Après Netanyahu, une chance de guérison nationale ?
Jamais par le passé la droite, la gauche, le centre et les Arabes ne s'étaient unis et avaient trouvé un terrain d'entente au sein d'un gouvernement, au nom du bien commun
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Les leaders de deux partis ultra-orthodoxes ont organisé une conférence de presse quelque peu stupéfiante mardi dernier, au cours de laquelle ils ont dénoncé le « gouvernement du changement » et, en particulier, le Premier ministre désigné Naftali Bennett.
Stupéfiante si on se penche sur les propos qui ont été tenus au sujet de Bennett – qui doit devenir ce dimanche le premier Premier ministre orthodoxe d’Israël – et aussi dans l’arrogance de leur affirmation que seule l’approche des haredim (la leur, donc) était légitime concernant la halakha et que « l’État juif » était mis en péril par l’exclusion imminente des ultra-orthodoxes du gouvernement.
Bennett et les siens, ont-ils affirmé, « détruiront le Shabbat, la conversion, le grand rabbinat, la casheroute et mettront en lambeaux le peuple d’Israël », a tonné Aryeh Deri, leader du Shas.
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« Bennett devrait enlever sa kippa », a renchéri Yaakov Litzman, dirigeant de Yahadout HaTorah, laissant éclater sa colère.
« L’esprit malveillant ne mérite que le pourrissement », a estimé pour sa part le député Moshe Gafni de Yahadout HaTorah.
Bennett, en réponse, s’est montré clément et plutôt chagriné : « Ces paroles n’incitent guère au respect de ceux qui les prononcent et reflètent une perte de sang-froid », a-t-il commenté. « Il y a seulement un an, quand le gouvernement d’unité actuel a été formé, Yamina a été laissé à la porte et les haredim y sont entrés. Vous ne m’avez pas vu alors demander à Gafni d’enlever sa kippa. Il y avait un nouveau gouvernement, nous n’y appartenions pas et le soleil s’est levé le lendemain. »
« Les députés ultra-orthodoxes ne vont pas nous donner de leçons de judaïsme et encore moins de sionisme », a-t-il continué sur un ton de reproche.
Ce que Bennett a décrit de manière très précise comme le « déchaînement hystérique » des députés haredim a souligné leur conviction que, malgré tous les efforts en cours livrés par le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour courtiser ne serait-ce qu’un seul transfuge qui pourrait bloquer la faible majorité du « gouvernement du changement » (elle ne s’appuie que sur 61 législateurs à la Knesset, forte de 120 membres), la réalité est que, ce dimanche, ce sera la fin de douze ans de main-mise de Netanyahu sur le pouvoir. Si le chef du Likud a mis longtemps à abandonner, ses alliés ultra-orthodoxes et ultra-loyaux ont semblé, pour leur part, avoir tiré plus tôt la conclusion que tout était fini.
La réponse imperturbable de Bennett à cette agression brutale lancée à son encontre par ses anciens alliés de coalition et du Shas est un présage encourageant. « Quand je serai Premier ministre, je m’occuperai de la population ultra-orthodoxe et du monde de la Torah », a-t-il promis, conservant ce ton de conciliation devenu la marque de fabrique de cette coalition inouïe de huit partis dont il est à la tête avec Yair Lapid, leader de Yesh Atid, depuis qu’elle a été rassemblée.
Pendant que Netanyahu a continué, de manière incessante et mensongère, à condamner des « votes volés », qu’il a invoqué des théories du complot de « l’État profond » et qu’il a diabolisé un gouvernement « de gauche », Bennett, Lapid et les autres membres de cette alliance extraordinaire de partis de droite, du centre, de la gauche et arabe ont semblé être déterminés à se focaliser sur ce qu’ils ont l’intention de faire de bien – ce processus de guérison nationale qu’ils ont pour objectif d’initier.
Dans un entretien qui a été accordé mercredi matin à la Radio militaire, Matan Kahana, du parti Yamina – ancien pilote militaire qui a également servi au sein de l’unité Sayeret Matkal, une unité d’élite de l’état-major israélien – s’est réjoui de son imminente nomination au ministère des Services religieux, affirmant qu’il s’agissait du seul poste qu’il convoitait. Il a promis de maintenir le large « statu-quo » qui régit les questions de religion et d’État mais aussi de mettre un terme à certains abus et d’entreprendre des réformes urgentes.
Pour commencer, a-t-il dit – avec le bon sens qui a manqué à Shas et à Yahadout HaTorah au cours des six dernières semaines – il insistera sur la mise en place d’une commission d’enquête gouvernementale qui sera chargée d’examiner la catastrophe survenue sur le mont Meron, le 30 avril dernier, au cours de laquelle 45 hommes et jeunes garçons, en grande majorité ultra-orthodoxes, ont perdu la vie dans un mouvement de foule meurtrier. Il s’est interrogé : comment serait-il possible d’agir autrement pour que lui, ministre chargé des Affaires religieuses, soit en mesure de garantir qu’un tel désastre ne se reproduira pas ?
Se souvenant qu’il allait prendre la tête d’un ministère jusqu’alors placé entre les mains du Shas dont le personnel pourrait être tenté de résister à d’éventuels changements, Kahana a dit avec chaleur qu’il aurait beaucoup à apprendre des fonctionnaires. Et il a souligné que les questions en relation avec la religion et l’État « qui n’ont pas été résolues pendant 73 ans » au sein d’Israël « ne le seront probablement pas dans le futur gouvernement ».
De manière générale, a dit Kahana – en écho à des propos tenus par Bennett à plus d’une occasion au cours des derniers jours – les membres de la prochaine coalition « savent qu’ils ne pourront probablement pas réaliser tout ce qu’ils souhaiteraient et ils savent que s’ils commencent à s’attaquer les uns les autres, le gouvernement n’y survivra pas ». Les partenaires « se présentent avec beaucoup de bonne volonté », a-t-il continué.
Tandis que les apparatchiks ultra-orthodoxes ont déclaré la guerre religieuse au « gouvernement du changement », un grand nombre de membres de ce dernier ont établi une coalition avec une vision presque messianique d’harmonie intérieure entre droite et gauche, entre orthodoxes et laïcs, entre Juifs et Arabes
Jamais, dans toute l’Histoire du pays, la droite, la gauche, le centre et les arabes avaient convenu de trouver un terrain d’entente dans un gouvernement au nom de l’intérêt supérieur du pays. Tandis que les apparatchiks ultra-orthodoxes ont déclaré la guerre religieuse au « gouvernement du changement », un grand nombre de membres de ce dernier ont établi une coalition avec une vision presque messianique d’harmonie intérieure entre droite et gauche, entre orthodoxes et laïcs, entre Juifs et Arabes. (Le chef d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, est une exception notable.) Quel que soit le niveau de difficulté d’une telle initiative, l’objectif en lui-même est un changement digne d’éloges face à l’approche de Netanyahu qui comptait sur les divisions pour se maintenir au pouvoir.
Mais tout d’abord, le « gouvernement du changement » va devoir remporter l’adhésion de la Knesset dans un vote prévu ce dimanche après-midi. Il faut se rappeler du constat désagréable de Shimon Peres, au cours d’un vote similaire en 1990, qui avait eu la mauvaise surprise de constater que tous les membres de sa coalition ne s’étaient finalement pas regroupés derrière lui.
La nouvelle coalition promet une nouvelle ère plus harmonieuse dans la politique israélienne – mais toutes ses bonnes intentions ne seront pas suffisantes avant ou jusqu’à ce que les votes en sa faveur de 61 députés ne soient jetés dans l’urne, décomptés et confirmés.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel