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Analyse« Nous allons changer la majorité automatique contre Israël »

En Afrique, le Roi lion Bibi pourrait l’emporter sur les Palestiniens

Offrant des savoir-faire de haute technologie et de sécurité en échange d'un soutien diplomatique, Netanyahu a été accueilli comme le chef d'une superpuissance

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu signe un livre d'or dans le palais présidentiel d'Addis Abeba, en Ethiopie, le 7 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu signe un livre d'or dans le palais présidentiel d'Addis Abeba, en Ethiopie, le 7 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

ADDIS ABEBA, Ethiopie – Un lion grandeur nature en peluche accueille les visiteurs du Palais national à Addis-Abeba, couché sur un tapis rouge orné d’étoiles de David. Toujours à l’affût d’un bon cadre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’a pas raté l’occasion de se faire photographier avec le lion en marge de sa rencontre avec le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, jeudi matin.

Quelques heures plus tard, le président du pays, Mulatu Teshome, a emmené son invité israélien vers le jardin du palais, où ils ont admiré les vrais lions. Netanyahu est le premier homme d’Etat à avoir été autorisé à se tenir aussi près des animaux ; même le président américain Barack Obama ne s’est pas vu accorder cet honneur lors de sa récente visite.

Posant pour les caméras avec le président Teshome, alors que deux lions se promenaient en arrière-plan, Netanyahu a déclaré que cet événement donne un nouveau sens au verset « Ils étaient plus légers que les aigles, plus forts que les lions » (2 Samuel, 1:21).

En Afrique, on pourrait pardonner à Netanyahu de se sentir tel le Roi lion Bibi.

Au cours de sa tournée de quatre jours cette semaine en Ouganda, au Kenya, au Rwanda et en Ethiopie – qui a nécessité des arrangements de sécurité sans précédent, y compris les forces spéciales et les transporteurs personnels blindés amenés d’Israël à bord des avions Hercules – il a été traité comme le chef d’une superpuissance mondiale.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président éthiopien Mulatu Teshome regardent les lions dans le palais présidentiel d'Addis Abeba, Ethiopie, le 7 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président éthiopien Mulatu Teshome regardent les lions dans le palais présidentiel d’Addis Abeba, Ethiopie, le 7 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

A Entebbe, Nairobi et Kigali, il a été reçu dans les aéroports par les chefs d’Etat des pays. Ils n’ont ménagé aucun effort pour qu’il se sente le bienvenu : tapis rouge, des gants blancs, fanfares militaires, hymnes nationaux, gardes d’honneur, coups de canon et jeunes filles distribuant des fleurs à la première dame.

Les capitales du Kenya, du Rwanda et de l’Ethiopie étaient ornées de grandes affiches mettant en vedette des photos du Premier ministre israélien – certaines aux côtés du leader local, certaines tout seul.

Une affiche accueille le Premier ministre Netanyahu au Kenya dans une rue de Nairobi, le 5 juillet 2016 (Raphael Ahren/Times of Israel)
Une affiche accueille le Premier ministre Netanyahu au Kenya dans une rue de Nairobi, le 5 juillet 2016 (Raphael Ahren/Times of Israel)

« C’est une personnalité très, très en vue », a déclaré le présentateur d’une chaîne d’information en Ouganda lors d’une émission en direct lundi qui a quasiment suivi Netanyahu pas à pas. « Ce n’est pas tous les jours qu’un Premier ministre israélien vient en Ouganda ».

Le lendemain, lors d’une réunion des Partisans évangéliques d’Israël à Nairobi, un shofar a été soufflé pour cette occasion mémorable – la première visite d’un Premier ministre israélien en Afrique subsaharienne en trois décennies, et la toute première au Kenya. « C’est un héros à nos yeux », a déclaré un sioniste local.

Les 12 minutes de discours relativement décevantes de Netanyahu, jeudi, aux législateurs d’Addis-Abeba – le plus ancien Parlement d’Afrique – ont suscité une réponse un peu moins enthousiaste que son discours controversé contre l’accord iranien au Congrès américain l’an dernier. Mais son aventure africaine était une promenade dans le parc par rapport à l’antre du lion dans lequel il a pris l’habitude de pénétrer à Washington et dans les capitales à travers l’Europe. En Afrique, personne n’a été vraiment dérangé par l’annonce que de nouvelles unités de logement seraient construites à Jérusalem-Est ou par la législation controversée pour freiner les ONG de gauche.

Nouveaux alignements

Comme Netanyahu l’a fait remarquer discours après discours, et briefing après briefing, de nombreuses parties du continent veulent se rapprocher d’Israël, principalement parce qu’ils sont intéressés par deux choses : la technologie israélienne – en particulier dans les domaines de l’agriculture, de l’eau et de la cyber-sécurité – et le savoir-faire israélien en matière de sécurité.

L’Afrique et Israël ont eu un passé de montagnes russes, mais dans une période d’escalade du terrorisme, de nombreux dirigeants de ce continent ont conclu qu’ils ne peuvent plus se permettre de tourner le dos à l’Etat juif. Netanyahu a souligné ce point lors de ses conférences de presse ; ses hôtes ont facilement fait écho au message.

Si l’Afrique a beaucoup à gagner d’Israël, Jérusalem, en retour, attend que le continent aide Israël à le sortir de son isolement international. Mais ce ne sont pas seulement les prouesses d’Israël en matière de haute technologie et de contre-terrorisme qui ont permis cette nouvelle romance avec l’Afrique. C’est le printemps arabe et l’effondrement des Etats jusque-là puissants qui ont permis le réalignement.

