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Analyse

Fonds qataris à Gaza : politiquement toxiques pour Israël mais évitent la guerre

L'ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale estime qu'un "shawarma par mois" pour chaque habitant de Gaza est un petit prix à payer pour un calme relatif

Judah Ari Gross

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Une Palestinienne compte son argent après avoir reçu son salaire à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 9 novembre 2018. (Said Khatib/AFP)
Une Palestinienne compte son argent après avoir reçu son salaire à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 9 novembre 2018. (Said Khatib/AFP)

La bande de Gaza, toujours en proie à des troubles, a de nouveau frôlé la guerre mardi, après qu’un tireur d’élite palestinien a ouvert le feu sur un groupe de soldats israéliens à la frontière, touchant le casque d’un commandant de compagnie.

On ne sait pas exactement qui a tiré sur l’officier de Tsahal, bien que Gazaouis et Israéliens soupçonnent le Jihad islamique palestinien soutenu par l’Iran, le deuxième groupe terroriste dans la bande de Gaza. Mercredi, des responsables du Hamas ont déclaré qu’ils enquêtaient sur l’affaire.

En réponse, l’armée israélienne a bombardé un poste d’observation du Hamas voisin, tuant un membre de l’organisation terroriste qui dirige la bande de Gaza et en blessant deux autres. Quelques heures plus tard, les forces aériennes ont également pris pour cible un site du Hamas dans le nord de l’enclave.

Plus nuisible encore pour le Hamas fut l’annonce faite par Israël mardi dernier de suspendre à nouveau le transfert de 15 millions de dollars de fonds qataris, qui devaient être remis mercredi à l’organisation islamiste. L’argent devait initialement être transféré la semaine dernière, mais le transfert avait été retardé en raison d’une flambée de violence le long de la frontière à ce moment-là.

Le casque d’un soldat israélien touché par une balle durant une émeute à la frontière de Gaza, le 22 janvier 2019. (Autorisation)

Le Hamas et les autres groupes terroristes n’ont pas encore riposté militairement à cette décision, mais ils ont averti qu’ils réagiraient d’une manière ou d’une autre et accusé le Premier Ministre Benjamin Netanyahu de faire monter la violence à Gaza à des fins électorales.

Près d’un an après le début des affrontements réguliers le long de la frontière gazaouie dans le cadre du mouvement de la « Marche du retour », la situation dans l’enclave côtière palestinienne risque de se détériorer et de dégénérer en une nouvelle guerre totale – ce qui serait la quatrième en une décennie environ – qui ne profiterait ni à Israël ni au Hamas, mais pourrait malgré tout éclater en raison de leurs motivations politiques internes respectives.

Les 15 millions de dollars de fonds qataris suspendus cette semaine relèvent d’une enveloppe totale de 90 millions de dollars, répartis en six versements mensuels, qui fait partie d’un accord non-officiel de cessez-le-feu « cash for quiet » (« de l’argent contre le calme ») entre Israël et l’organisation terroriste extrémiste.

L’argent versé au Hamas est destiné à couvrir les salaires des fonctionnaires de la bande de Gaza et d’autres dépenses non-militaires, mais au moins une partie des fonds finira probablement par servir aux activités terroristes de l’organisation, ne serait-ce qu’en compensant les frais que le Hamas aurait autrement dû régler de ses propres deniers.

Éviter la guerre au prix d’un repas dans un fast-food ?

Il n’est pas surprenant que ce transfert d’argent soit une question qui polarise profondément la société israélienne, d’autant plus que la campagne pour les élections d’avril bat son plein. Le moment choisi pour l’examen de la question est passé d’une analyse coûts-avantages principalement axée sur la sécurité à une question de réalités politiques et d’optique.

Un Palestinien montre son argent après avoir reçu son salaire à Rafah dans le sud de la bande de Gaza, le 9 novembre 2018 (Crédit : Said Khatib/AFP)

« Il ne s’agit pas tant de l’argent, mais de l’idée que le Hamas reçoive de l’argent alors qu’il frappe notre peuple », a déclaré Chuck Freilich, ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale, au Times of Israel mercredi.

En effet, l’image des 15 premiers millions de dollars sous forme de trois valises pleines de billets de 100 dollars entrant à Gaza pour livraison au Hamas, qui appelle à la destruction de l’Etat juif et agit selon cette idéologie, fut rapidement diffusée et utilisée pour critiquer le gouvernement coalition de Netanyahu.

