Dans les collines de Judée, on peut choisir entre un Bordeaux et du champagne
Les collines et contreforts de Judée en Israël deviennent la première appellation d'origine de la région, une aubaine pour le tourisme et les vignobles locaux

En France, il faut environ cinq heures pour aller de Bordeaux en Champagne, soit une distance d’environ 579 kilomètres.
Le trajet est beaucoup plus court entre les deux variétés dans la région des collines de Judée, en Israël, où les œnophiles peuvent déguster un Bordeaux de Castel et du vin du vignoble Raziel, réalisé selon la plus pure tradition champenoise, en seulement 30 minutes de route.
Castel, l’un des premiers vignobles-boutiques d’Israël, est situé dans les collines de Judée, la première région viticole israélienne à obtenir le statut d’appellation d’origine contrôlée.
On compte une trentaine de vignobles dans ces collines, où des projets sont en cours pour faire connaître cette région viticole israélienne désormais officielle, divisée en appellations distinctes, à savoir la Judée, les contreforts de Judée et les collines de Judée, qui sont situées à 400 mètres d’altitude minimum.
Une appellation d’origine contrôlée est un label portant sur zone légalement définie et protégée, destinée à indiquer qu’un produit est originaire de cette région et possède des qualités imputables à cette zone géographique. Elle fait souvent référence au vin et aux vignobles, mais est également utilisée pour le chocolat, le café et les oranges de Jaffa.
Israël a adhéré à l’Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine contrôlée en 1958, afin d’enregistrer Jaffa comme appellation d’origine contrôlée pour les agrumes cultivés en Israël.
L’Office israélien des brevets est l’autorité qui est chargée d’enregistrer les appellations d’origine contrôlées en Israël. Depuis qu’Israël a enregistré les collines de Judée, les contreforts de Judée et la Judée en tant qu’appellation d’origine contrôlée en 2020, les producteurs de vin locaux peuvent étiqueter leurs vins en tant que vin d’appellation d’origine si au moins 85 % des raisins proviennent de la région des collines de Judée. L’appellation israélienne est ensuite enregistrée auprès des 28 autres pays membres de l’Arrangement de Lisbonne.
« Je pense qu’il était grand temps que cela arrive », a déclaré le viticulteur de Tzuba, Paul Dubbs, un immigrant sud-africain qui cultive des raisins depuis 26 ans dans le kibboutz Tzuba, qui se trouve dans la banlieue ouest de Jérusalem. « J’ai entendu dire que la région des collines de Judée était reconnue par les Anglais comme une région bien avant qu’elle ne devienne officiellement une appellation d’origine contrôlée. C’est important pour les acheteurs de savoir d’où vient leur vin. »
L’appellation officielle tombe également à pic pour le tourisme israélien.

« Je souhaiterai rendre le tourisme viticole lucratif », a déclaré Anat Avia Niva, qui est responsable du tourisme culinaire et viticole pour le ministère israélien du Tourisme, lors d’une récente conférence pour les établissements vinicoles des collines de Judée. « C’est un petit pays. Il est facile de s’y rendre pour quelques jours et d’en profiter pour visiter deux régions viticoles. »
Les visites et les dégustations ne sont pas réservées qu’aux touristes étrangers. Récemment, durant une belle matinée en pleine semaine, la vaste terrasse de Castel, qui surplombe les collines de Judée, était remplie de touristes américains, d’hommes d’affaires en pleine réunion assis à table autour d’une bouteille et d’un plateau de fromage et de locaux prenant une pause déjeuner en toute décontraction dans ce domaine viticole certifié casher.
À Tzuba, ce n’est pas très différent. L’espace de dégustation du vignoble surplombe les collines verdoyantes, et plus d’une demande en mariage y a été faite au milieu d’une magnifique terrasse boisée qui fait également partie du vignoble.
Les bruits du parc d’attractions voisin de Kiftzuba peuvent parfois être entendus au loin lors de la dégustation du Terasa haut de gamme du domaine ou d’un Chardonnay croquant par une chaude journée d’été.

Pourtant, la région ressemble étrangement à la vallée de Napa, en Californie.
Au moins dix domaines viticoles de ces collines sont ouverts pour des visites qui peuvent être réservées sur Ontopo, un réseau israélien de réservation en ligne en temps réel utilisé par la plupart des établissements de qualité, y compris les domaines viticoles.
Mais c’est la désignation de l’appellation d’origine contrôlée qui pourrait vraiment catapulter les vins de Judée dans une autre sphère, estiment les viticulteurs locaux.
« L’appellation nous permettra de vraiment voler de nos propres ailes en tant que producteur, elle offre un potentiel incroyable », a déclaré Dubbs.
« Avec l’officialisation de la région, on a le sentiment que tout le monde travaille ensemble », a déclaré Lihi Yehuda, qui s’occupe du marketing pour Castel.
Le propriétaire et fondateur de Castel, Eli Ben Zaken, aujourd’hui âgé de 78 ans, est considéré comme l’un des pionniers des établissements vinicoles de la région et d’Israël, du moins si l’on considère l’industrie vinicole moderne de cette région.

