Aux Emirats, un projet ferroviaire pour relier les pays du Golfe
Etihad Rail s'étendra sur une voie ferrée de 1 200 km reliant tous les émirats, de Ghweifat, à l'ouest d'Abou Dhabi, à Fujairah, sur la côte est
Dans le désert d’Abou Dhabi, Ibrahim al-Hammadi inspecte les wagons prêts à rouler sur le premier réseau ferroviaire partiellement achevé aux Emirats arabes unis. Agé de 23 ans, le jeune homme est le premier conducteur de train émirati de ce pays du Golfe.
Connus pour leurs projets pharaoniques, de la plus grande tour du monde aux îles artificielles en forme de palmier, les Emirats, composés de sept principautés dont Abou Dhabi et Dubaï, ne disposaient pas jusqu’à récemment d’un réseau de chemin de fer.
A bord des wagons, Ibrahim al-Hammadi effectue une dernière vérification technique systèmes, puis démarre. « J’étais intrigué quand j’ai vu le train fonctionner », confie à l’AFP le jeune homme.
« C’était quelque chose de nouveau, et cela m’a poussé à me renseigner pour apprendre à le conduire », raconte-t-il.
Etihad Rail s’étendra sur une voie ferrée de 1 200 km reliant tous les émirats, de Ghweifat (à l’ouest d’Abou Dhabi) à Fujairah, sur la côte est.
Le projet vise, à terme, à faire partie d’un réseau ferroviaire plus vaste connectant les six pays arabes du Golfe: l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, Bahreïn et Oman.
Rivalité
Le chemin de fer, qui s’étend actuellement sur 264 km, n’est pour l’instant opérationnel qu’au sein de l’émirat d’Abou Dhabi et ne transporte que des trains de marchandises. D’un coût de plusieurs milliards de dollars, l’ensemble du projet est loin d’être achevé: sa construction a longtemps été freinée par la rivalité des émirats entre eux.
« Il y a eu une certaine hésitation du gouvernement fédéral à dépenser de l’argent pour des projets d’intégration économique nationale, ainsi que les habituelles questions concernant la souveraineté des émirats », explique à l’AFP Karen Young, chargée de recherche au Middle East Institute.
« Les Emirats ont un système fédéral et la centralisation de l’autorité, de la politique économique et du développement à Abou Dhabi (la capitale) reste quelque chose d’encore relativement nouveau », ajoute-t-elle.
Le projet ferroviaire s’inscrit dans le cadre des ambitions affichées d’une « intégration commerciale et économique » au sein du Conseil de coopération du Golfe (GCC) qui réunit ces Etats, explique Karen Young.
« Cette intégration s’est heurtée à un certain nombre d’obstacles », note-t-elle, citant en particulier l’instauration en juin 2017 par l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte d’un embargo contre le Qatar.
Ces Etats lui reprochaient de soutenir les islamistes et financer des médias trop critiques, ont finalement accepté de scellé une réconciliation solennelle en janvier après plus de trois ans de brouille.
« Impact positif »
Aux commandes de sa locomotive, Ibrahim al-Hammadi parcourt le premier segment de l’Etihad Rail.
Avec des voies ferrées à travers les montagnes entre l’émirat de Dubaï et celui de Fujairah, le projet devrait inclure des trains de passagers qui circuleront à une vitesse pouvant atteindre 200 km/h.
Pour la première phase du projet, Etihad Rail dispose de sept locomotives, pouvant tirer jusqu’à 110 wagons chacun.
Les trains constitueront une alternative au vaste réseau d’autoroutes des Emirats où les habitants sont friands de 4×4 et de SUV.
Dans la salle de contrôle d’Abou Dhabi, Maitha al-Remeithi, la première femme contrôleuse de train émiratie, passe d’une station à l’autre en surveillant les dizaines d’écrans de la pièce.
Sa passion pour quelque chose « d’unique, d’excitant et de nouveau » l’a poussée vers ce projet de chemin de fer qui « se développe chaque jour », raconte à l’AFP la jeune femme de 30 ans.
« Comme je suis impliquée dans son fonctionnement quotidien, je peux voir son impact positif au sein du secteur des transports en termes de sécurité, de (respect) de l’environnement et de logistique », assure-t-elle.
Etihad Rail affirme qu’un voyage en train de marchandises complet peut remplacer quelque 300 camions et réduire les émissions de CO2 de 70 à 80 %.