En Irak: le « samoun », pain en forme de losange, est un trésor national
Il craque sous la dent, il est le compagnon de tous les plats irakiens et il est bon marché : le samoun est à la table irakienne ce que la baguette est à la France
Il craque sous la dent, il est le compagnon de tous les plats irakiens et il est bon marché : le samoun, pain en forme de losange, est à la table irakienne ce que la baguette est à la France, un trésor national.
Chez Abou Sajjad, propriétaire d’une boulangerie dans le centre historique de Bagdad depuis 2005, on sort une fournée toutes les 45 secondes.
Sajjad, son fils, dit vendre 10 000 samouns « un jour normal. Mais le vendredi (jour de repos hebdomadaire en Irak, ndlr) on peut monter jusqu’à 12.000 ». Normal, en Irak le samoun est partout et sur toutes les tables. Tous les villages, même les plus reculés, comptent au moins un fournil.
Et le samoun est diablement simple à préparer.
Sajjad mélange un sac de 50 kg de farine à de la levure et de l’eau, puis il laisse la machine à pétrir masser la pâte pendant 10 minutes.
Quelques minutes de repos et en un tournemain le mitron transforme une boule de 90 à 100 grammes en un losange prêt à être cuit dans le four à briques. En ressort un pain croustillant à l’extérieur, fumant à l’intérieur.
Dans la boulangerie, c’est en permanence l’effervescence. La rue Al-Rachid, où les maisons du XIXe siècle s’affaissent dangereusement faute de réparations, est parsemée de restaurants qui sont aussi les principaux clients d’Abou Sajjad.
« On l’aime chaud »
Le samoun peut accompagner un plat de riz et de poulet en sauce, un « qouzi » (de la viande de mouton avec du riz) ou un « pacha » (une tête de mouton bouillie). Les Irakiens aiment aussi l’ouvrir en deux et y glisser leurs falafels agrémentés de légumes à manger sur le pouce.
Le samoun est aussi à la portée de toutes les bourses. « Je vends 8 samouns pour 1 000 dinars », soit à peine un euro, explique Abou Sajjad. Récemment, le prix de la farine importée de Turquie a augmenté, « mais je n’ai pas répercuté la hausse. A la place, j’ai baissé le poids de chaque samoun de 120 à 100 grammes ».
Mais d’où vient cette forme si caractéristique ? Sajjad se perd un peu : « le pain égyptien a une forme différente et vous les Français, vous avez la baguette ».
Dans son livre de recettes et d’histoire de la cuisine irakienne Delights from the Garden of Eden (Les délices du Jardin d’Eden, non traduit), l’autrice Nawal Nasrallah explique que le nom « samoun » vient du mot turc « ‘somoun’ dont l’origine est le mot grec ‘psomos’, un terme générique pour désigner le pain ».
La forme de losange aurait « été adoptée par les boulangers irakiens au début du XXe siècle », selon elle.
Entretemps, la pause de midi arrive à grands pas chez Abou Sajjad et Karim, un habitué de la boulangerie, vient se ravitailler en samouns. « Nous les Irakiens, on adore le samoun. On est né avec, on y est habitué et on l’aime chaud », dit-il laconiquement en grignotant un quignon brûlant.
Et il a raison : le samoun est meilleur à sa sortie du four. Au bout de quelques heures seulement, le pain s’assèche, se raidit et perd tout son croustillant.