Gilad Kariv tient une rare réunion avec des responsables palestiniens à Ramallah
Cette première rencontre publique d'un élu juif israélien avec l'AP depuis plus d'un an, veut promouvoir le dialogue et présenter une "vision alternative" à celle du gouvernement
Le député Gilad Kariv (Avoda) a rencontré de hauts responsables de l’Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie mardi. Il s’agit du premier contact public entre un député juif et le gouvernement de Ramallah depuis plus d’un an.
La réunion a été facilitée par le groupe de gauche Geneva Initiative et d’autres représentants de la société civile palestinienne, notamment la Coalition palestinienne pour la paix, basée à Ramallah, selon les personnes impliquées.
L’objectif principal de la réunion était de « relancer le dialogue entre les hommes politiques israéliens et les composantes modérées de la direction politique palestinienne en vue de formuler une vision alternative à la réalité actuelle de l’annexion [de la Cisjordanie] dans laquelle le gouvernement Netanyahu entraîne Israël », a déclaré un porte-parole du député de l’opposition Kariv, au Times of Israel.
Les responsables palestiniens ont gardé le silence sur la réunion, ce qui témoigne d’une diminution de l’intention de Ramallah de coopérer avec Israël, alors que l’AP est confrontée à l’expansion des implantations et à des défis internes qui remettent en cause son emprise sur les villes du nord de la Cisjordanie.
Les discussions ont porté sur un certain nombre de sujets, notamment la poursuite et le renforcement de la coopération en matière de sécurité entre Israël et l’AP, ainsi que la promotion de l’idée d’une solution à deux États dans le climat politique actuel.
Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, a juré à plusieurs reprises de mettre fin au mécanisme de coordination de la sécurité avec Israël, mais la coopération s’est poursuivie dans une certaine mesure, en partie parce que l’AP tire profit de cette relation en contribuant à repousser les menaces des groupes terroristes palestiniens du Hamas et du Jihad islamique.
Elle a également dû faire face à la pression des États-Unis et d’Israël pour la maintenir, les trois pays considérant la coordination comme un élément clé permettant d’atténuer les activités terroristes et de promouvoir la stabilité en Cisjordanie.
Kariv, qui dirige le groupe parlementaire de la Knesset pour la promotion de la solution à deux États et la reprise des négociations diplomatiques, a également fait part des préoccupations de la population israélienne concernant les attaques terroristes contre les civils et les paiements effectués par l’AP aux terroristes détenus dans les prisons israéliennes, a déclaré son porte-parole.
Israël soustrait chaque année des millions de shekels de l’argent des douanes qu’il perçoit au nom de l’AP afin d’égaler la somme que celle-ci verse aux familles des Palestiniens reconnus coupables de crimes contre la sécurité nationale d’Israël, mais cette mesure n’a pas dissuadé Ramallah de poursuivre les versements.
Kariv est entré dans la ville de Cisjordanie avec l’autorisation préalable de Tsahal et a été escorté pendant toute la durée de son séjour à Ramallah par les forces de sécurité palestiniennes, a déclaré son porte-parole. Aucune photo officielle n’a été publiée à l’issue de la réunion, les responsables palestiniens présents ayant refusé d’être identifiés.
Les membres des gouvernements successifs du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont largement évité les contacts avec Ramallah, sauf pour des questions techniques ou dans le cadre de forums multilatéraux. Les relations se sont encore détériorées sous le gouvernement actuel de Netanyahu, considéré comme le plus radical de l’Histoire d’Israël.
Selon Gadi Baltiansky, directeur-général de Geneva Initiative pour Israël, basée à Tel Aviv, des représentants de l’AP et du Fatah ont réaffirmé que les dirigeants palestiniens, et Abbas lui-même, étaient toujours intéressés par des discussions avec les Israéliens.
Ils ont exprimé leur frustration à l’égard du gouvernement israélien actuel, en particulier de ses membres les plus radicaux tels que le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui a démontré qu’il n’était pas un « partenaire pour la paix », a déclaré Baltiansky.
Kariv, premier rabbin réformé de la Knesset, a également discuté des sites religieux avec ses interlocuteurs, les deux parties soulignant l’importance de préserver l’accès aux lieux saints situés dans les zones administrées par l’autre partie, selon son bureau.
L’homologue palestinien de Kariv a souligné le désespoir d’une grande partie de l’opinion publique palestinienne face à l’impasse actuelle des négociations politiques, à la violence des résidents d’implantations israéliens contre les Palestiniens et à l’expansion des implantations en Cisjordanie, qui conduisent à une annexion rampante de la région et érodent les espoirs d’un État palestinien indépendant, selon Baltiansky.
Les responsables palestiniens ont déclaré que la rhétorique et les actions du gouvernement israélien ont poussé de nombreux Palestiniens, en particulier les jeunes, à adopter des points de vue plus extrémistes, a déclaré Baltiansky.
Il a noté que Geneva Initiative, qui a facilité des réunions entre des milliers d’Israéliens et de Palestiniens de la société civile au fil des ans, s’efforce maintenant de faire passer le dialogue du niveau civil au niveau politique. D’autres réunions entre des membres de la Knesset et des responsables de l’AP sont à prévoir à l’avenir, a-t-il déclaré.
La dernière visite d’un haut fonctionnaire israélien à Ramallah était celle de Benny Gantz, alors ministre de la Défense, qui avait rencontré Abbas en juillet 2022 pour discuter de la coordination de la sécurité en amont de la visite du président américain Joe Biden en Israël et en Cisjordanie. Les deux hommes politiques s’étaient déjà rencontrés en août 2021, à l’occasion des premiers entretiens de haut niveau entre les Israéliens et les Palestiniens depuis plus de dix ans.