Israël « dangereusement malade » sous Netanyahu, dit un ex-chef du Mossad
Cinq anciens responsables de l'agence d'espionnage déclarent que le Premier ministre a rongé les valeurs du pays et dénoncent une culture de corruption "générale" sous son mandat
Cinq anciens chef du Mossad ont âprement critiqué cette semaine le Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’un d’entre eux estimant qu’Israël est tombé « dangereusement malade » sous sa gouvernance.
« Je me sens si mal quand je vois ce qui arrive dans ce pays, la corruption est si profonde, si générale », a dit Shabtai Shavit au quotidien Yedioth Ahronoth, dans l’extrait d’une interview conjointe réalisée avant la Journée de l’indépendance.
« Il n’y a pas de ligne rouge, pas de tabous, et il faut ajouter à cela le fossé qui ne cesse de se creuser entre les gens ».
Aux côtés de Shavit, Zvi Zamir, Nahum Admoni, Danny Yatom, Efraim Halevy et Tamir Pardo ont exprimé leurs graves préoccupations face à l’avenir de l’Etat juif.
« En tant que personnalités des renseignements, notre compétence la plus importante est notre capacité à anticiper l’avenir », a ajouté Shavit. « Alors je me demande de quel genre de pays mes petits-enfants hériteront, et je ne peux pas y apporter de réponse ».
« C’est un problème de valeurs, de divisions », a estimé Pardo. « Nous avons besoin de responsables capables de naviguer entre les crises aux bons endroits mais malheureusement, cela n’existe pas aujourd’hui ».
Zamir, le plus âgé du groupe – il a 93 ans – s’est avéré le plus grand critique de Netanyahu, disant que le Premier ministre et son puissant entourage ne servent que leurs propres intérêts.
« Je ne suis pas sûr que pour le Premier ministre et les hauts-responsables qui l’entourent, l’intérêt public soit prévalent sur les intérêts personnels de plus d’argent et de plus de pouvoir », a-t-il déclaré.
« Nous sommes dangereusement malades », a-t-il estimé. « Netanyahu peut avoir hérité d’un pays avec des symptômes mais il l’a propulsé dans un état de maladie maligne ».
Yatom s’est fait l’écho du sentiment de Zamir, disant qu’il n’était pas surprenant que Netanyahu et un nombre croissant de ses aides fassent l’objet d’enquêtes pour corruption dans la mesure où ils placent leurs intérêts au-dessus de ceux du pays.
Israël, a-t-il averti, est « tiré vers le bas ». Il a demandé la démission du Premier ministre.
Dans son interview, Halevy a critiqué Netanyahu, disant que son « besoin de faire les gros titres et son obsession de son image publique – versus sa gestion du pays et des affaires de sécurité – sont problématiques ».
« Je pense que quelque chose de très malencontreux est survenu chez les responsables d’Israël », a-t-il ajouté. « Il y a une défaillance majeure dans le système politique qui laisse dorénavant penser que tout ce qui n’est pas illégal est casher ».
Admoni, 88 ans, a indiqué que sa principale préoccupation au sein de l’Etat juif aujourd’hui est le fossé qui ne cesse de se creuser parmi les Israéliens, affirmant que les divisions entre populations religieuses et laïques sont « pires qu’elles ne l’ont jamais été ».
« Ces divisions ne cessent de croître », a déploré Admoni.
Presque tous les anciens responsables des renseignements ont blâmé Netanyahu dans le passé, même si le niveau de critiques soulevées à son encontre dans l’édition de mardi du Yedioth est sans précédent.
L’entretien en entier avec les six anciens chef du Mossad sera à découvrir dans le magazine du week-end du Yedioth, Sept jours, dès vendredi.
Netanyahu est impliqué dans plusieurs scandales pour corruption et il a été interrogé une nouvelle fois lundi en lien avec le scandale de Bezeq, connu sous le nom d’Affaire 4000.
Cette enquête porte sur des soupçons que Netanyahu, qui a été ministre des Communications pendant plusieurs années au cours de ses deux derniers mandats au poste de chef de gouvernement, aurait fait avancer des décisions au bénéfice de l’actionnaire principal de Bezeq, Shaul Elovitch, en échange d’une couverture flatteuse des actions de Netanyahu et de sa famille sur le site d’information Walla, propriété d’Elovitch.
En plus de l’Affaire 4000, Netanyahu est également soupçonné de malversations dans les Affaires 1000 et 2000, dans lesquelles la police a recommandé son inculpation pour pots-de-vin, abus de confiance et fraude.
Dans l’Affaire 1000, Netanyahu et sa femme sont soupçonnés d’avoir reçu des cadeaux illicites pour un montant d’environ un million de shekels de la part du producteur hollywoodien Arnon Milchan et du propriétaire australien James Packer en échange de certains avantages.
L’Affaire 2000 implique un accord de compromis présumé passé entre Netanyahu et le directeur de la publication du journal Yedioth Ahronoth, Arnon Mozes, qui aurait vu le Premier ministre affaiblir par le biais d’une législation un quotidien rival, Israel Hayom, propriété de Sheldon Adelson, en échange d’une couverture médiatique de ses actions plus favorable.
Netanyahu a démenti tout méfait dans les différents dossiers.