Israël déjoue l’énorme attaque iranienne – c’est un succès certes, pas une victoire
Les événements des dernières heures en huit points, depuis l'attaque iranienne sans précédent, la défense israélienne et enfin la menace nucléaire iranienne, on ne peut plus claire
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
1. Un anti-7 octobre : La réaction israélienne à l’attaque sans précédent de drones et missiles iraniens dans la nuit de samedi à dimanche est à l’opposé de l’insondable catastrophe du 7 octobre.
Sans commune mesure avec l’échec à tous les niveaux qui a permis au Hamas d’envahir Israël, il y a de cela six mois, et avec l’aide considérable des États-Unis et d’autres alliés régionaux, Israël s’est préparé à l’attaque iranienne. Les renseignements collectés sur ce qui était sur le point de se produire se sont révélés exacts. Le pays s’est efficacement préparé à l’assaut.
Ses autorités militaires, à commencer par l’armée de l’air et les pilotes, se sont montrés à la hauteur du danger. Et, une fois encore, avec l’aide des États-Unis et de leurs alliés régionaux, les dirigeants d’Israël sont parvenus à déjouer cette attaque, faisant ce que l’on attend d’eux, à savoir protéger ses concitoyens d’une agression ennemie.
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2. Les chiffres : Selon l’armée israélienne, sur les 170 drones lancés par l’Iran sur Israël, aucun n’est parvenu à entrer dans l’espace aérien israélien. Tous ont été interceptés lors de leur trajet long de plusieurs heures – que ce soit par l’armée de l’air, les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore la Jordanie.
L’Iran a également tiré 30 missiles de croisière, certains dotés d’une capacité d’emport d’ogives d’une tonne. Une fois encore, selon l’armée israélienne, aucun n’aurait pénétré dans l’espace aérien israélien. Tous ont été interceptés lors de leur voyage d’environ deux heures, à raison de 25 par la seule armée de l’air.
Enfin, et c’est peut-être l’élément le plus spectaculaire, l’Iran a lancé 120 missiles balistiques sur Israël, tout en affirmant à la tribune des Nations unies que son action militaire contre Israël était « terminée ». Lors de leur voyage ultra-rapide vers Israël, tous ou presque ont été abattus par la défense aérienne israélienne à longue portée Arrow. Une toute petite poignée ont échappé aux défenses d’Israël et frappé la base aérienne de Nevatim dans le sud d’Israël, là où sont basés les F-35, infligeant ce que l’armée israélienne a qualifié de dégâts mineurs aux infrastructures. La piste n’a pas été touchée et les rotations des avions de chasse n’en ont pas été affectées.
3. L’alliance américaine… : Les relations entre le gouvernement Netanyahu et l’administration Biden se sont tendues ces six mois de guerre, à la défaveur de la guerre d’Israël pour démanteler le Hamas à Gaza. Les États-Unis ont clairement exprimé leur mécontentement face au nombre élevé de victimes civiles et à l’insuffisance de l’aide humanitaire, les responsables de la Maison Blanche s’opposant aux projets de Tsahal d’une offensive terrestre de grande ampleur dans l’ultime bastion du Hamas, à Rafah. Le président se méfie personnellement et politiquement du Premier ministre.
Pour autant, dans les jours qui ont précédé la riposte attendue de l’Iran à l’assassinat, le 1er avril, par l’armée de l’air israélienne – du moins le présume-t-on – de membres de tout premier plan du Corps des gardiens de la révolution islamique dans l’enceinte de l’ambassade d’Iran à Damas, les États-Unis se sont rangés du côté d’Israël. Ils ont tenté de dissuader l’Iran par la voie diplomatique, se sont coordonnés avec Israël pour préparer la défense, ont dépêché leur chef du CENTCOM, partagé des renseignements, activé leurs alliés régionaux et mobilisé leurs propres forces. Lorsque l’attaque s’est produite, les renseignements américains ont joué un rôle essentiel dans la riposte extrêmement efficace d’Israël bien sûr, mais également des États-Unis et de leurs partenaires régionaux, à commencer, mais sans s’y limiter, par la Jordanie.
Il s’agit d’un partenariat concret. C’est là le fruit d’années de préparation militaire, de coordination et d’innombrables exercices régionaux.
