De quelle extrême droite Eric Zemmour est-il le nom ?
Le polémiste est notamment soutenu par l'Action française, des nostalgiques de l'Ancien régime qui voient chez lui la possibilité d'un "compromis nationaliste"
Le polémiste désormais candidat à la présidentielle, qui se présente comme un « réactionnaire », est un héritier de la droite bonapartiste devenu le promoteur d’un « nationalisme ethnique », selon des experts.
Le politologue Jean-Yves Camus faisait partie de sa promotion à Sciences Po. Il se souvient d’un étudiant qui « n’était pas militant à l’extrême droite » et a commencé à travailler au conservateur Quotidien de Paris, alors que l’intéressé affirme avoir voté pour François Mitterrand.
Eric Zemmour, qui rêve aujourd’hui d’unir la droite classique et l’extrême droite, se dit l’héritier du RPR des années 80, « celui qui en 1983 accepte l’alliance avec Jean-Pierre Stirbois, chef de file du Front national aux municipales de Dreux », rappelle M. Camus.
Mais son discours a évolué « vers des rivages bien plus radicaux que le RPR des années 80 », en devenant quasi « contre-révolutionnaire », selon ce spécialiste du RN.
« Ce que Zemmour attaque, ce sont les valeurs des Lumières », explique M. Camus.
Pour le polémiste, le libéralisme sur le plan des valeurs sociétales « détruit les structures traditionnelles » : selon lui, les révolutionnaires « ont eu la peau de l’Église, de la monarchie, maintenant ils ont la peau de la famille, de la patrie ».
« Ethnicisation »
Il y a également « une ethnicisation des termes, du débat », selon M. Camus, quand le candidat défend la thèse complotiste du soi-disant « grand remplacement » de la population européenne par une population non-européenne.
« Avaliser cette thèse implique non seulement de fermer les portes du pays à toute nouvelle immigration non-européenne mais, à terme, de tenter de revenir à une composition antérieure et ‘authentique’ du peuple français » par la « remigration », ajoute le politologue.
Eric Zemmour, très jacobin, ne s’inscrit pourtant pas dans la pensée « ethno-différentialiste », qui accepte les différences, les identités régionales, à condition que « chacun reste chez soi », dans des sociétés monoculturelles ou monoethniques.
Même si d’anciens cadres du « Groupement d’étude des civilisations européennes », un cercle proche de ce courant de pensée qui réunit des figures de l’extrême-droite depuis les années 1970, œuvrent à ses côtés. Philippe Milliau, président de TV Libertés, organise ses réseaux en Bretagne. Tristan Mordrelle, proche de sphères néo-nazies, s’occupe de lever des fonds.
Le polémiste est en outre soutenu par l’Action française, des nostalgiques de l’Ancien régime qui voient chez lui la possibilité d’un « compromis nationaliste » visant à « une coopération ponctuelle avec le camp patriotique non-monarchiste ».
Mégret
Maurassien, Eric Zemmour ? Selon l’historien Olivier Dard, il en diffère parce qu’il n’est pas monarchiste, mais admirateur de Napoléon « qui était détesté » par Charles Maurras, et centralisateur, contrairement aux royalistes.
Le polémiste pourrait davantage se rapprocher du nationaliste Maurice Barrès.
Eric Zemmour considère comme l’écrivain qu’être Français passe « par la terre et les morts », soit l’attachement à la famille et à la terre natale, il admire comme lui Napoléon et soutient l’idée d’une République « plébiscitaire ».
L’idée de se « défendre » contre les « barbares » réunit également les deux hommes.
Pour autant son « rapport à la nation n’est pas le même », note M. Dard. Eric Zemmour, issu d’une famille pied-noire d’Algérie et de confession juive, plaide pour « l’assimilation » jusqu’à renoncer au prénom de son pays d’origine, quand Maurice Barrès « considère qu’on ne peut pas échapper à ses racines ».
Reste que, selon l’historien de la Shoah Laurent Joly, depuis Barrès et Maurras, antisémites et anti-Dreyfusards notoires, « aucun autre intellectuel, journaliste ou écrivain, n’a eu ce statut de passeur des idées d’extrême droite auprès d’un très large lectorat ».
Sur la période récente, Eric Zemmour évoque aussi le dissident du FN Bruno Mégret, selon l’historien spécialiste de l’ultradroite Nicolas Lebourg.
Eric Zemmour, c’est l’antithèse de la dédiabolisation conçue à partir de 2002 par les cadres du FN et « le retour au FN de 1998 », explique-t-il. La dédiabolisation visait à « en finir avec les déclarations polémiques », que Zemmour multiplie, et à « dresser un mur entre le parti et les partisans d’un nationalisme ethnique, partis en 1999 du FN avec Bruno Mégret ».
Cette « nouvelle ligne devait être portée » par une femme, Marine Le Pen, pour changer la réception du discours. Loin du « masculinisme » vanté par Eric Zemmour.