Avec Sarah Bernhardt, « on peut oser toutes les libertés », dit Sandrine Kiberlain
Le film ""Sarah Bernhardt, la divine" met en avant le combat de la comédienne légendaire pour le capitaine Dreyfus qu'elle relaya auprès d'Emile Zola et qui lui valut, elle dont la mère était juive, des insultes antisémites
Policière, institutrice, avocate, esthéticienne… Dans sa longue filmographie, Sandrine Kiberlain a campé d’innombrables professions mais elle relève dans « Sarah Bernhardt, la divine », en salles mercredi, un singulier défi : jouer une comédienne, légendaire de surcroît.
Première mégastar du théâtre, influenceuse avant l’heure, femme libre et passionnée, Sarah Bernhardt (1844-1923) avait de quoi impressionner. « Il ne faut pas se laisser intimider », évacue Sandrine Kiberlain dans un entretien accordé à l’AFP. « Il faut juste se dire que c’est une chance énorme d’avoir un personnage si riche à jouer ».
Bâti autour de deux périodes clés de sa vie -une journée organisée à sa gloire en 1896, son amputation en 1915- et de sa passion dévorante avec Lucien Guitry (Laurent Lafitte), le long-métrage de Guillaume Nicloux ambitionne de faire émerger la femme derrière le mythe, sa vie tourbillonnante, ses fêlures, ses outrances.
« C’est quelqu’un qu’on connaît sans la connaître. Avant le film, j’avais une vision très figée de la tragédienne qui en faisait des tonnes, qui vibrait de la voix et avait marqué son temps, mais je n’avais pas la mesure de qui elle était réellement », assure Sandrine Kiberlain.
La comédienne aux deux César s’est beaucoup documentée sur sa lointaine et illustre consoeur mais revendique la liberté d’en faire un personnage de fiction sans la « trahir ».
« Avec une femme comme elle, on peut oser toutes les libertés, on peut oser être dans le trop. C’est vraiment le personnage avec lequel on peut ne pas avoir peur du ridicule. Elle libère complètement du regard des autres », dit l’actrice. « Elle m’a d’ailleurs laissé ça d’elle, une envie d’être plus directe, d’avoir moins peur, d’être plus libre ».
Libre, Sarah Bernhardt l’était assurément : bisexuelle, multipliant les conquêtes, régentant le moindre détail de sa carrière, vivant au milieu d’animaux sauvages.
Engagée aussi : le film met en avant son combat pour le capitaine Dreyfus qu’elle relaya auprès d’Emile Zola et qui lui valut, elle dont la mère était juive, des insultes antisémites. « Elle a parfois été critiquée mais elle s’en foutait », observe la comédienne de 56 ans, passée récemment à la réalisation (« Une jeune fille qui va bien »).
« Il faut que je me quitte »
« C’était quelqu’un d’hyper moderne qui a osé aborder à l’époque des thèmes très actuels sur la libération des femmes ou le combat contre la peine de mort et a surtout agi pour ça », relève Sandrine Kiberlain. « Ce que j’ai compris d’elle c’est son rejet épidermique de l’injustice ».
La comédienne et réalisatrice l’admet : elle est « beaucoup plus réservée, beaucoup plus pudique » que Sarah Bernhardt mais partage avec elle le même oubli de soi devant la caméra ou sur les planches.
« Dans le jeu, je pense que je peux aller très loin, ça m’a beaucoup aidée à l’incarner. Quand elle dit au moment de jouer ‘Phèdre’ : ‘laissez-moi il faut que je me quitte’, ça me parle beaucoup » raconte-t-elle. « J’ai vraiment l’impression moi aussi de m’abandonner le temps d’une journée de tournage, de lâcher prise », précise-t-elle. Au point d’être parfois surprise en se voyant ensuite à l’écran.
Toile de fond de « La divine », l’incroyable renommée de Sarah Bernhardt, dont les obsèques à Paris ont attiré un million de personnes, reste dans le hors-champ du film mais a beaucoup intrigué Sandrine Kiberlain.
« Elle devait dégager un truc fou. Elle ne parlait pas anglais mais quand elle jouait aux Etats-Unis, tout le monde la comprenait », avance-t-elle, convaincue que la fascination que Sarah Bernhardt exerçait était liée à son « extrême sincérité ».
« Elle investissait complètement ses personnages », dit-elle. « Je pense que les gens à l’époque qui n’avaient pas la télé, pas les réseaux sociaux, pas le cinéma étaient subjugués par sa vérité ».