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Analyse

En baisse dans les sondages, Netanyahu tente de reprendre le contrôle de sa coalition

Consterné par sa cote de popularité, le Premier ministre cherche à imposer une nouvelle stratégie de calme à ses alliés indisciplinés, tout en se préparant à relancer sa réforme

Haviv Rettig Gur

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Des Israéliens protestant contre les projets du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu visant à réformer le système judiciaire israélien, à Tel Aviv, Israël, le 18 mars 2023. (Crédit : AP Photo/Ohad Zwigenberg)
Des Israéliens protestant contre les projets du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu visant à réformer le système judiciaire israélien, à Tel Aviv, Israël, le 18 mars 2023. (Crédit : AP Photo/Ohad Zwigenberg)

C’est l’une des ironies récurrentes de la politique israélienne : rien n’est plus efficace pour stabiliser un gouvernement ou une coalition parlementaire chancelante qu’une baisse dans les sondages.

Depuis la prestation de serment du gouvernement Netanyahu le 29 décembre dernier, le pays semble passer d’une crise dramatique à une autre. Le ministre de la Défense a été limogé mais reste en fonction ; le cabinet de sécurité ne s’est pas réuni depuis des mois [le texte a été rédigé avant la réunion du cabinet de samedi soir suite aux tirs de roquettes depuis le Liban], alors même que les menaces s’intensifient de près comme de loin ; des projets de loi impopulaires et illibéraux, des crises diplomatiques avec les voisins et les alliés – et par-dessus tout, le battement de tambour persistant de la crise suscitée par la volonté de remanier radicalement le système judiciaire qui divise chaque jour un peu plus la société israélienne.

La seule chose sur laquelle les Israéliens semblent désormais s’accorder est l’ampleur de la crise. Dans un sondage en ligne réalisé la semaine dernière, le site politique israélien The Madad a demandé aux personnes interrogées de caractériser la crise actuelle. Les deux options les plus désastreuses – « la crise la plus grave de l’histoire du pays » et la plus douce « parmi les crises les plus graves de l’histoire du pays » – ont été choisies par 39 % des sondés de droite, 71 % du centre-droit, 90 % du centre, 95 % du centre-gauche et 66 % de la gauche.

Les Israéliens ne s’accordent pas sur à qui incombe la responsabilité de cette crise. La plupart des électeurs des partis d’opposition blâment le gouvernement et sa volonté de remanier radicalement le système judiciaire israélien, tandis que la plupart des électeurs de la coalition dénoncent l’opposition.

Mais il y a environ 10 sièges de la Knesset, qui sont occupés par des électeurs de droite qui ne suivent pas les tendances, qui ont été délogés par la tourmente et qui fuient la coalition de Netanyahu.

Ce changement est visible dans tous les sondages.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dirigeant une réunion de sa faction, le Likud, à la Knesset, le 9 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Perte de vitesse

Au cours des trois mois entre un sondage du 23 décembre pour le journal Maariv et un sondage du 27 mars pour la chaîne publique israélienne Kan, la coalition au pouvoir est passée de 64 à 53 sièges – un scénario pessimiste pour le gouvernement.

Le scénario plus optimiste est celui de la Quatorzième chaîne, ouvertement pro-Netanyahu, et du sondeur Shlomo Filber, un ancien proche de Netanyahu. Selon les sondages de Filber la coalition passe de 64 à 58 sièges entre le 3 février et le 28 mars. (Le tableau des sondages est régulièrement mis à jour sur le site TheMadad.com).

Même cette infime baisse est plus que ce que le gouvernement peut se permettre. La coalition dispose d’une avance de huit sièges à la Knesset actuelle, mais cette avance est sur la base du seuil de 3,25 % des voix et non d’une majorité spectaculaire dans les urnes. Quasiment huit sièges ont été perdus lorsque Meretz et Balad n’ont pas réussi à franchir le seuil le 1er novembre dernier.

A LIRE : Malgré une quasi-parité des votes bruts, Netanyahu a 8 sièges de plus que l’opposition

Il est donc important de noter que les partisans de la coalition de Netanyahu, dont le nombre pourrait atteindre dix sièges, se soient détournés et semblent se diriger vers la liste centriste du parti de Benny Gantz, HaMahane HaMamlahti, qui comptait entre 10 et 12 sièges il y a trois mois, mais qui en obtiendrait plus de 20 aujourd’hui.

Netanyahu a de bonnes raisons de se fier aux sondages les plus sombres. Il y a deux ans, lors des élections législatives de mars 2021, les partis qui composent aujourd’hui sa coalition avaient remporté 52 sièges dans les urnes. Les autres s’étaient ralliés à sa bannière en signe de protestation contre le précédent gouvernement, et pas nécessairement par amour pour la nouvelle coalition.

Bezalel Smotrich, chef du parti HaTzionout HaDatit, et Yitzchak Goldknopf, chef de Yahadout HaTorah, à la Knesset, le 21 novembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Pendant les négociations de la coalition en décembre, ce sont ces électeurs que les instituts de sondage ont identifiés comme étant frustrés par la série de concessions que le Likud a accordée aux partis haredim et à l’extrême-droite – plus d’argent pour les yeshivot, plus de pouvoirs pour le Grand-Rabbinat d’Israël, de nouveaux ministères et pouvoirs pour Itamar Ben Gvir et Betzalel Smotrich.

Puis, quasiment au moment où ces pourparlers allaient prendre fin, la coalition s’est lancée dans une course effrénée pour tenter de réformer le système judiciaire, cristallisant une grande partie de cette frustration dans un virage favorable à Gantz.

Fin mars, Gantz a également commencé à attirer des électeurs de Yesh Atid, le plaçant dans de nombreux sondages (celui de la Douzième chaîne le 27 mars, celui de la Quatorzième chaîne le 28 mars) devant le chef de l’opposition Yaïr Lapid.

Il s’agit d’une règle générale concernant le centre et la gauche, qui s’est vérifiée à plusieurs reprises au cours des cinq scrutins électoraux des quatre dernières années : les électeurs du centre et de la gauche sont peu fidèles aux partis. Ils ont tendance à se rallier à la bannière du candidat ou de la liste qui semble gagner du terrain, à unifier les rangs du centre-gauche contre la droite.

C’est particulièrement vrai pour les partis dont les circonscriptions se chevauchent. Environ deux tiers des électeurs de Gantz soutiendraient un compromis sur la réforme du système judiciaire, tandis qu’un tiers s’y opposerait. Dans le parti Yesh Atid, la proportion est inversée : un tiers d’entre eux seulement soutiendraient un compromis avec la droite.

La combinaison des centristes du Likud et du flanc droit de Yesh Atid a permis au parti de Gantz de se situer dans la fourchette 21-23.

Le chef de HaMahane HaMamlahti, le député Benny Gantz, arrivant aux côtés de l’ancien ministre de la Culture et des Sports, Chili Tropper, à une manifestation anti-gouvernement, à Tel Aviv, le 14 janvier 2023. (Crédit : Naomi Lanzkron/Times of Israel)

La bonne étoile de Netanyahu

Pourtant, ce n’est pas Gantz qui est en cause. Ses nouveaux soutiens sont peut-être les électeurs les plus inconstants de l’échiquier politique. Il ne faudrait pas grand-chose – un nouveau parti de droite libérale, une scission du parti Tikva Hadasha, une revitalisation de Yamina – pour en éloigner un grand nombre.

La véritable histoire est celle de Netanyahu, le principal bénéficiaire de la chance de Gantz. La chute soudaine du soutien à la coalition en dessous de la barre des 60 sièges a même forcé certains des partenaires les plus radicaux de Netanyahu à se calmer rapidement, à tempérer ou à mettre de côté les projets de loi et les propositions les plus controversées, et à commencer à repenser leur comportement.

Aucun membre de la coalition ne veut prendre le risque d’affronter les électeurs de sitôt. Personne ne peut raisonnablement espérer un résultat plus favorable que la coalition actuelle.

Même le radical d’extrême-droite le plus désinhibé de la coalition, l’ancien activiste kahaniste Itamar Ben Gvir, qui a bâti sa carrière politique sur le personnage soigneusement cultivé d’un outsider provocateur, fait soudainement la sourde oreille.

Ben Gvir a été une écharde omniprésente dans le pied de Netanyahu depuis la naissance de ce gouvernement. Il s’est battu avec certains ministres, a envoyé de furieuses remarques lors des réunions du cabinet, a défié et critiqué Netanyahu à maintes reprises, et a même menacé publiquement de démissionner et de renverser le gouvernement.

Itamar Ben Gvir, chef du parti politique Otzma Yehudit, en visite à Beit Orot, dans le quartier d’At-Tur, à Jérusalem-Est, le 13 octobre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Mais les résultats de Ben Gvir dans les sondages ne sont pas bien meilleurs que ceux des autres partis de la coalition. Malgré tous ses efforts, nombre de ses partisans ont commencé à considérer le gouvernement comme trop conciliant et à le voir comme une déception. Nombreux sont ceux qui ont été irrités par le fait que Netanyahu ait suspendu la réforme du système judiciaire le mois dernier, un changement de ton qui a poussé Ben Gvir, inquiet, à menacer de démissionner.

