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Chevaux maltraités : haro sur les calèches des îles d’Istanbul

Une commission parlementaire a indiqué en octobre que près de 400 bêtes mouraient chaque année sur les îles, mais les activistes pensent que ce nombre est deux fois plus élevé

Vue générale d'un lieu où stationnenent des calèches, attendant des passagers, sur l'île de Buyukada, au large d'Istanbul, le 18 novembre 2019 (Crédit :   Yasin AKGUL / AFP)
Vue générale d'un lieu où stationnenent des calèches, attendant des passagers, sur l'île de Buyukada, au large d'Istanbul, le 18 novembre 2019 (Crédit : Yasin AKGUL / AFP)

C’était l’une des balades les plus prisées à Istanbul: rejoindre par bateau l’une des « Îles aux Princes » au large de la ville, puis en faire le tour dans une calèche tirée par des chevaux.

Mais les jours de ces promenades semblent comptés après que le gouverneur d’Istanbul a annoncé vendredi la suspension des calèches pour trois mois à la suite d’une épidémie qui a mis en lumière l’état de santé alarmant des chevaux.

Une commission parlementaire a indiqué en octobre que près de 400 bêtes mouraient chaque année sur les îles, mais les activistes pensent que ce nombre est en réalité deux fois plus élevé.

En cause, les maladies, la malnutrition et les blessures provoquées par des conditions de vie calamiteuses, dénoncent ces groupes.

Les chevaux « ne sont rien que des objets », « pas différents d’un bus ou d’une voiture » aux yeux de ceux qui les utilisent, dénonce Elif Ertürk, à la tête d’une campagne appelée « Stop Aux Calèches, Les Chevaux Meurent ».

« Il y a des chevaux blessés à cause de la surcharge de travail et des mauvais traitements. Ils meurent parce que personne ne s’en occupe », décrie l’activiste.

Des journalistes de l’AFP ont constaté en novembre la présence d’ossements de chevaux éparpillés à proximité des écuries les plus récentes, construites en 2006 sur Büyükada, la plus grande des îles.

Dans les écuries, la saleté règne. Elles « sont dans un état catastrophique, pleines de saleté et de déchets », décrit Mme Ertürk. « C’est impossible de survivre là-dedans ».

Il n’existe ni vétérinaire, ni hôpital sur les îles en capacité de traiter des chevaux qui, pour certain, traînent les calèches blessés jusqu’au sang.

Conditions « désastreuses »

Le gouverneur d’Istanbul s’est finalement emparé du problème en annonçant vendredi une interdiction temporaire des calèches, accompagnée d’un ordre de destruction des étables « illégales » et de la construction d’espaces de quarantaine pour contenir les épidémies.

Les autorités sont particulièrement préoccupées par une épidémie de morve, une maladie respiratoire mortelle, qui a tué des centaines de chevaux sur les îles depuis la première vague d’infection, en 2017.

La décision du gouverneur a été prise après l’enterrement cette semaine de 81 chevaux morts de cette infection dans des fosses sur l’île de Büyükada.

Officiellement, il y a 1 000 chevaux enregistrés sur les quatre îles d’Istanbul, mais les défenseurs de la cause animale estiment que 1 000 autres y sont exploités illégalement.

Sultan Gülyar, de l’Association turque de Protection des Animaux, explique que la plupart des animaux sont acheminés illégalement par bateau durant l’été, quand la saison touristique bat son plein.

Puis, « en hiver, ces chevaux sont abandonnés dans la forêt. La plupart y meurent », affirme-t-elle.

Un cheval souffrant de la gourme dans les forêts de l’île de Buyukada, au large d’Istanbul, le 23 novembre 2019 (Crédit : Yasin AKGUL / AFP)

« Vers la disparition »

Les conducteurs de calèches, eux, refusent d’admettre que leurs animaux évoluent dans des conditions désastreuses.

« Nous employons des palefreniers, nous prenons soin des chevaux », affirme Osman Fidan, cocher depuis 35 ans.

Mais Erdem Gül, le maire des îles, reconnaît que le système est à bout de souffle.

« Nous n’arrivons pas à répondre aux attentes de ceux qui aiment les animaux, nous ne parvenons pas à protéger les droits des chevaux, nous ne pouvons même pas leur garantir les soins nécessaires », déclare M. Gül à l’AFP.

« Si nous n’arrivons pas à prendre soin de nos animaux », ajoute-t-il, « c’est de la cruauté ».

L’édile explique qu’il prépare un plan visant à réduire drastiquement le nombre de chevaux sur les îles et améliorer les conditions de vie des quelques spécimens gardés pour le « folklore », les autres devant être remplacés par un système de transport en commun électrique.

« Le système actuel ne fonctionne pas, il court vers sa disparition », ajoute-il. « Les cochers appartiennent au passé. »

« Saucisses de cheval »

Sans surprise, les conducteurs de calèches sont en colère.

« C’est facile de dire +à bas le système+, mais qu’est-ce qui arrivera aux 1.500 personnes qui vivent de cette activité ? », gronde Hidir Unal, président d’un groupe qui représente les cochers travaillant sur les îles.

Hidir Unal, président des groupe d’exploitants de calèches, pose sur l’île de Buyukada au large d’Istanbul, le 18 novembre 2019 (Crédit : Yasin AKGUL / AFP)

Hasan Cetek, 59 ans, fait ce travail depuis l’adolescence : « Qui s’occupera des chevaux ? Si cette pratique disparaît, ils finiront tous en chair à saucisse ! »

Aux critiques, M. Gül répond que sa solution passerait par des compensations pour les cochers versées par la municipalité.

Aujourd’hui, le prix d’une promenade de 12 kilomètres pour quatre personnes sur l’île de Büyükada est de 180 livres turques, soit une trentaine d’euros. Une formule qui reste populaire auprès des touristes.

M. Fidan, le cocher, assure que les calèches sont cruciales pour que les îles restent, comme aujourd’hui, exemptes de voitures.

« Beaucoup de touristes viennent pour les calèches », affirme-t-il. « Si on les interdit, cette île dépérira ».

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