle peut toucher tout le monde et c’est notre devoir de nous assurer que nos communautés sont en sécurité. Toutes les personnes doivent pouvoir vivre, pratiquer leur culte et être qui elles sont, librement, sans crainte et sans violences », a-t-il ajouté.
Emhoff a rappelé l’importance de l’éducation pour lutter contre le négationnisme et la banalisation de la Shoah, demandé qu’il y ait des « conséquences » pour ceux qui tiennent des propos ou ont des comportements antisémites et dénoncé les propos publics de certaines célébrités.
« Nous voyons trop souvent des célébrités ou des humoristes utiliser l’antisémitisme pour faire rire. Ce sont parfois des artistes de tout premier plan ou des politiciens qui relaient ouvertement des tropes antisémites éculés », a déclaré Emhoff.
« Nous ne pouvons pas l’accepter. Pour combattre l’antisémitisme, il faut que tout le monde s’engage et que nous fassions front commun », a-t-il ajouté.
« Nous devons faire comprendre aux antisémites, à ceux qui prêchent la haine qu’il n’y a pas de sanctuaire pour eux. »
Il a évoqué la mise à disposition de crédits publics pour assurer la sécurité des ONG et des synagogues et la nomination de responsables chargés de lutter contre l’antisémitisme, comme Lipstadt ou le groupe de travail du président Biden contre l’antisémitisme.
L’administration Biden a d’ailleurs déclaré lundi travailler à la définition d’une « approche gouvernementale globale » pour résoudre le problème.

Emhoff est revenu, la semaine passée, d’un déplacement en Pologne et en Allemagne à l’occasion de la Journée de commémoration de la Shoah et a invité une survivante de la Shoah au discours du président Biden sur l’état de l’Union.
Thomas-Greenfield a déclaré, lors de l’événement qui s’est tenu jeudi : « L’horrible vérité est que, partout dans le monde, l’antisémitisme, omniprésent, ne cesse de croître. »
Elle a expliqué qu’il était certes alimenté par les extrémistes, « mais aussi [par] des dirigeants politiques, des personnalités, des personnes en position de pouvoir ».
« La haine est partout encouragée, que ce soit en ligne comme en personne, directement et indirectement, secrètement et ouvertement », a ajouté Thomas-Greenfield, citant des chiffres selon lesquels quatre Juifs américains sur 10 ont modifié leurs habitudes par peur.
« Une grande partie de l’antisémitisme qui sévit aux États-Unis a longtemps été marginal. Il est né dans les recoins les plus sombres de la société », a expliqué Deutch.
« Mais de nos jours, un antisémite très suivi sur les réseaux sociaux peut propager sa haine à des millions de personnes, qui à leur tour la propagent. »
Deutch a ainsi condamné, mercredi, le podcasteur Joe Rogan pour avoir tenu des propos antisémites. Il lui a proposé d’en parler avec lui.
Deutch a également appelé à davantage d’actions de la part de l’ONU.
Israël est en effet l’objet de critiques et d’attaques disproportionnées au sein de l’organisation : l’Assemblée générale a ainsi adopté davantage de résolutions anti-israéliennes, l’an dernier, que contre tous les autres pays réunis.
Israël fait également l’objet d’une surveillance plus approfondie que tout autre pays, et deux enquêteurs de l’ONU ont ouvertement tenu des propos antisémites, sans conséquences pour eux.
« Nous avons besoin que les responsables de l’ONU s’expriment lorsque d’aucuns insinuent qu’Israël, unique État juif au monde, est raciste », a déclaré Deutch.
Il a également demandé que les dirigeants de l’ONU condamnent publiquement l’antisémitisme au sein-même de l’institution.

L’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Gilad Erdan, a également critiqué la conduite de l’ONU.
« Les dirigeants de l’ONU ne font pas ce qui devrait être fait dans cette guerre contre le mal », a déclaré Erdan, demandant que l’ONU adopte la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, acceptée par de nombreux pays et institutions.
Il a appelé les États membres de l’ONU à prendre eux-mêmes des mesures pour « demander des comptes » et adopter une approche plus « offensive ».
Erdan avait déjà tenu des propos semblables lors d’un événement organisé pour la Journée de commémoration de la Shoah, le mois dernier.
Lipstadt, qui est une figure reconnue de la lutte contre l’antisémitisme, a déclaré que la société avait besoin d’un « sentiment de communauté et qu’il était grand temps d’arrêter et condamner tout cela ».
Même si les gens n’assimilent pas totalement le problème du discours antisémite, « faisons déjà en sorte qu’il devienne socialement inacceptable ».
« Ce dont nous avons besoin, sur les réseaux sociaux, c’est que les influenceurs eux-mêmes disent que c’est inacceptable… Ce sont les sportifs, les humoristes » qui doivent s’exprimer, a-t-elle dit, au-delà du seul gouvernement.
Les États-Unis ont présidé cette session, dont Israël, le Canada, l’Argentine, le Maroc et le Royaume-Uni étaient co-organisateurs.
La sous-Secrétaire générale de l’ONU, Melissa Fleming, y a pris la parole.