Ben Zaken, qui a immigré d’Égypte via l’Italie, a d’abord ouvert le restaurant Mamma Mia à Jérusalem – l’un des premiers restaurants italiens de la ville – puis a planté des vignes en 1988 dans son jardin de Ramat Raziel, juste à l’extérieur de la ville.
Son domaine, le Domaine du Castel, fait partie du Quatuor des collines de Judée, qui comprend également les vignobles voisins Tzora Vineyards, Flam Winery et Sphera, quatre vignerons locaux qui ont contribué à faire connaître les vins israéliens – et l’appellation d’origine contrôlée des collines de Judée – dans le monde entier.
Castel a construit une nouvelle cave en 2015 au moshav Yad Lashmona, où les trois enfants Ben Zaken gèrent l’entreprise, dont Eytan Ben Zaken, qui est désormais le vigneron officiel aux côtés de son père.
En 2017, Eli Ben Zaken a tenté de faire des mousseux, et fabrique désormais le Raziel Rouge, le Raziel Rosé et un vin pétillant, le Raziel Non-Vintage, qui est un mélange de Chardonnay et de Pinot Noir de différents millésimes, cultivés dans la propriété familiale de Ramat Raziel, commercialisés sous la marque Castel.

« Eli voulait faire d’autres choses, et Ramat Raziel a été comme un terrain de jeu pour lui », a déclaré Yehuda.
L’expérimentation de nouveaux cépages et de nouveaux assemblages est l’activité préférée de ces vignerons.
Le vignoble de Castel n’est pas bio, mais il s’est orienté dans cette direction ces dernières années. Yehuda aime citer Ben Zaken, qui dit qu’il veut rendre la terre en meilleur état qu’il ne l’a reçue.
Leur déménagement dans un vignoble plus grand et plus moderne à Yad Hashmona a également permis d’introduire de nouvelles technologies, qui donnent aux vins une « expérience spa », un « processus très spécifique qui élimine les prises de risques », a déclaré Yehuda.

L’accent est également mis sur les vins plus légers et faciles à boire. En plus du Castel Gran Vin original, le premier vin rouge classique de la cave, et du Petit Castel, un millésime velouté qui mûrit en barrique pendant 12 mois, Castel produit maintenant La Vie Blanc du Castel, un mélange de Sauvignon Blanc, Chardonnay et une touche de Gewurztraminer ; Le Rosé du Castel, composé de Merlot, Malbec et Cabernet Franc, et La Vie Rouge du Castel, un assemblage fruité de Cabernet Sauvignon, Merlot, Cabernet Franc, Malbec, Petit Verdot et Syrah.
« Nous ajoutons des vins plus jeunes à notre liste », a déclaré Yehuda. « Ce sont des vins à déguster au quotidien, des vins faciles à boire et légers en bouche. »
Au kibboutz Tzuba, qui est également certifié casher, Dubbs produit 60 000 bouteilles par an, notamment ses rouges haut de gamme Terasa et Metzuda, ainsi que les Sela, Shiraz, Merlot, Cabernet Sauvignon et Rose. Il cultive également du Petit Verdot, du Carignan et du Chenin Blanc sur la parcelle expérimentale du kibboutz, en grande partie parce qu’il constate que ses clients sont plus jeunes et veulent boire régulièrement des vins plus légers et plus fruités.

Chacun des vignobles de Tzuba cultive un seul type de raisin, et Dubbs éclaircit les vignes afin de développer « des vins plus accessibles avec beaucoup de potentiel », dit-il. « C’est ce que les gens recherchent ».
Tant de chemin parcouru depuis que Dubbs a appris à faire du vin au Cap avec son père, qui mettait en bouteille du vin doux de « kiddush » fait avec un kilo de raisins et un kilo de sucre. Il est venu en Israël, à la recherche d’un kibboutz qui cultivait des raisins, et s’est retrouvé à Tzuba, « presque par hasard ».
À l’époque, le kibboutz avait surtout des vergers de pommes et de poires, mais il étudiait les vignobles et l’industrie viticole naissante. Tzuba cultive toujours des pommes et des poires, mais ces deux fruits nécessitent beaucoup plus d’eau que le raisin, et il semble évident que la vigne est leur futur fruit de prédilection.
« Nous sommes l’État du silicium, et il en va de même avec l’industrie du vin », a déclaré Dubbs. « Nous avons réalisé en 20 ans ce qui a demandé plusieurs générations aux Français. Nous avons beaucoup de vignerons talentueux et notre agriculture est en avance sur tous les autres. »

L’établissement vinicole de Tzuba est la propriété du kibboutz, mais les membres du kibboutz n’interviennent pas dans l’entreprise, laissant toutes les décisions de l’établissement au conseil d’administration, qui comprend quatre personnes qui ne font pas partie du kibboutz.
L’établissement vinicole du kibboutz exporte actuellement 30 % de son vin, en vend 20 % en salle de dégustation et 40 % sur le marché local.
En réalité, a déclaré Dubbs, l’établissement vinicole a été approché par « six ou sept millionnaires qui souhaitent simplement être impliqué dans un établissement vinicole israélien ». Bien qu’ils seraient intéressés par un partenaire indépendant en vue de faire un investissement stratégique, ils n’ont pas encore trouvé la bonne personne.
L’appellation d’origine contrôlée, cependant, pourrait tout changer, s’est-il dit.
« Les gens verront l’étiquette de l’appellation chez le caviste et y penseront », dit-il. « Ils voudront acheter du Judean Hills ».
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