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Immobilier : Les estimations pas à la hauteur des prix excessifs en Israël

Les vendeurs et les acheteurs impatients sont souvent confrontés à des différences importantes entre le prix demandé et la valeur estimée du bien immobilier

Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans l'immobilier pour le Times of Israel.

La Vieille Ville de Safed, en novembre 2022. (Crédit : Danielle Nagler)
La Vieille Ville de Safed, en novembre 2022. (Crédit : Danielle Nagler)

Il y a trois ans, Miriam Levy (un pseudonyme) a pris une décision qui a changé sa vie. Elle et sa famille ont quitté le Canada pour Israël et se sont dirigées vers l’endroit de leurs rêves, la ville de Safed, dans le nord du pays, pour y établir leur nouveau foyer. La famille a d’abord loué un appartement, puis a commencé à chercher un bien à acquérir.

L’argent de la vente de leur maison au Canada était en banque. Miriam et son mari ont rapidement trouvé un nouveau travail en Israël ce qui leur a permis de continuer à épargner.

L’année dernière, les Levy se sont sentis prêts à s’enraciner et voulaient le faire dans la Vieille Ville de Safed, un centre dynamique avec des propriétés uniques, bien que leur nombre soit limité. Après une longue recherche, ils ont fini par trouver, mais au moment de signer la promesse d’achat, le vendeur a soudainement disparu. Le deuxième endroit qu’ils ont trouvé avait d’insurmontables problèmes juridiques. À la dernière minute, le vendeur du troisième endroit a demandé plus d’argent.

Puis vint la quatrième propriété. Elle était plus petite que ce qu’ils voulaient idéalement, mais disposait d’un terrain suffisamment grand pour construire une extension. Le prix demandé était de 4 millions de shekels, ce qui était raisonnable et dans leur budget. Ils pouvaient utiliser leurs économies comme acompte et contracter un prêt de 70 % de la somme restante, remboursables grâce à leurs revenus mensuels. Mais le prêt dépendait de l’estimation d’un expert indépendant – appelé évaluateur.

Un écart entre le prix demandé et la valeur, telle que déterminée par un évaluateur, n’est pas inhabituel, en particulier dans un marché en surchauffe où l’offre est insuffisante et la demande galopante. Mais dans le cas des Levy, l’évaluateur a sous-estimé le bien d’un million de shekels, soit un peu plus de 10 000 shekels par mètre carré.

Un tel écart déclenche des signaux d’alarme et signifie que les banques, et autres établissements de crédit, sont susceptibles de refuser un prêt immobilier sur la propriété. Les écarts d’évaluation sont considérés comme l’une des raisons pour lesquelles les prêts sont en baisse depuis plusieurs mois.

Une rue de Safed au coucher du soleil. (Crédit : RnDmS via iStock by Getty Images)

Les Levy et de nombreux acheteurs potentiels à la recherche d’une maison dont le budget est plus élevé sont dans cette impasse. Après avoir réuni l’argent pour un acompte de 25 % (le minimum requis dans la plupart des cas) et de l’argent pour couvrir les frais annexes (frais d’agence, taxes, frais juridiques, frais de déménagement), ils dépendent de l’obtention d’un prêt pour les 75 % restants de la valeur de vente de la propriété et prévoient de payer leur prêt sur les 20 à 30 prochaines années grâce à leurs revenus mensuels.

Mais les banques ne prêtent que sur la valeur déterminée par l’évaluateur. Celui-ci tient certes compte des prix de vente réels, mais accorde plus de poids à des facteurs concrets tels que la qualité des matériaux et les dimensions du bâtiment. Une évaluation professionnelle n’ignore pas la « valeur potentielle », mais elle ne fixe pas le prix d’un bien en fonction de ce qui pourrait lui arriver dans le futur. Dans un marché qui évolue rapidement, avec l’apparition de propriétés uniques, l’établissement du prix devient encore plus difficile et des écarts se créent, qui dissuadent sérieusement les prêteurs et finissent par empêcher les acheteurs potentiels d’acheter une maison.

Avec des prix du logement qui augmentent si rapidement – près de 18,8 % d’une année sur l’autre, selon le dernier rapport – ceux qui ont des biens à vendre misent sur des prix élevés, anticipant la direction que prendra le marché si l’inflation continue de grimper. Les propriétaires sont prêts à attendre jusqu’à l’arrivée d’un acheteur désireux et capable de payer le meilleur prix.

Pour les acheteurs, s’ils prévoient de rester dans la propriété pendant un certain temps, le fait de payer un supplément au moment de la vente n’est pas nécessairement dissuasif – ils pensent que dans un court laps de temps, les prix rattraperont leur retard et qu’au moment où ils voudront revendre la propriété, celle-ci leur rapportera probablement encore un bénéfice substantiel.

Mais pour les prêteurs, offrir un prix nettement supérieur à la valeur réelle d’un bien est risqué. Et si l’écart est trop important, ils refusent tout simplement de prêter, du moins la somme nécessaire aux emprunteurs.

Dans le cas des Levy, un prêt d’un million de shekels inférieur au prix de l’offre signifie qu’ils ne peuvent pas acheter la maison, à moins qu’ils ne puissent financer la différence par une autre source, une solution vraisemblablement compliquée. Bien qu’ils aient suffisamment de moyens pour effectuer les remboursements mensuels, ils sont effectivement bloqués. Et tandis qu’ils continuent de chercher une maison, les prix continuent d’augmenter, ce qui signifie que bientôt leur mise de fonds pourrait ne plus suffire pour acheter le type de propriété qu’ils souhaitent.

Le travail d’un évaluateur

Devenir évaluateur est un véritable parcours du combattant. Outre un baccalauréat, il faut suivre une formation rigoureuse comprenant des études d’ingénieur, de droit immobilier, de fiscalité, de finance, de statistiques et de théorie de l’évaluation, une année de stage et enfin passer des examens nationaux. Leur travail relève du ministère de la Justice, qui, par l’intermédiaire du conseil des évaluateurs immobiliers, a établi un cadre détaillé qui régit la manière dont ils doivent évaluer les biens à des fins de prêt (norme 19 : la confection et la tenue à jour du rôle foncier et du rôle locatif).

Ran Neeman a plus de 25 ans de métier et est considéré comme un expert de premier plan. Dans une interview accordée au Times of Israel, il a déclaré que ce travail exigeait une connaissance approfondie du marché.

« Il est d’une importance vitale d’arriver à une valeur basée sur ce que préconise le marché. Lorsqu’il y a beaucoup de propriétés similaires, il est possible de se référer aux récentes transactions similaires (en terme de taille et de localisation). Mais la plupart du temps, chaque propriété est, d’une certaine manière, unique. L’une d’entre elles peut avoir une vue sur la mer, ou plus d’espace extérieur, ou encore être construite avec des matériaux plus chers », explique-t-il.

Ran Neeman, évaluateur immobilier dans le centre d’Israël, en octobre 2022. (Crédit : Ran Neeman)

Ran Neeman souligne également que l’estimation de la « valeur potentielle » peut faire partie du travail. « Nous devons examiner la valeur du terrain et les possibilités d’amélioration, mais aussi considerer le niveau de probabilité. Par exemple, la possibilité et la probabilité de réhabiliter un terrain en zone résidentielle, ou les options d’amélioration d’un appartement par le biais de l’un des programmes de développement du gouvernement [tel que Pinoui Binoui ou TAMA 38 – l’expansion d’un bâtiment existant]. »

À Safed, la propriété sur laquelle les Levy avaient des vues était en effet unique, sur un marché très limité où les biens ne changent pas souvent de propriétaires. Les prix augmentent aussi rapidement dans le nord – de près de 3 % par mois.

La maison comportait deux chambres, un salon et un sous-sol. Mais le terrain était assez grand et la surface habitable pouvait être agrandie. Il y avait aussi un aspect émotionnel. « Il y a un sentiment magique dans la Vieille Ville, quelque chose qui n’est pas quantifiable », a déclaré Levy.

Neeman, qui n’est pas impliqué dans l’évaluation de Safed, reconnaît les défis d’un marché très concurrentiel où les deux parties – vendeurs/propriétaires et acheteurs – ont un intérêt direct.

« Nous subissons une pression énorme de la part des propriétaires et des acheteurs qui ont besoin d’évaluations pour le financement – afin d’évaluer la propriété au prix le plus élevé possible. Les propriétaires en veulent toujours plus. Et avec un marché qui évolue rapidement, cela peut être très difficile », a-t-il déclaré.

Avec un évaluateur dans l’équation, « il y a une tension inhérente ».

« La banque doit disposer d’une évaluation précise pour minimiser son risque de prêt ; le propriétaire veut obtenir la meilleure évaluation possible et l’évaluateur doit faire son devoir professionnel », poursuit-il.

Les outils utilisés par l’évaluateur sont meilleurs qu’avant, a-t-il ajouté, mais c’est toujours une « jungle » pour l’évaluateur qui doit « évaluer toutes les informations disponibles qui peuvent avoir un impact sur le prix ».

La Vieille Ville de Safed, en novembre 2022. (Crédit : Danielle Nagler)

Les évaluateurs ont accès à un ensemble d’outils professionnels, dont les prix annoncés et payés ne sont qu’une partie. Les acheteurs et les vendeurs ne voient que les prix demandés pour les maisons, et dans un marché qui change rapidement, cette information ne donne pas nécessairement un véritable aperçu de ce qui est payé.

« Les acheteurs et les vendeurs voient les prix annoncés sur des sites tel que Yad2 et considèrent ces prix comme étant la ‘juste valeur’. Or, il est impossible – et incorrect – d’attribuer une valeur à des facteurs personnels », a déclaré Neeman, évoquant des commodités et des avantages tels que le fait de vivre près de parents ou de lieux ayant une valeur sentimentale.

« Un évaluateur doit rester objectif », a-t-il ajouté. Cela signifie qu’il doit rester fixé sur la valeur du bien à évaluer, avec une vision réaliste de son potentiel et de la part de celui-ci qui est suffisamment certaine pour être incluse dans une évaluation.

Le processus peut être fastidieux. Chaque évaluateur couvre une région spécifique du pays, avec une expertise approfondie d’un marché particulier. Il reconnaît les prix annoncés des maisons, mais travaille avec les agents immobiliers pour glaner des informations sur le prix de vente réel des maisons dans une zone donnée à ce moment précis. Ils examinent la définition juridique de la propriété, les permis qui lui ont été accordés, et procèdent ensuite à leur estimation.

« Il faut généralement cinq à sept jours pour produire une évaluation », a déclaré Neeman, « et le rapport fait généralement entre 15 à 30 pages ».

Que nous révèle un écart ?

L’expérience des Levy n’est pas rare – bien que l’écart de valeur dans leur cas soit exceptionnellement important. Sur les forums de discussion consacrés à l’immobilier, le rôle de l’évaluateur peut être source de discorde et les acheteurs affirment que les écarts entre le prix demandé et l’avis de l’évaluateur sont de plus en plus fréquents. Un acheteur anonyme a décrit une expérience dans laquelle, face à un écart problématique, l’évaluateur a proposé de faire un travail supplémentaire moyennant des frais additionnels, en promettant que cela pourrait modifier la valeur.

Neeman soutient, cependant, qu’un évaluateur passe rarement à côté de quelque chose et qu’il doit donc résister à la pression de « changer d’avis » en faveur de l’acheteur ou du vendeur si le montant final n’est pas celui qu’il voulait.

Safed et ses environs, en novembre 2022. (Crédit : Danielle Nagler)

« Ce n’est que s’il y a de nouvelles preuves qui changent la donne et qui n’étaient pas disponibles à l’origine qu’un évaluateur devrait être disposé à réévaluer le prix », a-t-il déclaré.

Pour la famille Levy, les difficultés de comparabilité et les pressions sur les prix du marché sont claires.

La base de données de l’impôt foncier, qui enregistre la valeur des achats réels avec un certain décalage dans le temps, montre que, depuis début juillet, une seule propriété à Safed a changé de propriétaires. Il s’agissait d’une maison de cinq chambres à coucher construite en 2010, couvrant 270 mètres carrés sur un terrain total de 850 mètres carrés. La maison se trouvait à la périphérie de la ville et a été vendue pour 3,7 millions de shekels. Elle est beaucoup plus grande et se trouve dans une partie de la ville très différente de la propriété que la famille Levy convoitait.

Dans la Vieille Ville de Safed, une recherche rapide sur Yad2 permet de trouver deux propriétés : une maison de trois chambres à coucher, au prix de 4,4 millions shekels, avec 118 mètres carrés de surface habitable et une cour de 40 mètres carrés, et une propriété de huit chambres à coucher de 260 mètres carrés réparties sur trois étages avec un jardin de 50 mètres carrés. Le prix demandé est de 5,9 millions shekels. Ces chiffres suggèrent que 4 millions de shekels pour une propriété de la taille de celle des Levy est un prix élevé. En d’autres termes, l’évaluateur a très probablement eu raison dans son estimation initiale.

Les Levy ne veulent pas abandonner, même s’ils ne disposent pas non plus de fonds suffisants pour investir davantage. Ils ont besoin de ce prêt. Miriam espère que des documents juridiques supplémentaires pourraient augmenter l’estimation initiale. Et comme il s’agit potentiellement d’une « maison familiale pour toujours », elle est persuadée que même s’ils payent un peu trop cher, cela en vaudra la peine.

Mais si l’évaluation et le prix restent si éloignés l’un de l’autre, il s’agira d’un autre achat potentiel auquel il faudra renoncer en raison des pressions du marché, et d’une preuve supplémentaire des difficultés rencontrées sur un marché qui se resserre.

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