Des restaurants huppés de Tel Aviv deviennent casher pour nourrir les soldats, les hospitalisés et les évacués du sud
Il s'agit d'une certification casher d'urgence, valide une semaine et à renouveler chaque semaine, explique Yotam Doktor
Normalement, le restaurant Haachim, rue Ibn Gabirol à Tel Aviv est bruyant, très animé, rempli de convives pressés de faire leur choix parmi la carte très select de ce restaurant de viande qui s’est fait une spécialité des brochettes de viande servi avec du houmous, du labaneh garni d’artichauts et des choux-fleurs rôtis entiers.
Cette semaine, avec une centaine d’autres restaurants de Tel Aviv, il est devenu essentiel pour un service d’une toute autre nature, qui profite aux soldats, aux hôpitaux comme aux survivants évacués des communautés proches de Gaza.
Ces cinq derniers jours, l’équipe de ce restaurant a, à elle seule, sorti près de 20 000 repas par jour, avec l’aide de quelque 300 bénévoles inspirés par le propriétaire des lieux, Yotam Doktor, qui a pris conscience samedi soir que la tragédie appelait une réaction pour venir en aide à ceux qui en ont besoin.
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En étroite collaboration avec Achim Laneshek (Frères d’armes), qui gère pour sa part la logistique complexe des personnes en demande de nourriture, l’équipe de Doktor, composée de chefs, de préposés à l’emballage et d’organisateurs, cuisine, emballe et envoie des dizaines de milliers de repas casher depuis Haachim dans tout le pays, comme 7 000 autres repas préparés par d’autres restaurants de Tel Aviv.
Après le rejet d’un convoi de 2 000 repas jugés insuffisamment casher par leurs destinataires, Dok, comme on l’appelle, a pris conscience qu’il devait préparer des repas appropriés pour tous.
Depuis, Haachim, comme nombre d’autres restaurants habituellement non casher, a reçu une certification casher temporaire de la part du rabbinat de la ville, leur permettant de préparer des plats assurément casher.
Il s’agit d’une certification casher d’urgence, valide une semaine et à renouveler chaque semaine, explique Doktor.
« Le rabbinat a compris qu’il avait aussi son rôle à jouer », dit-il. « Un superviseur casher nous aide à faire les choses bien. »
Cela n’a pas été une mince affaire de convaincre le rabbinat de Tel Aviv de délivrer une certification casher d’urgence à Haachim, confie Shalom Simcha Elbert, chef cuisinier d’OCD, l’un des meilleurs restaurants d’Israël.
Né et élevé à Jérusalem, Elbert a étudié dans une yeshiva avant d’apprendre à cuisiner. Il s’est rendu compte, dès le premier jour de la guerre, que les restaurants participants à cette initiative solidaire auraient besoin d’une certification casher.
« Les deux tiers des personnes que nous allons nourrir mangent casher », explique Elbert, qui donne un coup de main à Haachim.
Le premier jour, Haachim a commencé par éliminer tous les produits laitiers de la cuisine pour travailler avec l’organisation de certification casher alternative Tzohar. Ils ont rapidement réalisé que l’armée n’accepterait pas de nourriture préparée sous la supervision de Tzohar.
Elbert a creusé la question, parlé avec un superviseur casher du rabbinat de Tel Aviv, l’a fait venir dans les cuisines de Haachim pour parler casherisation, et a obtenu dès le lendemain une certification d’urgence valable une semaine.
C’est ensuite que le superviseur casher a fait une crise, ajoute Elbert.
« Sept heures durant, nous avons dû retenir 10 000 repas parce que nous n’avions pas la certification ».
Elbert a eu le président Isaac Herzog au téléphone, qui a contacté l’ancien grand rabbin Yisrael Lau, qui a rendu une décision de loi juive pour permettre aux restaurants non casher d’avoir une certification casher d’urgence pour un temps donné.