« Nous pensons que le monde a changé », a déclaré le président kenyan Uhuru Kenyatta mardi lors d’une conférence de presse conjointe avec Netanyahu.

« Les problèmes mondiaux que nous partageons aujourd’hui sont différents de ce qu’ils étaient il y a 30 ans. Et nous avons besoin de collaborer les uns avec les autres. Nous devons faire face aux menaces de sécurité auxquelles nous sommes confrontés ensemble ».

Une affiche qui annonce la venue du Premier ministre Netanyahu en Ethiopie dans les rues d'Addis Abeba, le 7 juillet 2016 (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)
Une affiche qui annonce la venue du Premier ministre Netanyahu en Ethiopie dans les rues d’Addis Abeba, le 7 juillet 2016 (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)

Alors qu’il atterrissait vendredi matin à Tel-Aviv, Netanyahu pouvait revendiquer plusieurs réalisations diplomatiques concrètes : la Tanzanie a annoncé son intention d’ouvrir sa première ambassade en Israël ; le chef d’une nation africaine musulmane (dont le nom n’est pas encore connu) qui n’a pas des relations diplomatiques avec Israël lui a parlé par téléphone et a accepté de le rencontrer dans un avenir proche ; et plusieurs pays d’Afrique orientale ont promis publiquement d’agir en faveur d’Israël pour que le pays obtienne le statut d’observateur à l’Union africaine.

Pendant des années, les dirigeants africains ont dit qu’ils soutenaient la candidature d’Israël pour retrouver le statut d’observateur, mais ils n’avaient jusque-là pris aucun engagement public pour y arriver.

Israël a perdu son statut d’observateur auprès de l’UA en 2002 et les récents efforts pour le regagner ont échoué principalement en raison des objections de l’Afrique du Sud. Mais la présidence de l’organisation, actuellement détenue par un Sud-Africain, changera dans quelques mois, ce qui pourrait fournir à Israël une occasion en or de rejoindre le groupe.

Regagner le statut d’observateur à l’UA « a une très grande importance pour nous », a déclaré Netanyahu mardi au Kenya. « L’Afrique est un continent avec 54 pays. La possibilité de changer leur position et leur attitude envers Israël est un changement stratégique dans la réputation internationale d’Israël ».

Recréer l’équilibre international

Plus précisément, Netanyahu est candidat pour changer l’équilibre du pouvoir dans la façon dont le monde se rapporte à la question israélo-palestinienne. Les Palestiniens, frustrés par des décennies d’impasse, ont au cours des dernières années, tenté d’internationaliser le conflit. Le blocage de cet effort était un objectif central de la mission de cette semaine en Afrique.

Alors que les alliés traditionnels d’Israël – les États-Unis et l’Europe – font pression sur Israël pour qu’il fasse la paix avec les Palestiniens, organisant des sommets de paix internationaux et menaçant de sanctions, Netanyahu voit l’Afrique comme un sauveur potentiel. S’ils votent comme en bloc, estime Netanyahu, ils peuvent aider à briser la majorité automatique des Arabes dans les instances internationales telles que l’ONU.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre le président du Rwanda Paul Kagame, à Kigali, Rwanda, le 6 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre le président du Rwanda Paul Kagame, à Kigali, Rwanda, le 6 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

« Cela pourrait prendre une dizaine d’années, mais nous allons changer la majorité automatique contre Israël. Voilà une chose qui n’avait jamais été possible dans le passé », a dit Netanyahu à la presse, lundi soir, alors que son avion se dirigeait vers le Kenya.

« Mon objectif est de parler directement et sérieusement avec les Palestiniens. Mais c’est impossible parce qu’ils s’échappent vers des forums internationaux où ils ont une majorité automatique », a-t-il dit le lendemain lors d’une conférence à Nairobi. Plutôt que de négocier directement avec Israël, les Palestiniens choisissent de se tourner unilatéralement vers les instances internationales pour faire avancer leur offre publique d’Etat, a déploré le Premier ministre.

Sa politique d’étendre les liens à l’étranger d’Israël, a-t-il soutenu, « va conduire à une situation dans laquelle les Palestiniens n’auront plus ce refuge et devront discuter avec nous sur une base bilatérale, une chose qu’ils refuseront de faire tant qu’ils auront le refuge international ».

Le but ultime, a déclaré Netanyahu aux journalistes jeudi est de créer un contrepoids au Mouvement des pays non alignés traditionnellement critique d’Israël – sous la forme d’un nouveau « mouvement aligné avec Israël ».

Le Premier ministre sait que son rêve que tout ou que la plupart des nations d’Afrique votent pour Israël ne sera pas réalisé demain. Cela fait partie d’une stratégie à long terme dont les fruits pourraient devenir visibles seulement dans des années – ou même des décennies.

Mais sa visite sur ce continent met en valeur le fait que Netanyahu a décidé de faire un effort déterminé pour exploiter le vaste potentiel que l’Afrique a pour Israël. Et comme il l’a précisé aux journalistes israéliens qui ont voyagé avec lui en Afrique, il y retournera.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre le Premier ministre d'Ethiopie, Hailemariam Desalegn, à Addis Abeba, le 7 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre le Premier ministre d’Ethiopie, Hailemariam Desalegn, à Addis Abeba, le 7 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

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