Des représentants juifs en vedette à la Convention nationale démocrate
Selon des délégués, se focaliser sur les mesures de sécurité prises face aux quelques manifestants anti-Israël n'est pas révélateur de l'expérience juive au sein du Parti démocrate
La deuxième soirée de la Convention nationale démocrate à Chicago mardi a été marquée par de nombreuses prises de parole de Juifs démocrates.
La journée a commencé par une invocation de la rabbin Sharon Braus de Los Angeles. Elle s’est poursuivie avec les embrassades enthousiastes du gouverneur JB Pritzker, du gouverneur Josh Shapiro et du sénateur Bernie Sanders de la part des dizaines de milliers de personnes présentes à l’United Center bondé. Avant la prise de parole du couple Obama, la soirée a aussi été marquée par les discours en prime time du leader de la majorité du Sénat Chuck Schumer, qui a utilisé l’occasion pour s’élever contre l’antisémitisme, suivi du deuxième gentilhomme Douglas Emhoff, qui s’est exprimé sur son judaïsme et sur la façon dont son identité juive a été renforcée depuis que son épouse Kamala Harris est devenue vice-présidente et alors qu’elle cherche maintenant à obtenir la promotion ultime.
C’est peut-être en raison de la visibilité écrasante dont jouissent les Juifs démocrates – y compris ceux qui soutiennent Israël – que les efforts déployés par d’autres membres de la communauté pour dissimuler par sécurité le lieu d’événements juifs organisés en marge de la convention sont devenus plus perceptibles.
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La crainte de divulguer les détails exacts de ces rassemblements s’est avérée justifiée lorsque plusieurs manifestants anti-Israël ont fait irruption dans une manifestation organisée l’après-midi par Agudath Israel of America (AIA) et ont commencé à scander le mot « Honte ! » à l’adresse des participants et à entonner des slogans anti-sionistes. L’événement portait ironiquement sur la montée de l’antisémitisme aux États-Unis et n’avait pas grand-chose à voir avec Israël, mais les participants visiblement Juifs et orthodoxes étaient manifestement une cible facile pour les militants d’extrême-gauche masqués.
D’autres événements organisés par des groupes juifs ou pro-Israël se sont déroulés sans encombre, mais les participants à des réceptions telles que celle de la « Place des Otages » du Israeli American Council (IAC) n’ont été informés de l’emplacement exact de l’exposition éphémère que quelques heures à l’avance. L’IAC a également déclaré qu’il s’était installé sur une propriété privée à environ un kilomètre du United Center après avoir échoué à obtenir une autorisation auprès de la municipalité pour un espace plus proche du périmètre de la convention.
Alors que les événements juifs autres que la réunion de l’AIA se sont déroulés sans incident, une deuxième journée de manifestations anti-Israël a eu lieu mardi, avec des milliers de personnes marchant vers l’United Center. Une poignée d’entre elles ont été arrêtées après s’être opposées à la police.
"Brick by brick, wall by wall, Zionism has got to fall" — protestors showed up at an event hosted by Agudath Israel, an Orthodox Jewish organization, that is meant to highlight the rise of antisemitism & the growing electoral power of religious Jews pic.twitter.com/hfPU8LeQiN
— Gabby Deutch (@GSDeutch) August 20, 2024
Dans le hall de la convention, Schumer et Emhoff ont parlé de leur identité juive et se sont élevés contre l’antisémitisme, mais ont évité le sujet plus controversé que représente Israël.
Mais pour les délégués, se concentrer sur la petite minorité de manifestants à l’extérieur et sur les précautions prises par les organisateurs juifs d’événements parallèles revient à dresser un tableau inexact de l’expérience juive au sein du Parti démocrate, qui, dans de nombreux cas, semble être florissante.
Un parti en rupture avec Bibi, pas avec Israël
Des pancartes « Doug » flottaient dans l’arène alors que Emhoff évoquait avoir pris le bus pour se rendre à l’école juive lorsqu’il était enfant, avoir amené Harris aux offices des grandes fêtes juives après leur union et avoir vanté ses mets de Pessah alors qu’il racontait son éducation juive et sa vie d’adulte à la foule.
