Dans le nord d’Israël, les stigmates des frappes du Hezbollah
À Manara, 30 % des bâtiments ont subi d'importants dégâts ; 44 cas modérés à critiques ont été enregistrés à Shtula ; 46 % des sondés soutiennent une action militaire au Liban
Un bref sifflement annonce une puissante explosion, suivie d’un épais panache de fumée noire. De gros cratères marquent les endroits où des missiles antichars du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah ont provoqué de sérieux dégâts le long de la frontière nord d’Israël.
Depuis le 8 octobre, le Hezbollah attaque quotidiennement les communautés israéliennes et les postes militaires le long de la frontière avec des roquettes, des drones, des missiles antichars et d’autres moyens.
Jusqu’à présent, les affrontements à la frontière ont causé la mort de dix civils du côté israélien, ainsi que celle de quatorze soldats et réservistes de Tsahal. Plusieurs attaques ont également été lancées depuis la Syrie, sans faire de blessés.
Le Hezbollah a signalé que 313 de ses terroristes ont été tués par Israël depuis le 8 octobre, principalement au Liban, mais aussi en Syrie. Au Liban, 71 membres d’autres groupes terroristes, un soldat libanais et au moins 60 civils, dont trois journalistes, ont été tués.
Israël a menacé d’entrer en guerre pour forcer le Hezbollah à s’éloigner de la frontière s’il ne recule pas et continue de menacer les communautés du nord, d’où quelque 70 000 personnes ont été évacuées pour échapper aux combats.
Un organisme du ministère israélien de la Défense, responsable de la reconstruction du nord d’Israël, a déclaré avoir reçu 930 rapports de dommages dans cette zone, dont environ un tiers classés comme modérés à critiques. La majorité concerne des bâtiments résidentiels.
« Coup direct »
Des centaines d’autres cas n’ont pas pu être évalués, notamment dans les villes d’Arab al-Aramsheh, Manara et Metoula, car il est trop dangereux de s’y rendre.
Le rapport ne fournit pas d’estimation des coûts, mais selon un haut responsable de l’establishment de la Défense, qui a requis l’anonymat, la reconstruction dans les endroits les plus touchés pourrait prendre entre plusieurs mois et un an.
Au kibboutz de Manara, environ 30 % des bâtiments ont subi des dégâts importants, selon ce responsable.
Les villes les plus durement touchées comptaient certains des 60 000 civils évacués immédiatement après le déclenchement des hostilités. L’accès y est largement restreint par l’armée israélienne, qui invoque la situation sécuritaire.
Des reporters de l’AFP ont néanmoins pu visiter Shtula, un village de 300 personnes situé à la frontière libanaise, où 44 cas de dommages modérés à critiques ont été enregistrés.
Bien que la maison de son voisin ait été directement touchée et que des missiles aient frappé plusieurs autres bâtiments à proximité, Ora Hatan, 60 ans, est l’une des rares habitantes à être restée.
« Un missile antichar est passé au-dessus du poulailler et est entré directement dans la maison », raconte Hatan, en montrant la maison de son voisin touchée par un impact. « Un coup direct. Heureusement, personne n’était à l’intérieur. »
Pourtant, malgré les sept mois de bombardements, cette Israélienne refuse de partir.
« C’est ma maison, ma terre, mon pays. Où irais-je ? Pourquoi devrais-je partir ? », demande-t-elle, s’adressant à l’AFP, en montrant depuis son balcon le village de Raymeh, distant de deux kilomètres, dans le sud du Liban.
« Aucun objectif »
Alors que les violences ne connaissent pas de répit, les habitants du nord d’Israël sont las des déclarations officielles.
Depuis des mois, le ministre de la Défense Yoav Gallant promet qu’Israël rétablirait la sécurité.
Selon la Treizième chaîne, le conseiller à la sécurité nationale Tzahi Hanegbi a déclaré mercredi aux députés que « le gouvernement n’a défini aucun objectif clair concernant le nord, ni dates, ni cibles, ni objectifs stratégiques ».
Un sondage publié jeudi par la chaîne publique Kann souligne que 46 % des personnes interrogées soutiennent une action militaire au Liban, tandis que 29 % y sont opposées.
Jeudi, quelques centaines de personnes ont érigé un campement dans le nord d’Israël, appelant à une action urgente pour rétablir la sécurité et permettre aux déplacés de rentrer chez eux.
Nisan Zeevi, un des organisateurs de l’initiative, vit dans le kibboutz de Kfar Giladi et fait partie de son équipe de secouristes. Il a déclaré que le campement visait « à exprimer notre protestation au gouvernement israélien et au monde jusqu’à ce qu’ils trouvent une solution à la grave situation sécuritaire ».
De l’autre côté de la vallée, une tour de fortification de sept étages du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah domine les kibboutzim en contrebas, cibles fréquentes de frappes de drones et de missiles. Une maison dans le kibboutz voisin porte un trou béant provoqué par une frappe de missile ayant tué une femme israélienne et son fils en janvier.
« Il ne peut pas y avoir une situation où nous, les résidents de la Galilée, payons le prix de l’échec des accords diplomatiques qui n’ont pas été appliqués », a déclaré Zeevi, faisant référence à la fameuse résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU.
Celle-ci avait mis fin à la Seconde Guerre du Liban en 2006 et appelle au désarmement de toutes les forces armées non étatiques au Liban, ainsi qu’à la libération de la région située entre la frontière israélo-libanaise et le fleuve Litani de toutes les forces armées autres que l’armée libanaise et la mission de maintien de la paix de l’ONU, la FINUL.
Ces clauses de la résolution n’ont jamais été appliquées et le Hezbollah est devenu un groupe terroriste lourdement armé. Il affirme disposer de dizaines de milliers de terroristes et posséderait un arsenal de quelque 150 000 roquettes et missiles de différents types.
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