Après la nomination de Sinwar, critiques à Gaza mais satisfactions en Cisjordanie
"La guerre ne se terminera pas dans un avenir proche parce qu'Israël rejette Sinwar [...], un homme têtu qui ne peut pas céder", a estimé un Gazaoui
Un « homme têtu », un choix « pas approprié », le « sommet de l’incertitude » : des habitants de la bande de Gaza interrogés par l’AFP critiquent le choix de Yahya Sinwar à la tête du groupe terroriste palestinien du Hamas, un radical offrant peu d’espoir de cessez-le-feu après dix mois de guerre avec Israël, déclenchée par le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël.
« La nomination de Yahya Sinwar à la tête du Hamas n’était pas appropriée à ce stade critique. Cela pourrait avoir des conséquences négatives à plusieurs niveaux, notamment l’arrêt des négociations » indirectes avec Israël en vue d’un cessez-le-feu dans l’enclave, dit Ibrahim Abou Daqa, 35 ans.
Un autre habitant de Gaza, Bachir Qarqaz, se montre encore plus pessimiste : « La guerre ne se terminera pas dans un avenir proche parce qu’Israël rejette Sinwar […], un homme têtu qui ne peut pas céder », dit-il.
« C’est un combattant, comment des négociations pourront-elles avoir
lieu ? », renchérit Mohammed al-Charif. « Nous sommes maintenant au sommet de l’incertitude et nous ne voulons rien d’autre que la fin de la guerre », insiste ce Gazaoui de 29 ans.
Sinwar, qui était le chef du Hamas à Gaza, a été propulsé mardi soir à la tête du groupe terroriste palestinien pour succéder à Ismaïl Haniyeh, tué la semaine dernière en Iran, pays qui accuse Israël, son ennemi juré, de l’avoir assassiné. Mais cette annonce ne change rien dans les faits car Sinwr était déjà de facto le décideur – comme l’a dit le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, Sinwar « était et reste le principal décideur pour la conclusion d’un cessez-le-feu ».
Sinwar est l’un des terroristes les plus recherchés par Israël qui dit ouvertement vouloir l’éliminer, comme l’a répété mardi soir le ministre des Affaires étrangères, Israel Katz.
Il est l’un des instigateurs de l’assaut barbare et sadique du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza.
Abou Dawa, originaire de Rafah, ville du sud du petit territoire palestinien, déplacé à Deir el-Balah (centre), est lui aussi inquiet : « l’occupation [Israël] a tué le négociateur Ismaïl Haniyeh. Que va-t-il se passer avec le combattant Sinwar ? », se demande-t-il.
Un responsable du Hamas a estimé mardi que la désignation de Sinwar envoyait un « message fort » à Israël indiquant que le mouvement « restait sur la voie de la résistance [nom que se donnent les groupes terroristes anti-Israël] ».
Optimisme en Cisjordanie
Un autre Gazaoui, Hani al-Qano, dit que « personne ne s’attendait à ce que Sinwar remplace Ismaïl Haniyeh », et lui pense au contraire que « cela va accélérer la fin de la guerre ».
Sinwar « pourrait avoir un impact positif sur les négociations et représenter un défi pour Israël, étant donné qu’il vit à l’intérieur de la bande de Gaza parmi la population assiégée. Il est différent de Haniyeh qui a vécu à l’étranger », dit-il. Haniyeh dirigeait groupe terroriste palestinien depuis Doha au Qatar.
Cet optimisme est davantage partagé en Cisjordanie, territoire contrôlé par Israël depuis 1967 et administré par l’Autorité palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas, dont le parti laïc Fatah est un rival du Hamas. Ce dernier a chassé le Fatah de la bande de Gaza et y a pris le pouvoir en 2007.
Le nouveau chef du Hamas ? « Une excellente décision, car Sinwar vit au cœur de la bataille et sait donc exactement ce qu’il négocie, plutôt que quelqu’un qui est réside à l’extérieur du pays », estime Farah Qassem, un habitant de Ramallah, en référence à Haniyeh.
« Sinwar a payé et continue de payer un lourd tribut à la guerre, de sorte que ses décisions découleront des souffrances endurées par la population de Gaza », ajoute cet homme de 54 ans, en référence aux conditions catastrophiques pour les habitants qui manquent de tout après dix mois de guerre.
Même sentiment pour Emad Abou Fokheidah, qui vit dans un village près de Ramallah : « Le choix de Sinwar était une sage décision et un message à l’occupation selon lequel la solution politique, qu’Israël a rejetée en assassinant Haniyeh, ne viendra que par les armes. »
« On sait que toutes les guerres se terminent par des négociations, et aujourd’hui, c’est le négociateur qui mènera la bataille », dit cet homme de 57 ans.