« Au cours de la dernière décennie, Kamala m’a rapproché davantage de ma foi – même si elle diffère de la sienne », a dit le second gentilhomme. « Kamala s’est battue contre l’antisémitisme et toutes les formes de haine, et elle m’a encouragé à mener un combat qui m’est cher. »
Schumer a reconnu la montée de l’antisémitisme, et a été applaudi après avoir exprimé son désir de l’éradiquer afin qu’il ne touche pas les générations futures.
« En tant qu’élu juif le plus haut placé de l’histoire américaine, je veux que mes petits-enfants et tous les petits-enfants ne soient jamais confrontés à la discrimination en raison de ce qu’ils sont », a-t-il déclaré.
Si ni Schumer ni le premier conjoint juif de la vice-présidente n’ont mentionné Israël, d’autres orateurs de premier plan, dont le président américain Joe Biden, n’ont pas hésité à aborder la question au cours des deux premières soirées de la convention, évoquant la nécessité d’un accord de « trêve contre libération d’otages » et se démarquant des manifestants qui, à l’extérieur, dirigeaient en grande partie leurs revendications vers Israël et non vers le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Les délégués démocrates ont également adopté une initiative vantant un engagement « inébranlable » en faveur d’Israël, malgré une opposition manifeste lors du vote de lundi.
La présidente du Conseil démocrate juif d’Amérique, Halie Soifer, qui a déjà été conseillère à la sécurité nationale de Harris au Sénat, a affirmé que son ancienne patronne ne réduira ni ne conditionnera l’aide à Israël si elle est élue. S’exprimant lors d’un événement parallèle mardi matin, Soifer a rappelé comment Harris avait obtenu des votes en faveur d’un programme d’aide à la sécurité au début de la guerre menée contre le Hamas.
« En ce qui concerne le soutien à Israël, le Parti démocrate, l’administration Biden et la vice-présidente Harris ont été très clairs : ils reconnaissent la relation spéciale entre les États-Unis et Israël, qu’elle est importante pour les deux pays et qu’Israël a le droit de se défendre », a déclaré le sénateur Ben Cardin au Times of Israel depuis la convention.
« Ils reconnaissent également que les tragédies au Moyen-Orient ont été causées par le Hamas, soutenu par l’Iran, et que nous devons éliminer cette menace », a ajouté le législateur, qui est également le président de la commission des Relations extérieures.
Le député Jamie Raskin a reconnu que Harris avait adopté un ton plus dur que Biden concernant la poursuite par Israël de la guerre à Gaza, mais il a fait valoir que les Démocrates faisaient la différence entre la relation bilatérale stratégique et le gouvernement de droite actuel à Jérusalem.
« Kamala Harris a parlé au nom de la grande majorité des personnes présentes ici, à savoir que nous défendons totalement la sécurité stratégique d’Israël, sa survie et son avenir, et en même temps, nous n’allons pas rester silencieux sur [le Premier ministre Benjamin] Netanyahu et l’aile droite en Israël qui sont indifférents aux victimes civiles et à la mort à Gaza », a-t-il déclaré au Times of Israel depuis son siège à l’United Center, parmi les délégués du Maryland.
« En réalité, ce sont les politiciens de droite en Israël qui testent jusqu’où le Parti démocrate est prêt à aller », a déclaré Raskin.
Pour l’heure, certains Démocrates, même parmi les plus progressistes, s’abstiennent de faire une croix sur Israël.
La représentante Alexandria Ocasio-Cortez a rencontré le père de l’otage israélo-américain assassiné Itay Chen, prenant une photo avec lui et exprimant son soutien aux efforts de la famille pour obtenir la restitution de son corps et de 104 autres otages enlevés par le Hamas le 7 octobre.
Le père d’Itay, Ruby, a également déclaré mardi au Times of Israel que les familles américaines d’otages présentes à la convention étaient en contact avec les organisateurs et qu’il était raisonnablement confiant quant à leur possibilité de prendre la parole sur la scène principale du United Center avant la fin de la convention jeudi soir.
