Israël a besoin d’une coalition allant de Ben Gvir à Abbas, selon Bennett
Le Premier ministre sortant a dit regretter de ne pas avoir mieux soutenu les députés de sa faction, notant qu'il aurait dû y avoir "moins de Zelensky, plus de Silman"
Au cours d’un entretien sincère et approfondi accordé samedi soir, le Premier ministre sortant Naftali Bennett a évoqué, pêle-mêle, les erreurs qu’il pense avoir commises lorsqu’il était en poste, les changements politiques qui lui semblent nécessaires pour Israël ou ce que lui inspire la perspective d’un retour au pouvoir du leader de l’opposition Benjamin Netanyahu.
Bennett et le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid ont annoncé leur décision, lundi, de dissoudre la 24e Knesset après seulement une année passée au pouvoir en raison de leur incapacité à maintenir la cohésion et l’unité de leur coalition diverse, qui réunissait huit partis idéologiquement très différents.
Lapid doit devenir Premier ministre de transition cette semaine, comme le stipule l’accord de coalition qui avait été signé par les deux hommes.
Bennett a réclamé une approche plus inclusive de la politique en Israël, et la fin des pratiques « d’invalidation » de certaines formations politiques de la part de leurs adversaires.
Avant l’arrivée de Bennett au pouvoir, Israël avait traversé quatre élections éprouvantes, dont les résultats n’avaient pas été concluants – aucun parti n’était parvenu à rassembler une majorité et les différentes factions politiques avaient refusé de siéger avec leurs opposants dans un gouvernement de coalition, sans possibilité de trouver un compromis.
Bennett et Lapid avaient alors formé un gouvernement « du changement » qui couvrait tout le spectre politique, réunissant des partis de droite, des formations centristes et des factions de gauche en plus de Raam, une faction islamiste. La coalition ne bénéficiait que d’une très mince majorité, malgré tout, ce qui signifiait qu’elle ne pouvait pas se permettre de compter des députés rebelles en son sein et les querelles internes parmi ses éléments disparates auront finalement été à l’origine de sa chute.
Bennett a indiqué, samedi, qu’un gouvernement ne devait pas dépendre des partis et des députés issus des « extrêmes » – comme Bezalel Smotrich ou Itamar Ben Gvir, du parti Sionisme religieux, ou le parti Raam de la coalition, dirigé par Mansour Abbas – mais que ces derniers ne devaient pas non plus être exclus.
« Est-ce qu’un gouvernement qui dépendrait de Ben Gvir et de Smotrich serait une bonne chose pour Israël ? Non. Je ne dis pas qu’ils doivent être interdits mais simplement qu’un gouvernement ne peut pas dépendre d’eux », a dit Bennett. « Cette année a apporté la preuve que ce n’est pas une bonne chose de dépendre des extrêmes. »
« Je veux une coalition qui aille de Ben Gvir à Abbas. Cela peut ressembler à de la fiction », a-t-il ajouté; « La culture dite ‘de l’invalidation’ doit définitivement disparaître dans le pays ».
« Vous ne me verrez pas signer d’engagement public de sitôt » comme il l’avait fait avant le scrutin de l’année dernière, promettant de ne jamais établir de partenariat avec Raam ou de siéger au sein d’une coalition rassemblée par Lapid. « Ce n’est pas comme ça que ça se passe », a-t-il ajouté.
Les Israéliens retourneront dans les bureaux de vote pour la cinquième fois en moins de quatre ans, à l’automne. Le bloc de l’opposition dirigé par Netanyahu fait une démonstration de force dans les sondages mais aucun parti ne bénéficie d’une majorité claire qui permettrait l’établissement d’une majorité stable sans changement intervenant dans les alliances politiques – ce qui laisse craindre un retour à l’impasse politique et à l’instabilité.
L’avenir politique de Bennett est incertain, son parti étant tombé à quatre ou cinq sièges dans les enquêtes d’opinion contre les sept qu’il avait remportés l’année dernière à la Knesset, forte de 120 membres. Il aurait évoqué la possibilité de faire une pause dans sa carrière politique.
Il a aussi refusé d’exclure une participation dans une coalition placée sous l’autorité de Netanyahu, un Netanyahu qui l’a attaqué sans relâche depuis les bancs de l’opposition au cours de l’année passée. Le gouvernement de Bennett était né de l’opposition commune à la perspective de voir Netanyahu reprendre le poste de Premier ministre, alors qu’il est actuellement traduit en justice pour corruption et qu’il s’en est pris au système judiciaire et au parquet en raison des poursuites intentées à son encontre.
Bennett a indiqué, samedi, que les dures agressions de Netanyahu à son encontre et à l’encontre de ses partenaires politiques avaient été « terribles » et « inacceptables ». Mais, alors qu’il était pressé sur le sujet par Dana Weiss, journaliste de la Douzième chaîne, il a déclaré que le plus important, à ses yeux, était de faire ce qui était dans le meilleur intérêt du pays.
« Ce dont Israël a tout bonnement besoin aujourd’hui, c’est d’un gouvernement qui travaille, tout simplement », a-t-il expliqué.
« Je ne donne pas de notes », a-t-il ajouté en évoquant Netanyahu. « Tout dépend de ce qu’il peut être en mesure de faire. Tout dépend des contraintes qui pèsent sur lui. »
Bennett a aussi dit qu’il aurait dû davantage se concentrer sur la gestion de son propre parti et sur la politique intérieure quand il était Premier ministre et moins sur les avancées à réaliser auprès des dirigeants internationaux, avec parmi eux l’Ukrainien Volodymyr Zelensky ou Mohamed bin Zayed, connu sous le surnom de MBZ, aux Émirats arabes unis.
La formation Yamina de Bennett a été l’un des maillons faibles de la coalition. Idit Silman, membre de la faction Yamina, avait quitté la coalition au mois d’avril, laissant cette dernière à égalité de sièges – 60 contre 60 – avec l’opposition au parlement et amorçant la crise qui devait entraîner à terme l’effondrement de l’alliance au pouvoir. Nir Orbach, autre membre de Yamina, avait suivi l’exemple de Silman au début du mois, plaçant la coalition définitivement en minorité et signant à cette occasion son arrêt de mort. Les deux législateurs s’étaient heurtés au flanc gauche de la coalition avant leur départ, notamment sur la question des implantations de Cisjordanie.
« Même lorsque vous êtes Premier ministre, il faut consacrer 30 % à 40 % de son temps à la politique », a constaté Bennett. « Moins de Zelensky, plus de Silman. Moins de MBZ, et plus de Nir Orbach. »
Weiss a montré à Bennett une vidéo de Silman en train de dire à un député du Likud : « J’ai bien fait, finalement ».
Interrogé sur ces images, qui donnent l’impression que Silman cherche des éloges auprès du législateur du Likud pour avoir aidé Netanyahu et l’opposition à écarter le gouvernement dirigé par le Premier ministre issu de son propre parti, Bennett a répondu que « je n’ai pas grand-chose à dire ».
« C’est une image qui fait mal. Ce n’est pas sa faute. C’est ma faute. Ils l’ont tuée. Tous ceux qui ont participé à la machine de Netanyahu et de Smotrich l’ont transformée en menteuse, en tricheuse, en affabulatrice… Et j’étais trop occupé par l’Iran », a-t-il dit.
Bennett a expliqué qu’il avait beaucoup changé pendant cette année passée au pouvoir.
« Je ne vais diaboliser personne », a-t-il indiqué. « Aujourd’hui, je suis devenu quelqu’un qui veut croire qu’il y a du bon dans tout le monde, et qui veut unifier. »
« Ensemble, ensemble, ensemble. Comment ? C’est compliqué », a-t-il poursuivi.
« Je vais vouloir revenir », a-t-il noté. « Je pense que j’ai été un Premier ministre qui a voulu faire les choses dans l’intérêt de son peuple et de son pays. Et je pense avoir réussi. C’est Dieu, qu’Il soit béni, et c’est le peuple d’Israël qui en décideront ».