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Interview'Je suis payé pour être inquiet’

Après un an à son poste, Danny Danon explique ‘faire partie des décisionnaires’ à l’ONU

Alors que Turtle Bay s’apprête à observer son tout premier Yom Kippour, l’envoyé d’Israël évoque ses efforts pour apporter plus de Judaïsme aux Nations-Unies, ses rencontres clandestines avec des responsables arabes et ses inquiétudes face aux démarches liées à la Palestine au Conseil de Sécurité

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

L'ambassadeur d'Israël à l'ONU, Danny Danon, tient un collage de photos des victimes du terrorisme israéliens tués pendant la montée continue de la violence depuis la mi-septembre, le 23 novembre 2015 (Crédit :  ONU / Cia Pak)
L'ambassadeur d'Israël à l'ONU, Danny Danon, tient un collage de photos des victimes du terrorisme israéliens tués pendant la montée continue de la violence depuis la mi-septembre, le 23 novembre 2015 (Crédit : ONU / Cia Pak)

NEW YORK — Mardi, pour la première fois de son histoire, les Nations unies observeront Yom Kippour. Aucune réunion formelle ne sera prévue à l’Assemblée Générale et dans ses commissions permanentes à New-York, et les employés juifs seront autorisés à rester chez eux sans pour autant avoir à utiliser un jour de vacance.

La campagne recommandant à l’ONU d’ajouter cette journée du Grand Pardon à sa liste des jours fériés reconnus a été lancée au mois de mars 2014 par l’ambassadeur d’Israël à ce moment-là, Ron Prosor, et la requête a été approuvée un an après – durant le mandat de l’envoyé actuel, Danny Danon, qui à l’époque se vit attribuer le mérite de cette « victoire décisive ». Mais il ne s’est pas pour autant arrêté à Yom Kippour.

“J’ai amené le judaïsme au sein de l’ONU, explique joyeusement Danon au Times of Israel durant un récent entretien marquant l’anniversaire de sa première année passée au poste de prestige de Turtle Bay.

Par cela, il signifie avoir porté la kippa et cité la Bible au cours de son premier discours devant le Conseil de Sécurité, avoir organisé une fête pour Hanoukah, avoir emmené 70 diplomates étrangers voir “Un violon sur le toit” à Broadway à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance d’Israël, et organisé le premier Seder de Pessah à l’ONU de mémoire récente. « Nous avons eu plus de 40 ambassadeurs assis pendant trois heures – c’est très impressionnant », se souvient-il.

Ambassadeur Danny Danon avec Danny Burstein (Tevye), Jessica Hecht (Gold), et les ambassadeurs du monde entier Crédit : (Nir Arieli / Mission permanente d'Israël auprès de l'ONU)
Ambassadeur Danny Danon avec Danny Burstein (Tevye), Jessica Hecht (Gold), et les ambassadeurs du monde entier Crédit : (Nir Arieli / Mission permanente d’Israël auprès de l’ONU)

Tandis que Danon n’a pas organisé de cérémonie de Tachlikh avant la nouvelle année juive, contrairement à son prédécesseur, Danon réclame maintenant que l’ONU puisse proposer de la nourriture casher dans ses cafétérias, “de la même manière que vous avez de la nourriture halal et des options pour les végétariens – c’est en fait là que j’ai eu cette idée”, raconte-t-il alors qu’il déguste une tasse de thé vert dans un établissement du quartier chic de l’Upper East Side à Manhattan, qui vend de la carpe farcie et de la salade aux crevettes. « Je suis sûr qu’il y a suffisamment de gens à l’ONU qui s’en réjouiraient ».

Danny Danon en mai 2014. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)
Danny Danon en mai 2014. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Partisan de la ligne dure du Likud que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a nommé au poste de New-York au moins, en partie, pour éloigner un challenger national à la fois impitoyable et irritant, Danon s’est de toute évidence jeté avec la même ténacité dans le défi que représente les Nations unies, ne s’écartant pas de la ligne de Netanyahu et considérant sa réussite au sein de sa fonction comme un tremplin pour ses ambitions politiques nationales.

Il affirme catégoriquement ne pas en rester à la religion et aux spectacles de Broadway. Il consacre beaucoup d’efforts à élargir le réseau diplomatique israélien et à tenter de conjurer les éventuelles résolutions anti-israéliennes au Conseil de Sécurité, en particulier au vu des spéculations persistantes selon lesquelles les Etats-Unis pourraient soutenir de telles résolutions, ou tout du moins ne pas y opposer son veto.

“Je suis payé pour être inquiet”, dit-il. « Presque chaque jour, je me réveille et je vois un courriel ou un message texto concernant quelque chose qui est en train de se passer contre Israël à l’ONU ».

Alors qu’il entend constamment des rumeurs concernant le fait que le président Barack Obama pourrait soutenir une résolution liée à la Palestine après les élections de novembre, Danon indique ne pas avoir reçu de telles indications de la part de son homologue américaine, Samantha Power. “Elle n’est pas au courant d’un nouvel agenda”, dit-il.

La Maison Blanche a un rôle déterminant pour empêcher l’adoption d’une résolution, rappelle-t-il, notant qu’en 2011, les Etats-Unis avaient usé d’un droit de véto dans le cas d’une résolution condamnant les implantations israéliennes, même si le pays partageait vraisemblablement de nombreuses perceptions présentées dans le texte. « Si à l’avenir il doit y avoir une telle résolution, les gens regarderont les Etats-Unis. Alors nous nous focalisons sur les Etats-Unis », explique-t-il.

“Ce que j’ai appris depuis que je suis ici, depuis presque un an, c’est que les Américains travaillent de manière très professionnelle, que ce soit constructif ou non, indépendamment de ce que nous voulons ou de ce que les autres veulent pour le processus de paix. Je pense aujourd’hui que la majorité des experts s’accordent sur le fait qu’une [résolution du Conseil de Sécurité] n’est pas constructive, que ce n’est pas ce qui permettra d’amener un nouveau développement. C’est pour ça que je pense que cela n’arrivera pas ».

Tandis que la position adoptée par Washington sera cruciale dans toute épreuve de force potentielle devant le Conseil de Sécurité, et que l’interaction avec son homologue américaine est déterminante dans son travail, Danon reconnaît passer beaucoup de temps à promouvoir des liens avec les pays dont la relation actuelle avec Israël ne peut pas se qualifier encore à proprement parler de chaleureuse.

L'ambassadeur israélien à l'ONU, Danny Danon, avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, le 2 novembre 2015. (Crédit : Shahar Azran)
L’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon, avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le 2 novembre 2015. (Crédit : Shahar Azran)

« Je me concentre sur la zone grise. Nous avons nos amis, nous travaillons ensemble, et nous les conservons comme amis. Et nous avons ceux qui nous sont complètement défavorables. Mais vous en avez beaucoup au milieu. Et c’est sur cette zone que je pense que nous devrions nous focaliser. »

Danon cite une délégation d’ambassadeurs issus de 11 pays qu’il a fait venir en Israël au mois d’août pour les sensibiliser aux nombreux défis sécuritaires que la pays doit affronter. « Ce n’est pas qu’ils vont dorénavant voter automatiquement pour nous. Mais ce sera plus facile à engager”, explique-t-il.

Au cours de ses 12 mois d’exercice, il a également accueilli la toute première conférence anti-BDS (Boycott, Divestment and Sanctions) dans la salle de l’Assemblée Générale et organisé une exposition, située dans un corridor du bâtiment emblématique de l’institution, de peintures et de dessins réalisés par Hadar Goldin, un soldat israélien mort au combat dont la dépouille est détenue par le groupe terroriste du Hamas depuis 2014 dans la Bande de Gaza.

C’est son élection en tant que président de la Sixième Commission de l’Assemblée Générale, chargée des questions juridiques et malgré les oppositions arabes et iranienne, qui reste toutefois la réussite la plus significative de Danon (le vice-président de la commission est le diplomate pakistanais Bilal Ahmad). C’est la première fois qu’un israélien a été choisi pour présider une commission permanente à la commission générale de l’Assemblée Générale, qui prend d’importantes décisions au siège de l’ONU. “Nous faisons maintenant partiellement partie des décisionnaires aux Nations-Unies – c’est une étape majeure pour nous”, explique Danon.

Et pourtant, la position d’Israël à Turtle Bay reste difficile, reconnaît Danon. « Tout ce que nous entreprenons à l’ONU est un défi », indique-t-il. Mais Netanyahu — qui a lui-même été ambassadeur auprès de l’instance de 1984 à 1988 et qui est resté un critique ardent de l’organisation – a, le mois dernier, prédit un avenir plus prometteur à Israël aux Nations-Unies.