La menace de Ben Gvir a effrayé Netanyahu. Le chef du parti Otzma Yehudit n’allait pas renverser la coalition : il a rapidement précisé qu’il prévoyait seulement de démissionner du gouvernement, mais qu’il continuerait à soutenir la coalition à la Knesset. Mais Netanyahu était déjà très affecté par la perte de partisans – au profit de Gantz – et craignait qu’une démission publique spectaculaire de Ben Gvir ne le prive de plus de partisans sur son flanc droit.

Il a pris la menace de Ben Gvir suffisamment au sérieux pour finalement tenir sa promesse d’établir une nouvelle « garde nationale » sous le contrôle direct de ce dernier.

En retour, Netanyahu a obtenu du chef d’Otzma Yehudit une concession (présentée par son parti comme une « demande ») : la faction d’extrême-droite a déclaré que Netanyahu avait jusqu’à la fin du mois de juillet pour remettre la réforme du système judiciaire sur les rails.

Ce sursis a été le bienvenu. La réforme peut désormais être mise de côté afin que la coalition puisse s’attaquer à un problème plus urgent : la date limite – fin mai – pour l’adoption du budget de l’État. Un échec entraînerait la dissolution automatique de la Knesset et des élections législatives anticipées. Une fois la loi budgétaire adoptée, le gouvernement de Netanyahu sera à l’abri – de ce danger en particulier – jusqu’à la prochaine échéance, en mars 2025.

La police déployant un canon à eau contre des Israéliens qui bloquent une autoroute principale pour protester contre les projets du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de remanier le système judiciaire, à Tel Aviv, le 1er avril 2023. (Crédit : AP Photo/Ohad Zwigenberg)

Un été chaud en prévision

Le calendrier est donc clair.

La réforme du système judiciaire est temporairement suspendue et tous les partenaires de la coalition jouent le jeu afin que le gouvernement puisse se concentrer sur le budget de l’État, qui une fois adopté en mai, donnera près de deux ans de stabilité relative au gouvernement.

Ensuite, à partir de début juin et jusqu’à la fin de la session d’été de la Knesset, fin juillet, Netanyahu sera en mesure de faire passer d’autres éléments de la réforme du système judiciaire. Le Likud a déjà commencé à réunir ses troupes pour mobiliser des contre-manifestants et répondre avec force à une nouvelle vague de protestations contre la reprise du processus législatif.

Consciente de ses récents échecs, la coalition avance désormais avec plus de prudence. La stratégie du ministre de la Justice, Yariv Levin, qui consistait en un blitz législatif agressif, est accusée par de nombreux membres de la coalition d’avoir déclenché les manifestations de masse qui ont entraîné l’arrêt temporaire du processus législatif. Cette stratégie a été mise de côté au profit d’une autre, plus conforme à la personnalité de Netanyahu : plus lente, plus prudente, attendant que l’adversaire se fatigue plutôt que de poursuivre une collision frontale.

Lorsqu’il a annoncé la pause législative, Netanyahu s’est néanmoins assuré que deux projets de loi clés du paquet de réformes, à savoir la modification de la commission de sélection des juges qui accorde à la coalition le droit de nommer elle-même les juges et la « loi Deri n°2 » qui permet au chef du Shas, Aryeh Deri, de réintégrer le cabinet, étaient inscrits à l’ordre du jour pour leur vote final en plénière.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à droite, s’entretenant avec le chef du Shas, Aryeh Deri, au centre, et le ministre de la Justice, Yariv Levin, lors de la séance plénière de la Knesset, à Jérusalem, le 27 mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

C’est un détail technique apparemment anodin qui met à nu sa stratégie. Chaque projet de loi peut faire l’objet d’un vote final avec un préavis d’à peine deux jours.

En d’autres termes, Netanyahu a entamé la « pause » avec la « balle législative déjà dans la Chambre » et prête à être tirée à tout moment.

Au cours des trois derniers mois, Netanyahu s’est efforcé de maintenir sa coalition sous contrôle mais a largement échoué. Mais la liste toujours plus longue des crises et des échecs du gouvernement, et la ruée des partisans mécontents vers l’opposition qui en a résulté, ont créé une nouvelle dynamique. Il semble désormais vouloir reprendre l’initiative, reprendre le contrôle de la stratégie législative du gouvernement et maîtriser ses partenaires les moins avisés.

Il y a quatre mois, Netanyahu avait promis qu’il aurait « ses deux mains sur le volant » de la coalition qu’il était en train d’établir. Les échecs se succédant, il a cessé de faire valoir cette promesse.

Peu d’Israéliens placent leurs espoirs dans les pourparlers de compromis du président Isaac Herzog. Le Premier ministre, quant à lui, met à profit cette période de « négociations » pour tenter de stabiliser sa coalition et poser les bases d’une action plus prudente et, l’espère-t-il, qui sera plus fructueuse à partir du mois de mai.

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