« Alors maintenant, nous sommes fermés pour Shabbat », déclare Elbert, du restaurant Haachim. « Nous ne comptons pas nous inscrire à long-terme dans la voie de la casheroute : ce n’est pas ce que nous faisons au jour le jour, mais nous voulons avant tout nourrir les gens d’une manière appropriée. »
Asif, le centre culinaire de Tel Aviv avec un restaurant populaire au premier étage, est également en train d’obtenir une certification casher temporaire, a déclaré Chico Menashe, PDG d’Asif.
Le personnel des cuisines d’Asif travaille avec Gil Ackerman, un traiteur de Tel Aviv, venu avec 100 autres bénévoles et la logistique dirigée par Haachim. Le restaurant, qui compte habituellement trois chefs, en compte aujourd’hui 15, et dix en seconde ligne, pour préparer quelque 8 000 repas par jour.
Loin de leurs habituels plats sophistiqués et coûteux, ils font frire des escalopes qu’ils mettent dans des pains pitot et préparent de grands saladiers d’aliments chauds et réconfortants pour les patients hospitalisés.
La semaine prochaine, l’idée est d’apporter de l’aide aux centaines de familles survivantes du sud actuellement logées dans des hôtels, sous forme de « plats familiaux », explique Menashe, qui utilise toutes sortes d’ingrédients mais continue de commander à des producteurs du coin afin d’assurer un revenu à ces agriculteurs et entreprises. « Vous voyez, ce que l’on mange en famille. »
Chez OCD, les chefs cuisinent régulièrement pour des organisations caritatives, mais toujours avec une exigence de qualité qui l’emporte sur celle de quantité.
« Je peux préparer 20 000 repas dans ma cuisine, mais je préfère en faire 10 000 avec des chefs qui savent comment préparer des aliments savoureux, nourrissants et abondants », a déclaré Elbert.
Il est important de proposer également des plats végétaliens ou sans gluten à ceux qui en ont besoin, estime Merav Yaari de Meshek Barzilay, épicerie fine végétalienne à emporter doublée d’un restaurant dans le quartier Neve Tzedek, à Tel Aviv. Yaari et son équipe préparent donc des repas végétaliens, principalement pour les besoins des patients hospitalisés et des soldats qui « veulent ce type de nourriture ».
« Petit à petit, nous identifions celles et ceux qui ont besoin de ce type de repas », explique Yaari, comme ces militaires de faction dans les hôpitaux, 18 heures par jour, qui sont intolérants au gluten ou simplement végétaliens. « Vous savez, la nourriture d’hôpital n’est pas adaptée dans leur cas. »
Ils sont également en contact avec des réservistes et des soldats : des bénévoles de Meshek Barzilay livrent chaque jour les bases militaires du sud du pays.
Même quand on cuisine pour des milliers de personnes, il faut des aliments sains et frais, rappelle Hedai Offaime, qui possède trois établissements à Jérusalem, notamment au musée d’Israël. Le menu habituel d’Offaime fait la part belle aux produits laitiers à base de lait de chèvre produit dans la ferme que son frère et lui exploitent dans le Neguev.
La logistique d’Offaime s’appuie sur son établissement de Hansen House, dans le quartier de la Colonie allemande de Jérusalem, d’où partent en ce moment 8 000 repas par jour, 10 000 et peut-même 15 000 dès la semaine prochaine.
Près de 90 % des plats préparés par Offaime vont aux soldats et aux réservistes, ainsi qu’aux hôpitaux, aux familles évacuées du sud, aux bénévoles du Magen David Adom et à « tous ceux qui le demandent », assure-t-il, « comme les sans-abri, beaucoup moins pris en compte en ce moment ».
Les cuisiniers préparent des pâtes, « des milliers et des milliers de sandwichs », précise Offaime, ainsi que des bourekas, des muffins et toutes sortes de produits de boulangerie, dans leur boulangerie pâtissière et leurs cuisines industrielles.
Il y a aussi des légumes frais, parce que les soldats peuvent en manquer, ajoute Offaime. « Dans les premiers jours, ils sont contents d’avoir des Bamba et des Cheetos, mais ils ont aussi besoin de légumes frais. »
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