“J’ai totalement confiance dans le fait que dans les années à venir, la révolution que va connaître la place d’Israël parmi les nations arrivera jusqu’à ce hall des nations”, a déclaré le Premier ministre durant son discours à l’Assemblée générale. “Ma confiance est tellement grande, en fait, que je prédis que d’ici une décennie, un Premier ministre israélien se tiendra là où je me tiens, applaudissant l’ONU”.

L'ambassadeur israélien à l'ONU, Danny Danon, à la conférence anti-BDS à l'Assemblée générale de l'ONU, le 31 mai 2016. (Crédit : Shahar Azran)
L’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon, à la conférence anti-BDS à l’Assemblée générale de l’ONU, le 31 mai 2016. (Crédit : Shahar Azran)

L’idée derrière ce diagnostic est claire : le monde entier, états arabes inclus, ne pensent plus qu’Israël ou que le conflit israélo-palestinien sont à la racine des nombreux malheurs connus par le Moyen-Orient. Désireux de s’approprier les prouesses hi-tech et le savoir-faire israélien en matière de terrorisme, de plus en plus de pays vont commencer à adopter l’Etat juif.

“Le changement surviendra dans cette salle, parce que de retour chez vous, vos gouvernements vont changer rapidement d’attitude envers Israël. Et tôt ou tard, cela va modifier la façon dont vous votez quand il s’agit d’Israël aux Nations unies », a dit Netanyahu aux délégués. « De plus en plus de nations en Asie, en Afrique, en Amérique Latine, de plus en plus de nations voient en Israël un partenaire puissant – un partenaire dans la lutte contre le terrorisme d’aujourd’hui, un partenaire dans le développement de la technologie de demain ».

Toutefois, il y a eu peu d’éléments tangibles allant dans le sens de la prédiction de Netanyahu lors de l’Assemblée Générale de cette année. Discours après discours, les leaders du monde entier ont évoqué le conflit israélo-palestinien, un grand nombre d’entre eux blâmant Israël pour le peu de progrès réalisés. Même si le sujet n’a pas été au centre des débats comme cela avait été le cas au cours des années précédentes, de nombreux états arabes – dont Netanyahu a affirmé qu’ils commencent à reconnaître qu’Israël « est leur allié » et qu’ils « travailleront ensemble ouvertement » sur des objectifs communs dans les années à venir – ont sévèrement dénoncé l’état juif.

Et pourtant, Danon défend la prédiction optimiste de Netanyahu. « Les choses peuvent arriver. Les choses sont dynamiques à l’ONU », explique-t-il. En 1975, l’Assemblée Générale des Nations unies avait passé une résolution assimilant le sionisme au racisme, se souvient-il. Je suis sûr que notre ambassadeur à ce moment-là avait dit que nous ne serions jamais en mesure de la modifier. Cela a pris 16 ans [avant que la résolution ne soit révoquée en 1991]. Donc oui, ça peut arriver.”

Danny Danon, à gauche et à d'autres membres de la délégation israélienne écoutant Netanyahu s'adressant à l'Assemblée générale de l'ONU à New York, le 22 septembre 2016 (Crédit : Amir Levy / Flash90)
Danny Danon, à gauche et à d’autres membres de la délégation israélienne écoutant Netanyahu s’adressant à l’Assemblée générale de l’ONU à New York, le 22 septembre 2016 (Crédit : Amir Levy / Flash90)

Israël est manifestement atterrée par la rhétorique anti-israélienne arabe. “Je pense que parfois, aux Nations unies, les gens prennent le discours de l’année passée et le répètent tout simplement. Cela n’arrive pas seulement dans les campagnes, cela arrive aussi à l’ONU », explique Danon.

« Mais quand je parle aux ambassadeurs, ils ont d’autres problèmes sur leurs agendas. Quand vous demandez aux ambassadeurs quelles sont les principales préoccupations de leur pays, alors Israël n’en fait pas partie ».

Il y a des Nations unies publiques et des Nations unies privées, indique Danon, décrivant des rencontres régulières avec les responsables de pays qui n’ont pas de liens diplomatiques avec Israël. « Pour moi, c’est dur : Je peux prendre le petit-déjeuner avec quelqu’un dans un hôtel, puis je vais le voir une demi-heure après dans l’ascenseur et il ne me jettera pas un regard. Je comprends cela. Cela fait partie de la réalité de l’ONU.

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