Ces propos contrastent avec ceux des délégués anti-Israël qui, lors d’une conférence de presse mardi soir, ont exprimé leur frustration face à l’absence de réponse des organisateurs de la l’évènement à leur demande qu’un médecin ayant soigné des blessés palestiniens dans la zone de guerre de Gaza prenne la parole lors de la convention.
רובי חן, אביו של חלל צהל איתי חן ז״ל שגופתו מוחזקת בעזה פגש בכינוס של המשלחת מניו יורק את חברת הקונגרס אלכסנדרה אוקסיו קורטז וסיפר על בנו והחטופים האחרים, מהם 3 מניו יורק pic.twitter.com/CRAIDLPyK1
— יונה לייבזון yuna leibzon (@YunaLeibzon) August 20, 2024
L’émotion se manifeste de façon malsaine
Les délégués juifs et ceux qui soutiennent Israël ne semblaient pas avoir de scrupules à afficher leur identité, puisque des dizaines de kippot et de rubans jaunes – symbole de soutien aux otages – ont été observés dans l’assistance.
Brian Lis, délégué du Massachusetts, a reconnu que certaines personnes avaient fait des suppositions ou projeté leurs propres sentiments à son encontre en remarquant sa kippa, mais il a affirmé qu’il n’avait « reçu que de l’amour et de l’accueil » de la part des participants à la convention.
« J’ai commencé à porter une kippa le lendemain de l’élection de Donald Trump parce que c’était la première fois de ma vie que je m’inquiétais de mon statut de Juif américain. J’ai décidé que je pouvais soit m’y intéresser, soit m’en éloigner », a déclaré Lis.
« Par expérience, je m’inquiète beaucoup plus de la violence de la droite que de la violence de la gauche. Certains membres de la gauche disent des choses qui ne me font pas plaisir, qui peuvent me contrarier, mais je n’ai jamais été inquiété par la violence venant de la gauche, et c’est une ligne de démarcation vraiment difficile à tracer », a-t-il ajouté.
Lis a déclaré que les gens avaient le droit d’être contrariés par la poursuite de la guerre à Gaza, mais il a déploré que leur « émotion se manifeste de manière vraiment malsaine ».
Bob Morgan, délégué de l’Illinois, a mis en garde contre le fait de prêter trop d’attention à la minorité de manifestants anti-Israël.
« Il y a des dizaines de milliers de personnes ici, et si vous donnez la vedette à cinq d’entre elles, les médias s’en empareront. Cela ne signifie pas qu’ils sont représentatifs d’un grand groupe de personnes ici », a-t-il affirmé.
Si les familles des otages n’ont pas encore été représentées sur la scène principale, Morgan a fait remarquer qu’elles avaient été mises à l’honneur lors d’une poignée d’événements parallèles. « Elles font partie du tissu essentiel de ce que nous faisons ici, et je suis toujours favorable à ce qu’on les mette davantage en valeur. »
Lors de la Convention du Parti républicain, le mois dernier, les parents de l’otage Omer Neutra ont été invités à une heure de grande écoute. Le directeur de la Republican Jewish Coalition (RJC), Matt Brooks, a également pris la parole, recevant un tonnerre d’applaudissements après avoir demandé à l’auditoire d’applaudir Israël. La RJC a demandé aux orateurs de la convention de faire la même demande au United Center cette semaine.
Jennifer Laszlo Mizrahi, déléguée du Maryland, s’est montrée méprisante, arguant que de nombreux participants à la convention républicaine avaient applaudi parce qu’ils étaient évangéliques et pensaient que « les Juifs devaient s’y rendre pour qu’il y ait un second avènement ».
Elle a également fait valoir que les organisateurs d’événements juifs qui prennent des précautions de sécurité n’étaient pas uniques à la convention démocrate.
« Nous vivons une période très effrayante. Nous devons être très prudents pour prendre soin de nous-mêmes. Mais je revendique haut et fort mon identité juive », a déclaré Mizrahi, en mettant la main sur son pin’s jaune et son pendentif en forme d’étoile de David.
