Israël en guerre - Jour 401

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« Si vous me tirez dessus, vous devrez tirer sur nous tous »

Cérémonie posthume pour l’officier américain qui a sauvé 200 GI juifs des nazis, dans le plus grand secret

Hommage à la bravoure du Sergent-chef Roddie Edmonds, qui, le pistolet sur la tempe, avait refusé de révéler la judéité de ses soldats

Les prisonniers américains capturés dans les Ardennes en décebre 1944 (Crédit : Wikimedia commons/Bundesarchiv, Bild 183-J28589 / CC-BY-SA 3.0)
Les prisonniers américains capturés dans les Ardennes en décebre 1944 (Crédit : Wikimedia commons/Bundesarchiv, Bild 183-J28589 / CC-BY-SA 3.0)

NEW YORK – Dans un acte d’humanité et de défi, le Sergent-chef Roddie Edmonds a fait face à un commandant allemand et a sauvé 200 GI juifs américains de la déportation et des camps de travail.

C’était en 1945, et Edmonds avait été prisonnier de guerre pendant près d’un mois, dans le Stalag IX-A. En tant qu’officier le plus haut gradé, il était responsable des 1 292 Américains prisonniers de guerre, parmi lesquels 200 étaient juifs.

Durant la guerre, la Wehrmacht assassinait des soldats juifs capturés sur le front est, ou bien les envoyait dans des camps d’extermination. Les soldats juifs capturés sur le front ouest étaient envoyés à Berga, un camp de travail avec un taux de survie minime.

À cause de cette politique, l’armée américaine a informé les soldats juifs que s’ils venaient à être capturés, les preuves de leur religion seraient détruites, leurs plaques d’identification par exemple, sur laquelle figurait la lettre H pour Hébreu, ou encore leurs livres de prières.

Edmond, qui est décédé en 1985, n’a jamais évoqué cette histoire. En fait, si sa petite-fille n’avait pas eu de devoir à rendre à l’université des décennies plus tard, l’histoire de cet officier aurait pu ne jamais être connue. Mais grâce à la persistance du fils d’Edmonds, le pasteur Chris Edmonds, ces faits héroïques ont refait surface.

Lundi soir, la Fondation juive des Justes à rendu un hommage à Edwards en lui décernant à titre posthume le Prix « Yehi or » (Que la Lumière Soit).

Pour comprendre pourquoi Edmonds n’a jamais parlé de son courage, ni à sa femme, ni à ses enfants ni à ses petits-enfants, il faut, dans un premier temps, comprendre quelque chose au sujet de cet homme.

« C’était un homme croyant. Il ne s’est jamais vanté de quoi que ce soit, si ce n’est de Dieu. Et de ses fils aussi », a raconté Edmonds dans un entretien téléphonique quelques jours avant qu’il ne recoive le prix au nom de son père à la New York Public Library.

Harvey Schulweis, président de la Fondation des Justes a également souligné l’humilité d’Edmonds.

Cette photographie sans date diffusée par le Mémorial de l'Holocauste Yad Vashem présente le sergent de l'armée américaine pendant la Seconde Guerre Mondiale Roddie Edmonds. (Courtesy of Yad Vashem via AP)
Cette photographie sans date diffusée par le Mémorial de l’Holocauste Yad Vashem présente le sergent de l’armée américaine pendant la Seconde Guerre Mondiale Roddie Edmonds. (Courtesy of Yad Vashem via AP)

« Au fil des années, nous avons travaillé et honoré de nombreux survivants de l’Holocauste, et leurs sauveteurs, mais l’histoire de Roddie Edmonds qui aurait sauvé 200 soldats juifs américains montre quel homme et quel leader distingué il était. Nous n’avons malheureusement pas eu le privilège de lui rendre hommage de son vivant. Nous espérons que le Prix Yehi Or de cette année témoignera de la gratitude et de l’appréciation de notre peuple pour ses actions héroïques », a déclaré le président Harvey Schulweis.

Plusieurs soldats américains qui ont survécu se sont rendus à cet cérémonie.

Edmonds a atterri en Europe à l’automne 1944, avec la 106e Division d’infanterie, et s’est frayé un chemin dans la frontière belgo-allemande comme membre du 422e Régiment d’infanterie.

Le 16 décembre, il s’est retrouvé impliqué dans ce qui va devenir la Bataille des Ardennes. Il a mangé son dernier repas chaud le 17 décembre.

« Croyez-moi quand je vous dis que nous devions marcher tête baissée. Ça n’était pas une partie de plaisir », avait écrit Edmonds dans son journal de guerre.

Bien que plus nombreux et mieux armés, les Américains ont repoussé les Allemands suffisamment pour que la Troisième Armée du Général Geroge Patton viennent en renfort.

« Croyez-moi quand je vous dis que nous que nous devions marche tête baissée. Ça n’était pas une partie de plaisir »

Mais les renforts sont arrivés trop tard pour le 422e régiment. La Deuxième division Panzer SS allemande les a encerclés, et le 19 décembre, Edmonds est devenu l’un des milliers de captifs américains.