Avigdor Liberman, du parti de droite Yisrael Beytenu, y avait spécifiquement fait référence lors de l’annonce de sa démission de son poste de ministre de la Défense en décembre. Désormais dans le camp de l’opposition, il continue d’attaquer le gouvernement à ce sujet.

Les responsables politiques de gauche, quant à eux, ne condamnent pas le Premier ministre pour avoir autorisé le transfert au Hamas en tant que tel, mais dénoncent plutôt l’hypocrisie de Netanyahu, qui se revendique une ligne dure face au terrorisme mais permet au Hamas de recevoir des dizaines de millions de dollars du Qatar. Ils rappellent également l’opposition de Netanyahu à un versement similaire au Hamas pendant le mandat du Premier ministre Ehud Olmert, en 2009.

Mais pour Freilich et d’autres analystes de la défense, un transfert de 90 millions de dollars au Hamas en échange du calme le long de la frontière est une bonne affaire, même s’il s’agit en fin de compte d’une prime au terrorisme.

« Dans un monde idéal, le Hamas ne recevrait pas d’argent. Mais faut-il avoir raison ou être intelligent ? », demande-t-il.

Divisant les versements mensuels de 15 millions de dollars en un montant par personne, M. Freilich indique que cela représente un peu plus de 7 dollars pour chacun des plus de 2 millions d’habitants de la bande de Gaza, soit environ le prix d’un repas dans un fast-food en Israël.

« Pour le prix d’un shawarma par mois, nous contribuons à faire en sorte qu’ils restent tranquilles », explique-t-il.

Des Palestiniens réagissent alors que des grenades lacrymogènes tirées par les forces israéliennes pleuvent pendant les affrontements le long de la clôture de la frontière israélienne, à l’est de la ville de Gaza, le 28 septembre 2018. (AFP Photo/Said Khatib)

L’ancien chef du service de sécurité du Shin Bet et député de Yesh Atid, Yaakov Peri, a déclaré mercredi à la radio de l’armée que la rétention des fonds augmentait les risques de nouveaux affrontements dans la région.

« Ils auraient dû transférer l’argent qatari, même s’il y a polémique à ce sujet. Ne pas le faire comporte un risque assez sérieux de flambée de violence », a-t-il précisé.

Le Hamas fait de plus en plus l’objet de pressions sur le plan intérieur à mesure que les conditions humanitaires se dégradent dans l’enclave, le rythme du déclin s’accélérant ces derniers mois en raison du désastreux conflit permanent avec l’Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie.

Des enfants palestiniens chez eux en train de lire des livres à la lumière des bougies en raison d’une pénurie d’électricité dans la ville de Gaza, le 13 juin 2017. (AFP / THOMAS COEX)

Les 90 millions de dollars du Qatar ne résoudront pas les problèmes du Hamas dans la bande de Gaza, mais apporteront un certain soulagement à l’enclave côtière, soumise à de sévères restrictions israéliennes pour éviter tout détournement de matériel à des fins terroristes, et où les habitants ont un accès limité à l’électricité et à une eau potable propre.

La décision de Netanyahu d’interrompre le transfert des fonds mardi a été rapidement décrite, tant en Israël qu’à Gaza, comme étant motivée par des objectifs politiques plutôt que sécuritaires.

Cela sera probablement vrai pour toutes les mesures prises à l’égard de la bande de Gaza avant les élections d’avril et mettra l’armée israélienne dans une position inconfortable, au centre d’un débat partisan.

« Donc Tsahal est coincé ici », a ajouté Freilich.

Mais selon l’ancien responsable de la défense, même si le Premier ministre souhaite montrer sa fermeté vis-à-vis du Hamas pendant la campagne, une opération militaire majeure ne lui apporterait rien.

« Il ne veut pas d’une guerre avant les élections, et il ne veut pas non plus avoir l’air d’un faible avant ces élections. Il doit donc gérer [la situation à Gaza] », a déclaré l’ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale.

Tsahal doit donc poursuivre sa politique actuelle de riposte aux attaques du Hamas et d’autres groupes terroristes dans la bande de Gaza, en trouvant un équilibre entre une réaction suffisamment énergique pour les dissuader de récidiver et une retenue suffisante afin d’éviter qu’ils ne se livrent à des représailles.

« Nous devons apprendre à gérer cette situation parce que nous n’avons pas de solution », a conclu M. Freilich.

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