Douze mois de projets musicaux en hommage aux victimes du 7 octobre
Artistes confirmés et amateurs ont pris soin de mettre en musique des textes écrits par les défunts, capturant ainsi l'esprit de ceux dont la bande originale personnelle s'est interrompue sans crier gare

Le 7 octobre 2023, des centaines de jeunes adultes ont été massacrés par les hommes armés du Hamas lors d’un festival de musique organisé aux abords du kibboutz Reïm.
Des dizaines de terroristes avaient pris d’assaut la rave-party Supernova, commettant un carnage devenu un symbole rouge sang du pogrom. Selon la Fondation Tribe of Nova, 410 personnes avaient été tuées au total – un chiffre obtenu en ajoutant le nombre de morts recensés dans des festivals de taille plus modeste qui se déroulaient à proximité, Mushroom, Psyduck et Midburn. Un grand nombre des défunts étaient des musiciens, des DJs, des auteurs ou des compositeurs.
La musique, cette bande originale qui marque le rythme de nos existences, nous accompagne dans les difficultés, les réussites et dans tout ce qui se trouve entre les deux. Mais que se passe-t-il lorsqu’une vie est interrompue, que la musique s’arrête sans avertissement préalable ?
C’est une question qui se pose depuis un an – une question qui se pose depuis le pogrom qui a été commis dans le sud d’Israël par le Hamas, le groupe terroriste au pouvoir à Gaza. Plus de 1 200 personnes avaient perdu la vie lors de ce Shabbat noir et des communautés entières avaient été ravagées, déclenchant la guerre qui oppose actuellement Israël au Hamas et au Hezbollah. Un conflit qui, à son tour, a fait des centaines de victimes parmi les soldats de l’armée israélienne, que ce soit à Gaza ou dans le nord du pays.
Pour un grand nombre de personnes, la musique a été un moyen d’affronter cette perte brutale et sans précédent de vies humaines. Dans un petit pays comme Israël, rares sont ceux qui ont finalement été épargnés par l’horreur, que ce soit directement ou indirectement.
Au cours des douze derniers mois, des hommages ont été rendus en musique à de nombreux défunts, notamment avec des chansons qui leur ont été dédiées. Certaines des victimes étaient elles-mêmes des musiciens, et leur travail a été rendu public à titre posthume.
Bnayahu Bitton, un musicien en herbe de 22 ans, venait de terminer son service militaire lorsqu’il avait fui le site où se déroulait le festival Supernova où il était allé en compagnie de quelques amis. Il avait été abattu aux portes du kibboutz Beeri, qui, ce matin-là, avait également été pris d’assaut par les terroristes, comme cela devait être le cas d’un trop grand nombre d’autres communautés israéliennes installées à la frontière avec Gaza.
Bitton, qui jouait de la guitare et qui chantait, avait enregistré plusieurs de ses propres chansons dans un studio privé. L’une d’entre elles, « Se lever », a été retravaillée par des professionnels avant d’être rendue publique, au mois de mai, par les membres du Projet Netzach, une coalition d’artistes qui se sont réunis après le 7 octobre pour commémorer les œuvres de ceux dont la vie a été tragiquement interrompue, ce jour-là.
Tamar Samet, âgée de 20 ans, qui était originaire de Pardes Hannah-Karkur, avait été une autre victime du massacre de Nova. L’œuvre musicale de la jeune femme lui aura permis de revivre à titre posthume. Au mois de décembre, Ben Ronen, un ami de Samet qui effectuait son devoir de réserve dans l’armée israélienne à Gaza, a mis en ligne un enregistrement de sa chanson « Comment j’ai brûlé un pont ». La chanson est interprétée par la défunte.
Cette courte chanson – une ballade accompagnée à la guitare qui, lorsqu’elle a été diffusée, a été reprise en boucle sur plusieurs stations de radio israéliennes – ne comporte que quelques paroles : « C’est encore arrivé, j’ai fait une erreur, il n’y a pas de retour possible/J’ai de nouveau dit des choses que je n’avais pas l’intention de dire, elles n’étaient pas justes/Et comment ça se fait ? J’ai brûlé un pont ».
La chanson a ensuite fait l’objet d’un autre arrangement, très différent, de la part des étudiants de Tzil B’Galil, une école qui accueille de jeunes violoncellistes qui ont utilisé l’enregistrement vocal de Samet.