« Nous nous sommes rendus, pour éviter d’être tués. Nous avons été emmenés, sans boire ni manger, à part pour les quelques betteraves sucrières que nous avons trouvées le long de la route et dans les flaques », raconte Edmonds, alors âgé de 25 ans, dans son journal, peu après avoir été déporté dans le camp qui accueillait plus de 50 000 soldats alliés, près de Ziegenhain.

En tant qu’officier le plus haut gradé, Edmonds a été nommé responsable des 1 292 Américains prisonniers de guerre. Il n’a jamais failli à sa foi et à son sens du devoir pour garder les hommes en sécurité, et maintenir le moral des troupes aussi haut que possible, raconte son fils Chris.

Un jour de janvier 1945, un mois après avoir été capturé, les Allemands ont ordonné que tous les prisonniers de guerre juifs se présentent à l’extérieur de leur baraquements le lendemain matin. Edmonds avait compris ce qui attendait les hommes juifs de son commandement. Il a donc décidé de défier cette directive. Il a ordonné à ses hommes, juifs et non-juifs confondus, de sortir le lendemain matin.

Le sergent-chef Roddie Edmonds, entouré en rouge, au Camp Atterbury. (Crédit : Chris Edmonds)
Le sergent-chef Roddie Edmonds, entouré en rouge, au Camp Atterbury. (Crédit : Chris Edmonds)

Lorsque le Major Siegmann, commandant du camp, a vu tous les soldats alignés, il s’est approché d’Edmonds et lui a demandé d’identifier les soldats juifs.

« Nous sommes tous juifs, ici », a déclaré Edmonds.

Furieux, le commandant pointa son arme sur les tempes d’Edmonds, et réitéra son ordre. Edmonds refusa à nouveau d’obtempérer.

« Nous sommes tous juifs ici. »

« Selon la convention de Genève, nous devons seulement vous donner notre nom, notre rang et notre matricule. Si vous me tires dessus, vous devrez tirer sur nous tous, et après la guerre, vous serez poursuivi pour crimes de guerre », avait alors déclaré Edmonds, selon l’un des hommes qu’il a sauvé ce jour là.

Le jeune Edmonds considère que tous les 1 292 hommes étaient des héros.

« Lorsque Papa a reçu ces ordres, et qu’il a dit à ses hommes qu’il n’abandonnerait pas les soldats juifs, ils auraient pu refuser », dit-il. « Lorsque le commandant à pointé son arme sur mon père, certains hommes auraient pu désigner les juifs. Aucun ne l’a fait. Ils sont tous restés solidaires. »

« Ce qu’il a fait [ce matin-là] a envoyé un message d’espoir aux hommes. Ils ont vu qu’ils pouvaient résister, ils ont vu qu’ils pourraient survivre », explique Edmonds.

Après 100 jours de captivité et de quasi-famine, Edmonds est retourné chez lui, près de Knoxville dans le Tennessee. Il a trouvé du travail chez Oakridge National Labs, et parce qu’il avait rejoint la Garde nationale, il a été à nouveau envoyé en Corée. Il est revenu, s’est marié, a eu deux fils. Il a été leur entraîneur de baseball et a travaillé dans la vente.

Il parlait très peu de son expérience de la guerre, et il n’a jamais évoqué ce jour.

« Je lui ai plusieurs fois demandé, quand j’étais adolescent, puis étudiant. Il disait « fils, il y a des choses sur lesquelles je préfère ne pas parler. »

« Je lui ai plusieurs fois demandé, quand j’étais adolescent, puis étudiant. Il disait « fils, il y a des choses sur lesquelles je préfère ne pas parler. », se souvient Edmonds.

Ils sont restés dans l’ignorance jusqu’à ce qu’une des filles de Chris Edmonds ait un devoir à rendre à l’université. Il fallait réaliser une vidéo à propos d’un membre de sa famille. Sa grand-mère lui à donné le journal que Roddie avait tenu alors qu’il était prisonnier de guerre.

Un an avant que la Fondation des Justes ne lui décerne ce prix, Edmonds était devenu le seul soldat américain, et l’un des cinq Américains à être nommé Juste parmi les Nations par Yad Vashem. Il est également le seul Juste parmi les Nations à avoir sauvé des Juifs américains.

Edmonds « était un dirigeant qui n’aurait pas demandé à ses hommes de faire quelque chose qu’il n’aurait pas fait lui-même », affirme son fils Chris.

« Cette histoire est un appel à l’amour du prochain, indépendamment de nos choix ou de nos croyances. Il a lutté contre l’oppression. Il a lutté pour la décence, pour l’humanité. Ce que nous appelons la vie, c’est à propos de nous tous, pas de l’un d’entre nous », a déclaré Edmonds.

« Ce prix s’appelle ‘Que la Lumière Soit’. Papa illuminait la pièce dans laquelle il entrait. Et quand il en sortait, on aurait voulu qu’il reste. »

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