« Je suis incroyablement pro-Israël, et je suis vraiment préoccupée par la haine des Juifs ; mais je suis aussi profondément préoccupée par les Palestiniens innocents qui sont tués parce que le Hamas les utilise comme boucliers civils. Je pense qu’avoir de l’empathie pour la douleur qu’ils endurent, d’autant plus qu’un grand nombre d’entre eux sont morts, fait partie de mes valeurs juives, et j’espère que cela fait partie des valeurs du Parti démocrate et des valeurs de l’Amérique », a-t-elle ajouté.
Soulignant pourquoi la grande majorité des Juifs américains soutenaient depuis longtemps les candidats démocrates, Mizrahi a cité les « fiers gouverneurs juifs » Pritzker, Shapiro et Jared Polis, du Colorado.
« Nous ne représentons qu’une infime partie de la population, mais nous occupons une place importante au sein du Parti démocrate. Les dirigeants juifs sont très actifs au sein du parti, car celui-ci partage nos valeurs sur un très grand nombre de questions », a-t-elle fait remarquer.
Le lendemain, ce mercredi, lors de sa première apparition publique depuis sa nomination comme agent de liaison avec la communauté juive pour la campagne présidentielle de Kamala Harris, Ilan Goldenberg a lui vanté les efforts de l’administration Biden pour empêcher la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza de dégénérer en un conflit régional généralisé.
Goldenberg, qui a quitté son rôle d’assistant principal au Conseil de sécurité nationale pour rejoindre la campagne, dit avoir « très peu confiance » dans le fait que l’ancien président Donald Trump aurait réussi à empêcher une telle guerre régionale s’il avait été président au cours des dix derniers mois depuis le 7 octobre. Trump soutient que l’attaque du 7 octobre n’aurait pas eu lieu s’il avait été président parce que le régime de sanctions de son administration contre l’Iran n’aurait laissé aucun fonds à ce pays pour soutenir des mandataires comme le Hamas.
Goldenberg a affirmé que Harris – comme Biden avant elle – était attachée à « la liberté et à la sécurité des Israéliens et des Palestiniens ».
Aujourd’hui, Jeremy Ben Ami, qui dirige le lobby J Street, a lui affirmé que « la position dominante des Juifs américains était de penser que ce gouvernement israélien était en décalage avec nos valeurs et notre façon de voir la guerre ».
« Il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas aider les jeunes qui partagent cette vision, qui est la vision la plus répandue, à trouver les mots pour l’exprimer et à comprendre l’histoire du peuple juif », a déclaré Ben Ami lors d’un événement organisé en marge de la Convention nationale démocrate par le Conseil démocratique juif d’Amérique.
Ben Ami a exhorté les quelque 200 personnes présentes dans la salle à ne pas faire l’impasse sur les manifestants pro-palestiniens d’extrême gauche qui sont descendus dans la rue pour protester contre la guerre à Gaza.
Ben Ami indique que Harris est bien équipée pour amener ces manifestants vers des positions plus nuancées, qualifiant la vice-présidente d’« incroyable messager d’empathie ».
Il se souvient qu’après avoir rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahu le mois dernier, Harris avait fait une déclaration à la presse parlant de l’importance de « dépasser le binaire » concernant le conflit israélo-palestinien.
Ben Ami dit que ce message s’adresse aux jeunes juifs américains, qui ont également « beaucoup d’empathie pour les civils palestiniens de Gaza » en plus de leurs liens de longue date avec l’État d’Israël.
Le leader de J Street a vanté le nouveau ticket du Parti démocrate comme celui qui apporte un « équilibre » à la question, indiquant que l’administration Biden penchait davantage vers Israël.
« Le ticket de ce parti apporte un équilibre qui reconnaît que nous devons avoir des droits, de la liberté, de la sécurité et de la sûreté pour les Israéliens et les Palestiniens – c’est ce qui nous sépare du Parti républicain. »
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