D’autres victimes ont été commémorées par le biais d’œuvres musicales qui étaient d’ores et déjà sorties avant le 7 octobre. La veille du jour où Naor Levi, qui travaillait comme DJ Goa/psytrance sous le nom de « DJ AudioPhiller, » avait été tué à la rave-party Nova, le jeune artiste de 24 ans avait donné un concert d’une heure au Rising Spirit, un événement de 24 heures qui s’était déroulé pendant les vacances de Souccot, le 5 et le 6 octobre 2023.
Avant d’arriver à Reïm, Levi avait téléchargé ce dernier set de dance-music audacieux et rempli d’énergie sur sa page SoundCloud. Cette dernière, après la tragédie, est devenue un mémorial improvisé, des centaines de personnes y ayant laissé des commentaires et y ayant rendu hommage du DJ disparu trop tôt.
Certaines des victimes du festival Nova étaient des artistes reconnus – c’était le cas de Matan « Kido » Elmalem, 42 ans, un DJ de musique trance connu qui se produisait à l’échelle internationale, et d’Osher et Michael Vaknin, 35 ans, vrais jumeaux et producteurs de musique électronique qui faisaient partie intégrante de l’équipe chargée de l’organisation du festival Nova.
Ces artistes disparus, ainsi que d’autres comme Jake Marlowe, bassiste du groupe de métal britannique Desolated qui, ce jour-là, assurait la sécurité au festival Nova, ont également vu leurs pages sur les réseaux sociaux, leurs sites musicaux et leurs vidéos YouTube transformés en mémorial.
Des hommages ont été rendus par le biais de projets liés à la musique à de nombreuses autres victimes du carnage qui avait été commis au festival – majoritairement à l’initiative de familles et d’amis, avec des projets qui étaient avant tout destinés à ceux qui connaissaient personnellement les personnes décédées.
Cependant, l’émouvante ballade « Tirkedi » (Danse !) qui est interprétée par le chanteur populaire Osher Cohen, un titre dédié à toutes les victimes du festival et qui avait été diffusé quelques semaines seulement après le 7 octobre, est instantanément devenue un hymne populaire de résilience qui a été joué ou repris lors d’innombrables cérémonies de commémoration.
Les paroles évoquent l’atmosphère d’une nuit de danse qui, au petit matin, est prise d’assaut par des terroristes sur fond d’attaques à la roquette, imaginant les victimes encore en train de danser au paradis. À l’approche du premier anniversaire du pogrom, Cohen a diffusé une version live de cette chanson émouvante.
Héros et soldats
D’autres victimes de l’attaque du Hamas, qui n’étaient pas présentes sur les sites des différents festivals, ainsi que des soldats ayant péri dans les combats à Gaza ont également été honorés de la même façon.
L’une des plus connues est Yotam Haïm, batteur de heavy metal de 28 ans qui, après avoir été kidnappé au kibboutz Kfar Aza, avait survécu à des semaines de captivité, dans la bande, avant d’être accidentellement abattu par des soldats de l’armée israélienne à la mi-décembre alors qu’il se trouvait en compagnie de deux autres otages israéliens. Tous les trois étaient parvenus à échapper à leurs ravisseurs – une tragédie qui avait bouleversé l’État juif.
Le frère aîné de Yotam Haïm, Tubal Haïm, également batteur, avait rallié de nombreux acteurs de la scène musicale israélienne à la cause de la libération de Yotam et, plus largement, à la nécessité de garantir la remise en liberté des autres otages. La mère de Yotam Haïm, Iris Haïm, est devenue une personnalité publique, prenant la parole lors de rassemblements et donnant des interviews. Elle avait, au cours d’un entretien, publiquement pardonné aux soldats qui avaient tué son fils par erreur, immédiatement après le tragique incident.
Les hommages à Yotam Haïm ont été nombreux – notamment de la part de son groupe, Persephore, qui a sorti en mars une chanson et une vidéo, « WARZONE », qui ont été dédiées à leur ancien batteur. Tubal Haïm, avec son groupe klezmer Pulkes et avec l’aide du chanteur Berry Sakharof, a sorti le mois dernier une version de « Cnafei Ruach » (« Les ailes de l’esprit ») qui est dédiée à Yotam Haïm.
Les paroles, écrites par le rabbin Avraham Kook, exhortent l’humanité à « se lever et à s’élever/ Parce que vous avez une force puissante/ Vous avez les ailes de l’esprit/ Des ailes d’aigle de chevalerie/ Ne les reniez pas, ou ce sont elles qui vous renieront ».
Les soldats tombés au combat ont également été distingués par des hommages musicaux. Le capitaine Omer Wolf, 22 ans, était mort au champ d’honneur aux abords du kibboutz Nir Oz, le 7 octobre. Plus tard, sa famille avait découvert qu’il écrivait des poèmes en secret, et le chanteur populaire Rami Kleinstein a depuis mis en musique l’un de ces poèmes, « Turquoise », un titre qui est ensuite sorti sous forme d’hommage en vidéo.
Les paroles, présentées par Kleinstein dans un style bossa nova délicat, mettent en garde contre une plongée trop profonde dans de belles eaux turquoises : « Vous avez attendu pendant des années ce silence apaisant/ Et il n’y a personne pour vous déranger quelque part dans les profondeurs/ Mais alors que vous continuez à descendre, la lumière disparaît/ Le turquoise devient noir/ La chaleur devient froide/ Et il est impossible de voir encore les poissons ».
Le capitaine Roi Nahary, 23 ans, avait également été blessé lors de la bataille survenue au kibboutz Nir Oz, le 7 octobre. Il avait succombé à ses blessures deux jours plus tard. En novembre, l’un de ses amis de lycée, Shachar Yaakov, a écrit et diffusé une chanson en hommage au défunt, « Tu es là avec moi », une ballade au piano remplie d’émotion.
Nahary avait un frère jumeau – tout comme Yaakov, qui y fait allusion dans son refrain : « Mon cœur brisé attend un signe/ Un autre souvenir qui ne s’efface pas avec le temps/ Mon ange, tu es là avec moi ».
La radio militaire prend le micro
Plusieurs projets ambitieux ont vu le jour pour commémorer les soldats israéliens tombés au combat – cela a été le cas en particulier ces dernières semaines, à l’occasion du premier anniversaire du 7 octobre. L’un d’entre eux, « Sept chansons pour octobre », est une série d’œuvres musicales dédiées aux soldats tombés au combat. Le projet a été produit par Galgalatz, la station de radio de l’armée israélienne qui est l’une des plus populaires du pays.
Ces chansons, qui ont été produites en coopération avec des artistes de premier plan, se sont basées sur des poèmes et sur des compositions écrites par des soldats tombés au champ d’honneur. Elles ont été collectivement rendues publiques à la date-anniversaire du pogrom, le 7 octobre 2024. Le projet comprend également, en plus des chansons, des entretiens vidéo avec les familles et avec les amis de tous ceux qui ont été commémorés ce jour-là.
Parmi les chansons les plus marquantes, il y a « Entre les nuages », une ballade chantée par la superstar Sarit Haddad. Elle a été créée à partir d’un poème qui avait été écrit par la sergente Adi Baruch, tuée le 12 octobre 2023 par une attaque à la roquette. C’était très exactement le jour où elle s’était présentée pour remplir son devoir de réserve.
Les paroles, qui anticipent la situation de manière sinistre, sont un appel aux vivants à continuer à exister après la mort de l’auteur : « Et si jamais je meurs avant mon heure/ Je veux que vous célébriez la vie/ Que vous vous réveilliez chaque matin avec un sourire sur le visage/ Et un peu de nostalgie dans le cœur/ Et que vous ne laissiez pas une seconde se perdre ».
Un autre titre de la série est « Peut-être la porte s’ouvrira-t-elle », une chanson qui a été arrangée par Eden Ben Zaken dans un style urbain, branché et qu’elle interprète elle-même. Elle a été écrite par trois jeunes femmes, les sergentes Aviv Hajaj, Daniela Gilboa et Yam Glass, qui faisaient leur service militaire ensemble en tant qu’observatrices à la base militaire qui est située aux abords du kibboutz Nahal Oz. Elles y faisaient aussi de la musique à leurs heures perdues.
La base avait été envahie le 7 octobre et Hajaj et Glass, ainsi que de nombreuses autres personnes, avaient été tuées. Gilboa et quatre autres observatrices avaient été enlevées et emmenées à Gaza. Les jeunes femmes seraient toujours en vie aujourd’hui.
Le 7 octobre, le Hamas avait enlevé 251 personnes qui avaient été emmenées en captivité au sein de l’enclave côtière. Il resterait 97 otages dans les geôles du Hamas – dont les corps sans vie d’au-moins 34 personnes dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
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