4. … Et ses limites : lors de leur conservation téléphonique longue de 25 minutes, lorsqu’il s’est avéré que l’attaque iranienne avait été déjouée, le président américain Joe Biden aurait dit au Premier ministre Benjamin Netanyahu : « Vous avez gagné, en remportant la victoire » et en ne ripostant pas militairement. A défaut pour Israël de ne pas suivre ce conseil, a-t-il dit on ne peut plus clairement, les États-Unis ne seraient plus, contrairement à samedi soir, aux côtés d’Israël.
Les États-Unis auraient également tout aussi clairement fait savoir, suite au raid du 1er avril à Damas, qu’ils souhaitaient être avertis par Israël de toute future frappe aérienne de ce type – et suffisamment tôt pour avoir leur mot à dire.
Les États-Unis considèrent manifestement que la frappe attribuée à l’armée de l’air israélienne qui a tué le général du CGRI Mohammad Reza Zahedi n’était pas une bonne idée, et qu’ils s’y seraient opposés s’ils en avaient été informés à temps, et non juste avant l’explosion. Des responsables israéliens persistent à dire que Zahedi était une cible de choix et l’action, nécessaire : militaire iranien le plus haut gradé en Syrie et au Liban, il était le cerveau des actions terroristes menées contre Israël depuis l’autre côté de ces frontières comme depuis l’intérieur de la Cisjordanie.
Israël, il convient de le souligner, s’en prend depuis longtemps à de très hauts responsables iraniens – à commencer par le « père » du programme nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, tué en territoire iranien – sans pour autant s’attirer de riposte de l’ordre de celle de samedi soir. La différence a sans doute pour partie à voir avec l’affaiblissement des capacités de dissuasion d’Israël ces derniers mois, et notamment l’échec à déjouer l’attaque du 7 octobre.
Pendant des décennies, Israël s’est enorgueilli de sa capacité à se défendre contre tous ses ennemis, même s’il dépend en cela énormément des transferts d’armes américaines et du soutien diplomatique orchestré par les États-Unis. Ce qui s’est passé samedi soir est le tout premier exemple d’une défense israélienne avec la participation directe, active et cruciale des États-Unis et d’autres alliés. Le tout suivi d’un baiser de l’ours de la part de l’armée américaine – un baiser on ne peut plus contraignant de la part d’un allié super puissant persuadé de comprendre mieux qu’Israël ses propres intérêts et qui a également ses propres intérêts, sans compter ceux de ses autres alliés, à défendre.
5. Un succès teinté de profondes limitations : Biden a salué la « remarquable capacité » d’Israël à se défendre, et déclaré qu’Israël avait adressé « un message clair à ses ennemis, à savoir qu’ils ne pouvaient pas menacer la sécurité d’Israël ». Mais il est certain que, pour les ennemis d’Israël, cela n’a rien d’un « message clair ».
Le Hezbollah reste fermement implanté de l’autre côté de la frontière nord. Nous attendons de comprendre pour quelle raison le Hezbollah s’est abstenu, samedi, d’une attaque de grande ampleur contre Israël, par exemple au moyen de missiles à guidage de précision, pour lesquels Israël n’a pas de défense appropriée. Pour autant, ce conflit demeure implacable et des dizaines de milliers d’Israéliens n’ont aucune perspective claire de rentrer chez eux en toute sécurité, dans le nord d’Israël.
Les Houthis – un mandataire iranien déchaîné – échappent manifestement à toute forme de contrôle.
Le Hamas est retranché à Gaza, un quart de sa force militaire et une grande partie de ses dirigeants encore actifs, indifférent à toute perspective d’accord pour la libération des otages, certain de survivre à la guerre pour mieux reconstruire et réarmer sa machine de guerre.
Le président américain a peut-être dit à Netanyahu : « Vous avez gagné », mais le succès retentissant de la défense, ce samedi, n’a rien à voir avec une victoire.
Et les dirigeants iraniens ne considèrent clairement pas l’assaut de samedi soir comme une défaite.
Téhéran s’attendait sans aucun doute à causer d’importants dégâts avec son cocktail de drones et de missiles, sans doute prêt depuis longtemps, potentiellement puissant. Il y aura sans doute une forte déception et une bonne dose de récriminations face à l’absence de succès militaire.
Cela fait des années que, sans relâche, Israël menace les installations nucléaires iraniennes – et s’est effectivement engagé dans une série d’opérations pour bloquer l’avancée du programme nucléaire des ayatollahs – mais c’est finalement l’Iran qui a lancé la première attaque majeure. Il s’est vanté partout d’avoir le pouvoir d’effrayer la population israélienne, et ce, des jours avant l’attaque. Il estime aujourd’hui avoir changé les termes de l’équation – disant que les futures frappes israéliennes en territoire iranien, y compris ses emprises diplomatiques à l’étranger, feraient désormais l’objet de frappes de représailles iraniennes contre Israël.
Au lieu de faire profil bas, en raison de son échec à infliger de lourdes pertes à Israël, ou de se sentir humilié par les capacités défensives démontrées par Israël et ses alliés, voire d’être dissuadé par les preuves du partenariat entre les États-Unis, Israël et d’autres pays de la région, l’Iran met en garde Israël contre des représailles pour l’attaque de samedi, et avertit les États-Unis que leurs bases seront elles aussi prises pour cibles s’ils se joignent à eux.
6. La riposte israélienne : Des sources manifestement très bien informées, proches du Premier ministre, affirmaient, alors même que l’attaque iranienne était en cours, que la réponse d’Israël serait rapide et importante. Selon une source, Biden, lors de leur appel, aurait persuadé Netanyahu de ne pas autoriser de représailles immédiates. Le cabinet de guerre se réunissait dimanche après-midi pour évoquer la question plus en détails.
Les autorités israéliennes indiquent hors micros que la riposte doit être à la hauteur de ce que l’Iran a tenté de faire – à savoir terrifier un pays, infliger de lourdes pertes, détruire une base aérienne cruciale et plus encore – et non de ce qu’il a effectivement occasionné.
Elles relèvent par ailleurs que les nouveaux termes de l’équation iranienne – la menace d’une réponse iranienne aux futures frappes et opérations israéliennes – ne peuvent être laissés en l’état.
La tentation de riposter rapidement sera forte – et Netanyahu subira d’intenses pressions politiques pour agir. Ce serait, bien sûr, un défi lancé aux États-Unis et une menace pour la coalition qui a si bien coopéré samedi.
Il faut une riposte, mais une riposte bien étudiée, stratégique.
7. La menace critique : Dans ce contexte, il convient de rappeler les événements du début de 1991, lorsque l’Irak de Saddam Hussein a tiré 42 missiles Scud sur un Israël dénué de toute forme de défense en la matière. (L’espoir et la croyance selon lesquels le système de défense antimissile Patriot pourrait intercepter les Scuds se sont avérés faux.) Le Premier ministre de l’époque, Yitzhak Shamir, a été dissuadé de riposter à l’action de l’Irak, essentiellement par l’administration Bush, qui l’a averti qu’une riposte israélienne risquait de faire exploser la coalition d’alliés déterminés à affronter Saddam.
Cet épisode rappelle qu’il existe plus d’une manière de s’opposer à un agresseur régional, et qu’une riposte immédiate n’est pas toujours la meilleure option.
On a cru, à tort, que Saddam était en train de se doter de l’arme nucléaire, alors que les Iraniens sont eux très clairement en chemin, avec des perspectives maintenant proches de passer au stade de la bombe.
La tentative iranienne de samedi soir de causer de très importants dégâts en Israël souligne comme jamais l’impératif suprême – pour Israël, les États-Unis et tous les pays, dans la région ou au-delà, attachés à la vie dans la région – d’empêcher la République islamique d’aller au bout de son projet nucléaire.
Un Iran doté d’un tel leadership et de telles capacités nucléaires est tout simplement impensable. Quels que soient les avantages et inconvénients d’une riposte directe à l’attaque de samedi soir, cet impératif plus large – et les alliances diplomatiques et militaires nécessaires pour arrêter l’Iran – doit être au cœur de la réflexion.
Après les événements de samedi soir, on peut s’attendre à ce que l’Iran poursuive son programme nucléaire avec une détermination débridée.
Pour le contrecarrer, il faudra l’alliance la plus profonde possible entre Israël et les États-Unis et d’autres alliés potentiels.
8. Et enfin : Il est absolument stupéfiant de voir avec quelle rapidité, ces dernières heures, Israël est passé de la certitude d’une guerre régionale à quelque chose qui s’apparente à la routine.
Si l’on laisse de côté pour un instant le fait que la vie en Israël est tout sauf routinière depuis le 7 octobre – avec la guerre à Gaza, les 129 otages à sauver, une zone frontalière nord invivable et une escalade des tensions en Cisjordanie –, il semble très prématuré de croire que ce conflit ouvert sans précédent entre l’Iran et Israël est terminé.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel